2. Un nouveau paradigme éducatif en Afrique

La crise du développement en Afrique est aussi un débat de culture. Sous cet angle, la problématique du développement s’enrichirait en interrogeant le modèle du développement théorisé par des pédagogues contemporains qui ont cru en la possibilité de l’éducation, non pas de résoudre tous les problèmes sociaux, mais de participer à la transformation de la société dans sa profondeur. Il s'agit de proposer une sorte de nouveau paradigme éducatif pour l’Afrique, en s’appuyant sur les analyses fondées sur une vision qui intègre la dimension culturelle des sociétés à promouvoir. Une manière de remettre en question ces anciens modèles qui voyaient dans les fondements culturels des sociétés africaines, les obstacles majeurs à la modernisation économique et sociale. Or on ne saurait développer une société en cherchant à détruire tout son socle culturel. La prise en compte de ces éléments faciliterait en ce sens, un changement et une évolution plus harmonieux de la société africaine contemporaine. Expurgé de ses éléments aliénants selon une logique et une stratégie appropriées, la culture devient le levain du développement de la société. En Afrique, beaucoup de projets de développement rural, de développement intégré, de développement urbain ont échoué parce que leurs théoriciens et leurs praticiens ont ignoré les logiques sociales, culturelles et économiques des peuples pour lesquelles ils prétendaient agir.

Il aura fallu plusieurs années d’expériences ratées, pour que les grandes organisations de coopération et de développement international comprennent qu'il ne peut pas y avoir de développement sans la prise en compte des fondements culturels d'une nation, d’un peuple, ou d'une société. En cette période où l’Afrique se trouve engagée à l’école de la démocratie rousseauiste, le passage d’une pédagogie basée sur la simple « transmission des connaissances » à un nouveau type de pédagogie fondée sur le « partage des savoirs », se présente comme un véritable défi. D’ailleurs, la démocratie n’est réalisable que si la population est suffisamment éduquée, et sa conscience éveillée à ses droits, à ses devoirs et à ses responsabilités citoyennes. Pourquoi n’avoir pas choisi de focaliser notre analyse sur un Etat particulier, ou d’une région particulière d’Afrique ? Nous nous sommes posé cette interrogation. Mais au moment où nous assistons au processus de la difficile mise en place de l’Union Africaine, il devient de plus en plus obsolète, de parler de l’Afrique comme d’un continent compartimenté en petits morceaux. Déjà la création des frontières coloniales arbitraires est vécue comme un caillou dans la chaussure des indépendances. Et s’il faut encore y ajouter une lecture qui renforce les divisions, ce serait une manière de remettre en cause le principe selon lequel, l’Unité africaine est un projet cohérent et nécessaire. Notre démarche avait cependant besoin de s’appuyer sur des auteurs contemporains qui ont essayé de poser les bases d’une philosophie de l’éducation pour le développement des peuples.