3.3.1. L’éducation à l’autonomie

Si l’éducation se préoccupe du développement de la personnalité de l’enfant, c’est pour qu’il puisse, un jour assumer des responsabilités familiales, civiques, associatives et professionnelles. L’éducation voudrait l’amener à devenir adulte à part entière. De l’étape du bébé totalement dépendant à celle de l’adulte responsable, il y a une grande distance à franchir. Celle-ci se situe dans l’espace et le temps. Elle exige un travail de fond et un apprentissage progressif de l’autonomie. Dans l’évolution de la vie de l’enfant, il y a des éléments d’autonomie qui se manifestent déjà dès le jeune âge et c’est sur eux que nous devons nous appuyer pour aider les jeunes dans leur croissance. Dès l’âge du berceau on donne des jouets au bébé, on suspend des mobiles au dessus de lui, pour qu’il commence à utiliser ses sens, à maîtriser sa motricité, à apprécier les distances et à observer les mouvements. C’est souvent merveilleux lorsqu’on le voit faire des efforts. Ceux-ci ne sont pas que physiques, ils impliquent une démarche de l’intelligence et de la raison. Ces apprentissages doivent être stimulés par les éducateurs, notamment à travers quelques sensibilisations auprès des parents226. Plus ils se multiplieront, plus le sens de l’autonomie s’éveillera chez le jeune apprenant. Le petit enfant apprend beaucoup moins vite que le petit animal, mais la croissance dans l’autonomie est plus rapide chez l’homme que chez l’animal. L’animal est programmé par son instinct de survivre, s’il atteint l’âge adulte, à se reproduire et à disparaître. Toutefois, l’autonomie ne peut s’épanouir que si les adultes font confiance aux enfants et leur donnent la possibilité de gérer leur temps. Mais cela n’exclut pas que chaque enfant aura à faire des choix, à s’organiser personnellement pour privilégier le nécessaire par rapport au contingent. Et l’exigence de la performance dans la compétitivité contemporaine implique que la gestion du temps soit prise au sérieux. L’une des raisons du sous-développement en Afrique est liée à l’incapacité de gérer rationnellement le temps dans la réalisation des projets et dans l’harmonisation des palabres227. On pense qu’on peut discuter plusieurs jours sans conclure. Cette complexité doit être gérée avec responsabilité, et ce n’est pas à l’âge adulte que cet apprentissage se fera, mais durant l’enfance. Il incombe ainsi à l’éducateur qui chemine avec l’enfant de l’aider à passer progressivement de la simple autonomie à une autonomie plus complexe. C’est en grandissant en maturité que l’enfant deviendra de plus en plus apte à s’autogérer. Par ce que, « l’autonomie n’est pas de faire ce qu’on veut mais ce qu’on doit, comme on veut, dans des limites fixées. »228 L’autonomie ne se confond pas avec l’exaltation de la libido et encore moins, avec la possibilité d’imposer son immaturité à ses proches. L’exercice de l’autonomie exige une prudence qui consiste, non dans la privation de l’autonomie, mais dans son encadrement pour prévenir les dérapages.

Notes
226.

Nous refusons de nous aligner à la thèse soutenue par le philosophe Alain au sujet de l’incapacité de la famille à bien éduquer les enfants, à cause du lien sentimental qui les unit. Cette thèse est pourtant soutenue par Y. Lorvelec pour qui, « la famille instruit mal et même élève mal. Les parents, et pas seulement qu’ils sont ignorants ou qu’ils manquent de loisir, sont incapables d’enseigner à leurs enfants… La raison en est que le lien des parents à l’enfant est de sentiment. Mais le sentiment exige trop ou peu. Il demande tout et pardonne tout… » Y. LORVELLEC, Alain philosophe de l’instruction publique. Eléments pour une critique de la pédagogie, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 38. Pour notre part, il est impensable de concevoir l’éducation sans l’implication de la famille. L’éducation est un processus qui exige une collaboration entre les parents et les enseignants pour le bien de l’enfant. Nul ne peut douter de l’influence d’un grand nombre des parents sur leurs enfants : « les parents ont une grande influence sur leurs enfants. »J. FAUVET, Moyens collectifs d’éducation, op. cit., p. 13. C’est pourquoi, nous devons mettre à contribution cette influence, au lieu de la rejeter en bloc, pour donner aux jeunes plus de chances d’épanouissements.

227.

La question de la gestion du temps en Afrique est un véritable casse-tête. Façonné dans un vision cyclique du temps, on ne se fait pas de la peine à renvoyer les projets toujours au lendemain avec l’espoir de les réaliser le moment venu. Le Professeur Ngoma Binda du Congo s’était déjà insurgé contre cette pratique . Selon lui, c’est « ce défaut qui est souvent dénoncé dans la démocratie traditionnelle africaine qui ne semble point connaître des limites de temps dans ses longues palabres. »P. NGOMA BINDA,Pour une démocratie fédéraliste au Zaïre ?, Kinshasa, IFEP, 1992, p. 26.

228.

Y. BONNET, Op. cit., p. 110.