Annexe 5 Règlement N° 17/99/CEMAC-020-CM-03 relatif à la Charte des investissements de la CEMAC

LE CONSEIL DES MINISTRES

Vu le Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 16 mars 1994 et son additif en date du 5 juillet 1996;

Vu la Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC);

Sur proposition de Secrétaire Exécutif; Après avis du Comité Inter-Etats; En sa séance du 17 décembre 1999

ADOPTE

Le Règlement relatif à la Charte des Investissements de la CEMAC dont la teneur suit:

TITRE PRÉLIMINAIRE

PRÉAMBULE

Les Etats membres de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale mettent en œuvre, depuis plusieurs années, d'importantes reformes structurelles pour améliorer le cadre des activités économiques et soutenir une croissance durable. Dans ce cadre, les Gouvernements sont soucieux de promouvoir le développement d'un secteur privé dynamique et d'attirer des capitaux privés nationaux et internationaux.

Ils adhérent aux principaux dispositifs internationaux de garantie des investissements, y compris ceux relatifs aux procédures de Cours arbitrales internationales, à la reconnaissance et l'exécution de leurs sentences.

La Charte des Investissements constitue le cadre général commun regroupant l'ensemble des dispositions destinées à améliorer l'environnement institutionnel, fiscal et financier des entreprises dans le but de favoriser la croissance et la diversification des économies des pays membres, sur la base d'une meilleure définition du rôle de l'Etat, et d'un développement harmonieux du secteur privé à travers des investissements d'origine nationale ou étrangère.

La présente charte est complétée en tant que de besoin par des textes spécifiques pour préciser les conditions techniques, fiscales et financières de l'investissement et de l'exploitation dans certains secteurs spécifiques.

Les Etats membres ont la possibilité, par des réglementations nationales, de préciser et compléter les dispositions de la Charte sans la contredire.

TITRE I CONSOLIDATION DU CADRE MACRO-ECONOMIQUE

Article 1

Les Etats membres poursuivent la mise en œuvre des politiques économiques et monétaires visant à réaliser le redressement de leurs économies et leur développement sur une base durable. A cet effet, ils acceptent les règles de disciplines imposées par la surveillance multilatérale définie dans la Convention de l'Union Economique de l'Afrique Centrale.

Article 2

En vue de l'assainissement des finances publiques, les Etats membres veillent à une application rigoureuse de la réforme fiscale et douanière UDEAC de 1994, notamment en ce qui concerne la limitation des régimes dérogatoires et attachent du prix au recouvrement systématique des recettes fiscales et douanières, afin d'équilibrer les recettes et les dépenses publiques.

Les Etats membres s'engagent à accorder, dans l'allocation des ressources, une priorité aux dépenses de santé et d'éducation de base, facteurs de lutte contre la pauvreté, ainsi qu'à la justice et au développement durable.

Article 3

Les Etats membres s'engagent à améliorer la qualité des données et des informations mises à la disposition des investisseurs, sur leurs performances économiques et le développement social. A cet effet, ils accordent une attention particulière au renforcement des services et outils statistiques avec le concours de Afristat.

TITRE II CADRE JURIDIQUE ET JUDICIAIRE

Article 4

Les Etats membres veillent à promouvoir la sécurité juridique et judiciaire, et à renforcer l'Etat de droit. La Cour de Justice communautaire veille au respect des droits et obligations qui découlent du Traité et des Actes pris en vertu du Traité.

Ils adhèrent au Traité de l'OHADA (l'organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique). Ils garantissent l'application des procédures et des arrêts de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de cette Institution régionale. Ils adaptent leur droit national et leur politique judiciaire aux règles et dispositions de l'OHADA.

Article 5

Les Etats membres, s'efforcent de former les juges au traitement des affaires commerciales, et si possible, spécialisent certaines juridictions (tribunal de commerce ou chambre économique et sociale). Ils veillent à l'exécution diligente des décisions de justice.

Les Etats encouragent le recours à la procédure d'arbitrage et garantissent l'application des sentences arbitrales.

TITRE III RÔLE DES ETATS

Article 6

Les Etats membres garantissent le bon fonctionnement du système économique. A cet effet,

• Ils veillent à l'application uniforme et équitable des règles du jeu par l'ensemble des acteurs du système.

• Ils assurent le développement et l'entretien en bon état des infrastructures économiques et sociaux de base, dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'environnement et du développement urbain.

