§1. La Commission bancaire de l’Afrique centrale

La Charte des investissements, à son article 24, dispose que les Etats confient à la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) la mission de veiller au respect des normes prudentielles par les banques658. A ce titre, elle est chargée de délivrer des avis conformes aux agréments et autorisations individuelles (fonction administrative) ; établit les prescriptions générales applicables aux assujettis (fonction normative) ; veille au respect par les établissements assujettis aux dispositions législatives et réglementaires édictées par les autorités monétaires nationales, par la BEAC ou par elle-même (fonction de contrôle) ; et a compétence pour sanctionner éventuellement les manquements constatés (fonction juridictionnelle).

La COBAC, au titre de sa fonction juridictionnelle, a des prérogatives disciplinaires, sans préjudice, des sanctions que peuvent prendre les autorités judiciaires nationales. Ainsi, lorsqu’un établissement n’a pas déféré à une injonction, ou tenu compte d’une mise en garde, ou enfreint gravement la réglementation, la Commission peut prononcer des sanctions suivantes : avertissement ; blâme ; interdiction d’effectuer certaines limitations dans l’exercice de l’activité bancaire ; suspension ou révocation des Commissaires aux comptes ; suspension ou démission d’office des dirigeants responsables ; le retrait d’agrément de l’établissement.

Les décisions de la Commission sont exécutoires, dès leur notification aux établissements de crédit, à l’exception du retrait d’agrément qui, sans être suspendu, n’est exécutoire qu’à l’expiration d’un délai d’un mois. Ces décisions prises, au titre des sanctions, sont susceptibles de recours auprès du Conseil d’Administration de la BEAC, seul habilité à le connaître en dernier ressort. Ainsi, le Conseil d’Administration, présidé par les Ministres de l’Economie, à tour de rôle, est le recours suprême susceptible d’infirmer les décisions rendues par la Commission Bancaire. Malheureusement, l’exercice par la Commission Bancaire de ses prérogatives se heurte quelquefois à l’incompréhension, voire à des difficultés inhérentes, pour l’essentiel, à l’absence d’un appui ferme des pouvoirs publics dans la mise en œuvre des décisions659.

Cette absence de l’appui des pouvoirs publics est une limite essentielle à l’assainissement du système bancaire660. Les ingérences politiques aux nominations des liquidateurs, les désignations de liquidateurs par les pouvoirs publics sans concertation avec la COBAC, au mépris des dispositions conventionnelles, les pesanteurs d’un environnement juridique peu favorable au recouvrement des créances commerciales, le manque de dynamisme des liquidateurs et enfin l’inexpérience de certains d’entre eux constituent autant de facteurs qui expliquent les résultats dérisoires et le piétinement du système bancaire en Afrique centrale661.

Malgré les actions de redressement, les banques restent fragiles, leurs réseaux étendus, et elles génèrent des coûts fixes élevés quelles ont du mal à couvrir. Elles manquent aussi de confiance entre elles, ce qui se traduit par un volume d’activités très faible sur le marché interbancaire. Cette absence de confiance est accentuée par le fait qu’elles fonctionnent dans un environnement défavorable caractérisé par le manque de discipline des agents économiques, le manque d’accès aux garanties et un système judiciaire inefficace, partial et corrompu662.

En outre, les banquiers se plaignent de la longueur des procédures au niveau des tribunaux pour recouvrer leurs créances. Il arrive même que les décisions rendues aillent à l’encontre de leurs intérêts, ou qu’elles soient difficiles à mettre en œuvre, du fait des pressions exercées sur les tribunaux ou sur les banques elles-mêmes. Ainsi, une catégorie de clients jouit d’une impunité, et les banques sont incapables d’obtenir l’exécution de leurs garanties.

Par ailleurs, l’utilisation d’un chèque comme moyen de paiement demeure une exception car, lorsqu’un commerçant se fait payer par un chèque sans provision, il n’a aucun moyen raisonnable susceptible de garantir ses droits, sinon que de saisir la justice. Or, le fonctionnement de cette dernière, et les délais d’attente pour espérer obtenir réparation dissuadent celui-ci de demander réparation. Cette situation n’est pas de nature à développer l’activité bancaire.

La méfiance des déposants est un autre indicateur de l’insuffisance du système bancaire. Il suffit de voir la précipitation avec laquelle les fonctionnaires se ruent aux guichets des banques chaque fin de mois, dès qu’ils ont reçu l’ordre de virement de leur salaire, pour remarquer ce manque de confiance. En effet, leur crainte se trouve être de ne pas récupérer les fonds déposés, ou d’être obligé de ne retirer ses fonds qu’au compte gouttes. La pratique consiste à attendre que de nouveaux dépôts soient opérés pour satisfaire les anciens déposants qui veulent faire des retraits. Ce qui montre que ce système bancaire n’est pas encore sorti de la crise.

Le système bancaire de la région n’offre, par conséquent, pas toutes les garanties pouvant favoriser les financements d’origine privé des infrastructures routières, et ce malgré les mesures de restructuration mises en place. C’est pourquoi, les efforts doivent être poursuivis pour revitaliser, renforcer, développer et diversifier l’ensemble du secteur financier. La collaboration entre secteurs privé et public devrait favoriser la restructuration des banques et des établissements financiers. Il faut améliorer leurs compétences techniques et de gestion et assurer leur assise financière, en faisant en sorte que les pays disposent de solides institutions capables de mobiliser l’épargne et de gérer avec compétence les opérations de crédit. C’est l’objectif pour lequel a été créé la Bourse des Valeurs Régionales de l’Afrique Centrale.

Notes
658.

La mission de contrôle confiée à la Commission Bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) est essentielle pour la viabilité à long terme de ce secteur. Elle est chargée, en effet, de veiller au respect des normes prudentielles par les banques. Les Etats membres soutiennent l’action de la COBAC et garantissent la bonne exécution de ses décisions.

659.

Bulletin de la COBAC, n°1, août 1996, page 62.

660.

A. Toto Same, «  le financement du développement de l’Afrique subsaharienne par des capitaux privés et publics externes : le cas du Cameroun », Paris, ANRT, année 1999, page 348.

661.

La situation était la même pour la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale, institution spécialisée de l’UEAC, créée pour financer le développement de la région. Mais, elle est en voie de redressement après des mesures de redressement.

662.

Le programme d’établissement du système financier régional comporte six volets : assainissements des banques et établissements financiers ; adoption des mesures d’intégration financière régionale pour les systèmes de paiement et la création d’agences bancaires dans les autres pays ; renforcement de la supervision ; renforcement du secteur du micro crédit ; développement d’établissements de financement à long terme et, surtout, aide à la mise en place d’un marché de titres de trésors. Cf. Mémorandum du Président de l’Association internationale de développement aux administrateurs sur une stratégie d’assistance à l’intégration pour l’Afrique centrale, 10 janvier 2003, page 17.