3.3. Eduquer a l’accueil et à l’autonomie

L’accueil est l’un éléments fondamentaux de la culture africaine. Il suffit de faire un tour dans certains pays africains pour s’en convaincre. Mais cette vertu est souvent mise à mal par des influences obscures et des objectifs cachés de certaines élites africaines. On peut se cacher derrière les termes du genre, « les Africains sont gentils » ou encore, « l’accueil est chaleureux » dans les pays d’Afrique. Il est vrai que, de ce côté les Africains auraient beaucoup à apporter à l’humanité. Cependant, lorsque nous assistons au meurtre des ressortissants africains en Côte d’Ivoire, quand nous voyons comment les camerounais sont traités et parfois renvoyés de façon inhumaine de la Guinée Equatoriale, quand nous assistons à l’expulsion des congolais de l’Angola, l’affirmation selon laquelle les Africains sont accueillants, devient discutable. En effet, nous parvenons à la conviction que, même la tradition a des limites face à la méchanceté humaine. C’est pourquoi la prise en compte de la notion de l’accueil et de la place de l’autre servirait de levier dans la promotion d’une culture où l’on valorise ce qui unit et non ce qui divise. Le tribalisme considéré encore comme le critère d’accès à certaines responsabilités cédera ainsi la place au mérite, à la compétence et à l’acceptation des différences223.

Il est impossible de bâtir un Etat démocratique si les citoyens ne sont pas formés à l’autonomie et à l’indépendance d’esprit. Pendant les campagnes électorales, le constat est que beaucoup de candidats appellent à la haine ethnique. Sur recommandation de certaines élites, il y a des jeunes qui commettent des violences dont les conséquences sont souvent incalculables parce qu’ils les exécutent en agissant comme des automates, sans aucun discernement ni esprit critique. C’est ce qui s’était déjà passé en Europe, pendant la seconde guerre avec la jeunesse hitlérienne. S’insurgeant contre cela, Jacques Maritain parle de l’inacceptable « éducation pour la mort. »224 C’est pourquoi la jeunesse africaine doit recevoir une éducation à l’autonomie afin de ne pas être instrumentalisée par les assoiffés du pouvoir. D’où la nécessité de conduire cette jeunesse vers la plus grande autonomie dans ses actes et dans ses décisions. « La responsabilité vient à son heure pour quelqu’un qui est d’abord devenu autonome. »225

Notes
223.

Sur ce sujet, Jacques Maritain a apporté une contribution intéressante. Il pense que « Si la nature et l’esprit de l’enfant sont l’agent principal dans l’éducation, il est dès lors évident que les dispositions fondamentales à favoriser dans cet agent principal constituent la base même de l’œuvre d’éducation. Ces dispositions sont enracinées dans la nature, mais elles ont besoin d’être cultivées avec soin. »Il énumère cinq principales dispositions à favoriser. Parmi celles-ci, c’est celle relative à la relation avec autrui qui devrait retenir notre attention. C’est ainsi qu’il manifeste le désir de voir les éducateurs cultiver chez les éduqués, « le sens de la coopération, qui est aussi naturel en nous, et aussi contrarié que la tendance à la vie sociale et politique. » J. MARITAIN, Pour une philosophie de l’éducation, op. cit., p. 58.

224.

Le phénomène que nous déplorons aujourd’hui en Afrique n’est pas un fait nouveau. « Les jeunes patriotes » en Côte d’Ivoire » ; les « sans échecs » au Burundi ; les « Shegués » en République démocratique du Congo ; les « Ninjas » ou les « Cobras » au Congo-Brazzaville… étaient déjà une réalité en Europe et particulièrement en Allemagne pendant la seconde guerre. Jacques Maritain s’attaque à cette épineuse question en affirmant : « Nous devons affronter le fait qu’une partie de la jeunesse allemande, celle qui depuis dix ans a été éduquée par Hitler, se trouve irréparablement empoisonnée. Après la guerre, nous serons là en présence, soit de la perversion durable provoquée par un fanatisme intégral, soit plutôt de l’effondrement et du nihilisme d’esprits désintégrés et dévastés. .. Le peuple doit être guéri. Ce n’est pas là une tâche aisée ni rapide. Je ne parlerai pas ici des remèdes requis par la médecine ou de la chirurgie politiques. Je parlerais des mesures préventives et du formidable travail d’éducation qui sont nécessaires. »J. MARITAIN, L’éducation à la croisée des chemins, op. cit., p. 175.

225.

Y. BONNET., Op. cit. p. 106.