1. Problématique

La problématique du développement implique une dynamique qui dépasse le simple cadre du continent africain. Elle intègre la coopération entre le Nord et le Sud et la solidarité internationale. Une réalité qui nous a conduit à sortir du seul contexte africain, pour interroger la dynamique internationale qui compte plusieurs partenaires du développement en Afrique. Sans oublier qu’aujourd’hui, nous vivons dans une société mondialisée, où ce qui se passe sur un coin de la planète intéresse le monde entier1. Une observation qui nous a obligé d’aller interroger la pratique démocratique, considérée comme le moyen le moins mauvais pour accéder au développement des peuples. La démocratie est ce système politique qui représente le mécanisme sociétal de médiation entre les acteurs sociaux collectifs d'une part et entre ceux-ci et l'État d'autre part, pour favoriser le développement pour tous, du moins pour le plus grand nombre. Ce qui fait dire à Alain Touraine que le développement n'est pas la cause, mais plutôt la conséquence de la démocratie 2. Pour ce qui concerne l'Afrique, les faits prouvent que ce sont les conditions structurelles d'ordre surtout politique, en vigueur depuis les indépendances qui ont rendu impossible le développement. L'absence totale ou partielle de la démocratie, c'est-à-dire les régimes d'autocratie ou de dictature instaurés dans ces pays devenus indépendants au tournant des années 1960, ne sont pas dotés de véritables politiques sociales intégrées dans un processus de développement. L'oligarchie doublée de la dictature a favorisé l'émergence des États patrimoniaux qui ont donné lieu au clientélisme, à la corruption, et à une économie de prédation. Plus de quarante années d'aide extérieure, d'accords de coopération internationale, de dons, de prêts, d'investissements étrangers, de méga-projets en milieu urbain ou semi-urbain; de projets d'éducation, de coopératives agricoles, d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement en milieu rural ou des projets de développement dits de « développement intégré » n'ont, pour la plupart connu que des échecs. En fin de compte seule l'oligarchie nationale a véritablement profité de l'aide au développement, et ceci avec la complicité à peine voilée de certains pays du Nord. Le mal ou le non développement en Afrique n'est donc pas une question d'aire géographique, mais c’est une question dont les causes sont à la fois endogènes et exogènes.

Même dans l'état actuel des choses, il n'est pas dit que le processus démocratique en cours sur le continent réponde nécessairement aux besoins et aux aspirations de développement endogène des sociétés africaines exploitées. Sans sous-estimer les causes internes de ce mouvement, on ne peut pas nier par ailleurs l'influence des facteurs externes sur l'implosion démocratique, longtemps contenue par les dictatures soutenues par les puissances du Nord. La conditionnalité institutionnelle de la démocratisation en Afrique a été une politique des grandes instances financières internationales, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International à la fin des années 1980, lorsqu'il a été constaté que les Programmes d'Ajustements Structurels ne donnaient pas les résultats escomptés. Il fallait alors qu'émergent dans une Afrique criblée de dettes, des régimes compétents et politiquement légitimes, capables d'appliquer efficacement ce programme et de faire entrer ces Etats dans le processus de la mondialisation. Dès lors, on comprend la nécessité de s’interroger sur les politiques africaines ambiguës et parfois contradictoires des pays comme la France, la Belgique, l’Angleterre ou les États-Unis d'Amérique. La possible et nécessaire démocratisation de l'Afrique pour la mise en place d’un véritable développement, dépend du soutien que les pays du Nord apporteront aux mouvements démocratiques internes, d’abord pour un changement des mentalités, ensuite des structures. En somme, le développement démocratique est au commencement et à la fin du développement social et économique, tout comme un minimum de développement est un chemin incontournable pour l’émergence d’une démocratie réelle et d’une société de justice, ce qui justifie la nécessité d’une nouvelle vision de l’éducation fondée sur la rupture avec l’ancienne pratique éducative.

Notes
1.

Il suffit d’observer comment la situation en Somalie préoccupe au plus haut point, les autorités de l’Union Européenne, pour se rendre compte du fait, qu’on ne peut plus faire une approche du développement sans faire allusion aux implications endogènes et exogènes.

2.

. A. TOURAINE, Qu'est-ce que la démocratie, Paris, Fayard, 1994.