3.2.2. Education et mutations sociales

Aujourd’hui, c’est l’humanité tout entière qui est en pleine mutation. Chaque jour qui passe, nous assistons à des transformations socioculturelles, économiques et scientifiques de grande envergure. L’Afrique n’est pas en reste par rapport à cette fulgurante évolution du monde. Cependant, un aspect, et non le moindre est à remarquer ; depuis quelques années, nous assistons à l’élargissement des frontières de l’Union Européenne, pendant que ces mêmes frontières se ferment de plus en plus aux ressortissants africains, sous prétexte de lutte contre l’immigration. Face à ces évolutions, point n’est besoin de se mettre à imiter la logique individualiste qui gangrène la société occidentale, mais entreprendre les voies d’ouverture au monde afin d’apporter sa petite part de contribution à l’humanisation de la société. Une démarche qui rejoint la préoccupation de Paulo Freire qui pense que « c’est l’ouverture de son regard sur la réalité environnante qui lui permet de participer au monde et fait de lui un être de relations. La pluralité dans les relations avec le monde reflète la grande diversité des problèmes qu’il doit affronter, et pour lequel, il n’existe aucun modèle de réponse. »211 Cette ouverture est d’autant plus nécessaire, car nous sommes à un moment de l’histoire universelle où les cultures sont appelées à s’enrichir mutuellement, tout en demeurant elles-mêmes. Dommage que dans cette nouvelle conception, l’Afrique semble laissée à la traîne. Curieusement, ce sont les partisans de la mondialisation qui soutiennent la logique selon laquelle il faut bâtir une nouvelle société où l’Afrique aurait tout à donner et rien à recevoir212.

La société actuelle a besoin d’un renouvellement de ses valeurs. Même l’Europe s’éloigne progressivement des valeurs qui ont contribué à son développement et à sa renaissance. C’est peut-être le prix à payer pour se développer. L’Afrique dispose cependant d’un potentiel culturel qui serait bénéfique pour le monde contemporain. De même que l’Afrique a beaucoup à apporter à la civilisation universelle, elle a aussi à en recevoir certaines valeurs susceptibles de lui permettre d’assumer pleinement sa place au sein de la mondialisation. Nous pensons à la vie démocratique qui a encore besoin d’être intériorisée par la plupart des Etats d’Afrique, pour combattre de façon intégrale le vice destructeur du sous-développement. Les sociétés africaines actuelles ne peuvent plus être gérées comme des royaumes d’il y a quelques siècles. Tout a évolué et l’Afrique doit en tenir compte. Il faut se rendre à l’évidence. Face à l’objectivité et à la force de l’éducation moderne, l’initiation semble avoir présenté de moins en moins d’importance auprès des jeunes africains et de leurs sociétés respectives. Pour que cette pratique se maintienne, un effort d’adaptation et d’intégration de nouvelles valeurs en son sein s’impose. Si elle reste dans la logique d’enfermement sur soi, dans une illusion permanente d’avoir toujours raison, elle finira par disparaître comme toutes les pratiques anciennes qui n’ont pas su s’adapter à la réalité. Ce qui est vrai c’est qu’aucun parent n’accepterait l’idée que son enfant ne trouve pas une place à l’école! De même, du côté de l’enfant, naîtra d’une part une grande frustration, du fait que son droit élémentaire à l’éducation est bafoué, et d’autre part un complexe d’infériorité devant les camarades de son âge en situation d’apprentissage réussi. A l’heure où la formation des grands ensembles régionaux est de plus en plus préconisée, pour s’adapter au contexte de la mondialisation, l’école ne serait pas seulement perçue comme le lieu d’acquisition des savoirs, mais aussi d’apprentissage des valeurs d’ouverture au monde et d’acceptation des différences.

Notes
211.

P. FREIRE, L’éducation pratique de la liberté, Paris, Cerf, 1971, p. 37.

212.

L’Afrique n’est pas à l’abri des difficultés posées par les avatars de la mondialisation. Le système éducatif actuel, s’il veut être à la hauteur de sa tâche de contribuer au développement, doit absolument intégrer les données des échanges mondiaux. C’est effectivement au sujet de ces échanges que nous redoutons cette collaboration à sens unique. Ainsi, les pays d’Afrique ne doivent pas se mettre en marge des autres pays en développement. J. THOMAS, « Solidaires de la mobilisation africaine » in, Faim et développement magazine, N° 225, novembre 2007, p. 3. Pour les partisans d’une mondialisation solidaire, il faut que les populations se mobilisent en faisant pression auprès des parlements et des gouvernements de leurs pays pour résister aux sirènes de l’Union européenne. Ceci ayant pour but de dénoncer la façon dont Bruxelles envisage de réorienter les relations avec les pays d’Afrique Caraïbes et Pacifiques. Cette tâche incombe premièrement aux populations des pays concernés. D’où la nécessité de sensibiliser la population par l’éducation.