TITRE IV CONSOLIDATION DU CADRE MACRO-ECONOMIQUE

PARTENARIAT AVEC LE SECTEUR PRIVÉ

Article 7

Les Etats membres font confiance à l'efficacité du secteur privé pour impulser le développement et la croissance. Ils entendent l'associer à la définition des stratégies et à la solution des problèmes de développement.

A cet effet, ils apportent leur soutien au renforcement des organisations professionnelles autonomes et dynamiques. Il crée un cadre juridique favorable au bon fonctionnement des chambres consulaires, des syndicats patronaux et ouvriers, des associations des consommateurs, des Organisations non gouvernementales respectueuses des lois et règlements nationaux.

Ils adoptent ou animent un cadre institutionnalisé de concertation périodique et systématique avec le secteur privé et la société civile.

Article 8

Les Etats membres s'engagent à réduire les lenteurs et lourdeurs administratives et à fournir aux investisseurs toutes les informations utiles pour la conduite diligente des formalités requises pour leurs opérations. A cet effet, ils mettent en place un dispositif pour l'accueil, d'information et de conseil des investisseurs, et pour la facilitation de la création et de l'agrément des entreprises ; ils s'imposent un délai de réaction aux requêtes de l'entreprise, délai au delà duquel toute requête restée sans suite est considérée acceptée.

Lorsqu'un agrément est exigé, notamment dans le cas de codes spécifiques, les Etats veillent à la simplification et à la rapidité des procédures.

Article 9

Sauf motifs d'ordre public, de sécurité ou de santé publique, les Etats accordent à l'investissement étranger le même traitement qu'à l'investissement national. Toutefois, ils attendent de l'investisseur étranger qu'il évite tout comportement et toutes pratiques nuisibles aux intérêts du pays d'accueil, notamment par la surfacturation des prestations de la société mère à la filiale nationale, l'évasion fiscale, le recours à la corruption, etc., et qu'il s'abstienne de toute implication dans les activités politiques dans le pays.

TITRE V ENVIRONNEMENT DE L'ENTREPRISE

Article 10

Les Etats s'attachent à créer un environnement propice au développement des entreprises. A cet effet, ils mettent en œuvre une réglementation de la concurrence, assurent la protection de la propriété intellectuelle, développent des services d'appui au renforcement de la productivité, de la compétitivité.

Les réglementations communautaires sur la concurrence et la protection des consommateurs assurent le libre jeu de la concurrence comme moyen d'accroître la productivité et garantissent aux consommateurs un meilleur rapport qualité / prix.

Les Etats renoncent aux pratiques discriminatoires qui font obstacle au libre jeu de la concurrence, sauf celles expressément autorisées par la réglementation communautaire.

Article 11

Les Etats membres s'engagent à appliquer les règles de concurrence et de transparence dans les opérations de privatisation d'entreprises publiques, ils fournissent aux populations et aux opérateurs économiques toutes les informations requises.

Article 12

Membres actifs de l'organisation Africaine de Propriété intellectuelle (OAPI), les Etats garantissent la protection des brevets, marques, signes distinctifs, labels, noms commerciaux, indications géographiques, appellation d'origine. Ils appuient les mesures visant à stimuler l'innovation à acquérir et maîtriser les technologies innovantes, à favoriser la diffusion de la connaissance. Ils encouragent à cet effet les initiatives visant à nouer des relations de partenariat intérieur et extérieur.

Article 13

Les Etats sont décidés à mettre en place un système national et régional de normalisation, de métrologie et de certification, en phase avec le système international notamment le système International de Normalisation (ISO). Ils appuient le développement de la mentalité et de la culture de la " qualité totale " au sein des entreprises ;

La participation aux activités de l'organisation Régionale Africaine de Normalisation (ORAN) contribue à renforcer cette politique.

Article 14

Les Etats membres favorisent toutes les mesures visant à relever le niveau de productivité des entreprises. Ils soutiennent le développement des professions de conseils aux entreprises, par une réglementation appropriée. Ils appliquent une politique de réduction des coûts de transaction.

A cet effet, ils favorisent la création d'organes de régulation qui garantissent la disponibilité des facteurs de production dont les coûts élevés de ces services obèrent la compétitivité des produits manufacturés nationaux.

Quand un Service public fait naître un monopole naturel, les Etats mettent en place des moyens de régulation de ce monopole. Le cas échéant, ils créent un organe de régulation avec la participation du secteur privé et de la société civile.

Ils offrent aux investisseurs privés la possibilité de participer au financement des infrastructures économiques, par le moyen de concessions de service public.

