Introduction générale

Eduquer un enfant, un jeune, un homme ou une femme a toujours été une entreprise ardue. Cela peut conduire au succès comme à l’échec : l’Afrique contemporaine ne fait pas exception et montre même des difficultés croissantes quant au rôle que les Etats accordent à l’éducation dans la construction sociale. Si une telle tâche dépendait des principaux indicateurs humains et culturels, la situation des pays africains serait positive. En réalité, les «abandons éducatifs» sont nombreux, et cela nous indique que dans l’évaluation de la situation il faut prendre en compte d’autres facteurs notamment : les modes de vie et les comportements fondamentaux face, soit aux dégâts sociaux liée à un héritage colonial lourd de conséquence, soit à la gestion calamiteuse des Etats africains depuis l’accession à l’indépendance par des dirigeants locaux, issus du système scolaire hérité de la colonisation. C’est dans ces circonstances que s’est développée la pratique éducative actuelle qui semble se retrouver sur une voie incertaine. Sur l’Afrique, pèsent divers autres facteurs caractéristiques du sous-développement parmi lesquels les incertitudes manifestes sur les buts de l’éducation et la cristallisation du débat presque exclusivement sur une éthique publique construite sur la valorisation de l’économique au détriment de l’éducatif, sans se préoccuper réellement de l’avenir des peuples du continent. Il s’agit d’un « éternel » débat qui absorbe les énergies, à tel point qu’il n’en reste plus pour s’occuper de l’éducation de la personne : la question pédagogique étant toujours plus marginale dans la culture, au bénéfice d’autres préoccupations centrées sur des domaines jugées plus rentables. Nous demeurons dans une période caractérisée par le primat du contrat et par l’éclipse du sens de la solidarité, dans lequel la projection vers le futur semble faible. Un point qui devrait attirer notre attention. Peut-être, suite à la complexité du contexte, il devient de plus en plus difficile de regarder la réalité en face, et le futur suscite plus de craintes que de confiance. On semble être privés de tension vers le lendemain des hommes fatigués par le poids de l’histoire.

Aujourd’hui, la société africaine se présente comme une société sans idéal, qui ose moins et qui de plus en plus se renferme sur ses difficultés quotidiennes. Une situation qui nous a questionné jusqu’à nous pousser sur le chantier de cette thèse. Et pourtant, dans le contexte de la globalisation actuelle, il appartient à chaque société de faire entendre sa voix, au risque de disparaître. Voilà l’observation qui nous a poussé à nous interroger sur la réalité actuelle de l’Afrique et les moyens à suggérer pour une perspective de développement où les peuples africains devraient jouer le rôle de premier plan. Mais une telle suggestion a un prix : c’est un investissement dans une éducation pour le changement des mentalités. Or, toute allusion à l’éducation implique la patience, la persévérance et la méthode. La rédaction de ce travail s’inscrit dans cette dynamique suggestive qui s’inspire de quelques années d’expérience comme praticien de l’éducation, de la formation et du développement. Elle traduit aussi, le désir qui nous anime, de voir un jour, les pays Africains devenir responsables de leur propre développement. Nous sommes étonnés de la difficulté pour la plupart des Africains, à assumer les échecs liés à la mauvaise gestion des Etats depuis les indépendances jusqu’à aujourd’hui, préférant trouver des boucs-émissaires du côté des Colonisateurs, ou du « lointain » esclavage. Plusieurs adjectifs sont inventés dans le but de dédouaner la responsabilité africaine des échecs rencontrés. Certes, le poids de l’histoire pèse lourdement sur l’Afrique et il serait injuste d’en ignorer les conséquences néfastes. Mais seule la raison du poids historique ne peut servir de justificatif aux dérapages et à toutes les malversations liées à la mauvaise gouvernance dont les leaders africains sont les premiers responsables. Par ailleurs, les populations participent elles aussi, à la pérennisation des systèmes politiques qui travaillent contre leur bien être. Mais nous ne pouvons pas leur tenir rigueur, cela étant lié au manque de culture démocratique et, au fait de ne pas avoir pris pleinement conscience du pouvoir dont elles disposent, de participer à la consolidation d’une société juste, libre et démocratique. Faute d’une conscience de leur dignité, elles chantent et dansent à longueur des journées, pour des dirigeants qui participent à leur anéantissement.