Article 15

Les Etats membres et la Communauté sont conscients de la nécessité pour l'investisseur de disposer de ressources humaines en quantité et en qualification suffisantes. A cet effet, ils renforcent le secteur de l'éducation primaire de base afin d'améliorer le taux de scolarisation, notamment celle des filles. Ils portent une attention particulière à la formation professionnelle publique et privée et encouragent les entreprises et les organisations professionnelles privées à contribuer davantage au développement des ressources humaines.

Ils reconnaissent la nécessité de rendre plus flexible la réglementation du travail, en conformité avec les nonnes internationales auxquelles les Etats ont souscrit..

Article 16

Les Etats membres considèrent les fléaux tels le blanchiment d'argent, le commerce de la drogue, la corruption, la fraude et/ou tous autres contrefaçons qui constituent un sérieux frein au développement de leur économie. Ils s'engagent à mener une lutte sans merci contre ces maux. Cette mission de moralisation de la vie économique est confiée à un organe autonome ou à une institution communautaire dotée de moyens humains et financiers suffisants.

La corruption étant un fléau mondial, cette lutte ne pourrait aboutir sans l'intégrer dans un dispositif international. Les Etats membres militent en faveur d'un tel dispositif.

TITRE VI CADRE FISCAL ET DOUANIER

Article 17

La fiscalité des Etats membres repose sur les principes de simplicité, d'équité, fiscale et de modération dans la pression fiscale.

Ils ont adopté un tarif extérieur commun et ils s'appliquent à en assurer une mise en œuvre homogène, à lutter contre la fraude et à limiter les régimes dérogatoires sources de distorsions et d'inefficacité. Le taux du tarif des douanes applicable aux produits d'origine communautaire est de zéro.

Article 18

Les Etats membres sont conscients de la nécessité de moderniser les administrations fiscales et douanières. A cet effet, ils s'appuient sur la coopération douanière régionale, la formation des cadres et agents, l'informatisation de certaines tâches et, au besoin, le recours aux sociétés de surveillance sur la base d'objectifs précis.

Ils jugent encore excessifs les délais de dédouanement des marchandises et s'engagent à respecter les délais légaux fixés par le Code Général des Douanes. En tout état de cause ces délais ne doivent pas excéder les 3 jours (à l'exception des dimanches et jours fériés cf. Art. 112).

Article 19

Pour atteindre ces objectifs et respecter ces principes, les dispositions en vigueur dans le cadre du Code des Douanes, du Code Général des Impôts Directs et Indirects et du Code de l'Enregistrement, du revenu sur les valeurs mobilières et du timbre, s'articulent autour de :

1- Douanes :

• l'application des droits de douanes modérés harmonisés dans le cadre du tarif extérieur commun de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) ;

• la suspension des droits de douanes sous forme d'admission temporaire ou d'entrée en franchise pour les activités de recherche en matière de ressources naturelles, dans le cadre des réglementations spécifiques ;

• la suspension des droits sous forme d'admission temporaire ou d'entrée en franchise et de mécanisme de perfectionnement actif pour les activités tournées vers l'exportation.

2- Contributions directes et indirectes :

• L’application généralisée de la taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), assurant ainsi une fiscalité indirecte simplifiée et neutre pour l'entreprise ;

• L’application au taux nul de la TVA sur les productions exportées permettant le remboursement de la TVA acquittée sur les investissements et dépenses d'exploitation des entreprises exportatrices ;

• L’exemption de 'impôt sur les sociétés au cours des trois premiers exercices d'exploitation ;

• La possibilité de procéder à des amortissements dégressifs et accélérés, et l'autorisation du report des résultats négatifs sur les exercices ultérieurs pour améliorer le cash-flow des entreprises dans leur phase de montée en régime ;

• L’application des dispositifs de réduction d'impôts visant à favoriser la recherche technologique, la formation professionnelle, la protection de l'environnement suivant les codes spécifiques ;

• Le maintien de la pression fiscale à un niveau correspondant aux services rendus par les collectivités locales et l'Etat en matière d'infrastructures urbaines et des services publics.

3- Domaines et enregistrement :

• la modération des droits d'enregistrement pour la création d'entreprises, les augmentations de capital, les fusions de sociétés, les mutations des actions et parts sociales.

Article 20

Les Etats membres adoptent des législations spécifiques à certains secteurs d'activité notamment dans les domaines miniers, touristiques et forestiers.

Ils mettent en place pour les micros entreprises et le secteur informel un régime simplifié ou d'autres régimes de taxation en vue de leur limiter les obligations déclaratives et de leur faciliter la gestion administrative.

Article 21

Pour favoriser un développement harmonieux du territoire, des avantages spéciaux sont accordés aux entreprises qui investissent dans les régions enclavées ou arriérées: réduction d'impôts, prime d'équipement et compensation pour les services sociaux fournis par l'entreprise et qui rentrent dans les missions normales des Etats.

Ces mesures sont modulées en fonction du handicap à surmonter, sans constituer une distorsion grave aux règles de la concurrence.

TITRE VII UN SYSTÈME FINANCIER EFFICACE

Article 22

Les Etats membres disposent d'une monnaie commune convertible. Ils ont confié le monopole de son émission et de sa gestion à une Banque Centrale commune, la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC). Ils garantissent à celle-ci une réelle autonomie pour définir et conduire une politique monétaire saine, soucieuse de la stabilité de la monnaie, et veillent à la cohérence entre cette politique et les politiques économiques nationales, dans le cadre du mécanisme de surveillance multilatérale.

Article 23

Les Etats ont adhéré à l'article VIII des statuts du FMI garantissant la liberté des mouvements de capitaux pour les transactions courantes. Les conditions et délais d'exécution des transferts doivent encore être améliorés et mieux connus des acteurs économiques.

Article 24

Les Etats membres ont consenti d'importants sacrifices pour l'assainissement du système bancaire et sont résolus à le mener à son terme. La mission de contrôle confiée à la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) est essentielle pour la viabilité à long terme de ce secteur. Celle-ci est chargée, en effet, de veiller au respect des normes prudentielles par les banques. Les Etats membres soutiennent l'action de la COBAC et garantissent la bonne exécution de ses décisions pertinentes.

Article 25

Les Etats membres poursuivent des efforts pour mobiliser l'épargne destinée au financement des investissements.

A cet effet, ils poursuivent l'assainissement de la gestion dans le secteur des assurances et de la sécurité sociale (investisseurs institutionnels) en les soumettant au contrôle des organismes régionaux, tels que la CIMA pour les assurances et la CIPRES pour les organismes de sécurité sociale.

Pour renforcer la mobilisation de l'épargne en faveur de l'investissement, les Etats ont entrepris de mettre en place de nouveaux instruments, parmi lesquels un marché financier. Ils soutiennent les institutions de crédit mutualiste et mettent en place un cadre juridique pour la sécurité de leurs opérations.

Article 26

Le Traité de la CEMAC prévoit la création d'une Institution de financement du développement. Pour cela, le redressement de la Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale est un impératif majeur. Celle-ci a pour mission de mobiliser en faveur des projets de développement l'épargne locale et des financements d'origine extérieure.

Article 27

Les Etats membres sont conscients de la difficulté pour les PME/PMI d'avoir accès au crédit; l'amélioration de leur capacité de gestion et le développement du secteur de financement par capital-risque permettront d'atténuer cette contrainte.

Article 28

Dans le nouvel environnement économique international marqué par la mondialisation, le développement est tiré par les exportations. Celles-ci représentent une part importante de PBB de notre sous-région. La difficulté d'accès au crédit constitue un des obstacles à la diversification des exportations. Les Etats membres adhèrent aux

institutions spécialisées dans le financement des exportations ou dans l'assurance de risques exportations. Ils encouragent l'extension dans les pays membres, des activités de la Banque Africaine d'Import-Export.

TITRE VIII DISPOSITIONS FINALES

Article 29

Les Etats membres s'efforcent d'obtenir l'appui de leurs partenaires sous des formes diverses : garantie des investissements, avantages financiers ou fiscaux, notamment des encouragements de leurs promoteurs nationaux d'investir dans la sous-région.

Article 30

La présente Charte Communautaire peut être complétée par des textes réglementaires nationaux sans déroger à ses dispositions essentielles.

Article 31

Tout Etats membres peut soumettre au Conseil des Ministres des projets tendant à la révision de la présente Charte.

Le Secrétaire Exécutif et la Commission permanente du Commerce et de l'Investissement créée par Acte n° 6/97-UDEAC-639-CE-33 du 5 février 1998, peuvent également soumettre des projets de révision de la Charte.

Les modifications entrent en vigueur après avoir été adoptées par le Conseil des Ministres.

Article 32

La signature de la Charte comporte l'engagement pour chaque Etat de mettre en œuvre toutes les dispositions dans le délai le plus court et, au plus tard, dans les cinq (5) ans.

N'DJAMENA, le 17 Décembre 1999.

LE PRÉSIDENT

BICHARA CHERIF DAOUSSA