II ème partie
le rôle de l’ducation dans construction d’une société juste : Jacques Maritain

Introduction

Chaque processus authentique d’éducation commence avec un acte de réalisme, en regardant ce que sont les choses et comment elles se présentent, en apprenant à distinguer le vrai du faux, le bien du mal, la justice de l’injustice. L’éducation est un processus anti-nihiliste, le nihilisme étant enraciné dans le refus du principe de réalité, et dans l’adhésion à des critères d’irréalité qui semblent constitutifs d’aspects importants de la société contemporaine. On comprend quelles difficultés peut rencontrer toute forme de pratique éducative qui remet en question ce principe, s’il nous vient à l’esprit que le but essentiel de cette forme d’éducation est l’émancipation de l’homme et de la société. Le principe élémentaire de la vie qui est aussi le principe fondamental des Droits de l’Homme263, voudrait que tous les hommes naissent, grandissent et meurent, quelle que soit leur origine sociale, ethnique ou culturelle. Dans ce parcours existentiel ils se découvrent posés dans un même monde, soumis aux mêmes impératifs de temps et d’espace. Ils s’inscrivent tous dans l’histoire. Par ce seul constat, nous pouvons affirmer que tous les êtres humains naissent égaux en droits et en dignité. On peut aussi se demander ce qui fait de l’autre mon semblable, et m’exige de lui accorder les mêmes droits que ceux dont je jouis. Pour essayer d’approfondir cette interrogation, nous allons mener une étude anthropologique qui permet d’interroger la complexe notion de la personne dans ses composantes physiques, humaines, culturelles et spirituelles. Cette démarche montre qu’une rigoureuse compréhension de cette notion facilite une harmonieuse application des principes éducatifs, et sa saisie contribue à la mise en place d’un système d’éducation dont la principale préoccupation est l’épanouissement de la personne dans toutes ses dimensions. Pour Jacques Maritain, l’homme est un être de culture. A ce titre, il a droit à une éducation qui lui permette d’asseoir son humanité : « L’homme n’est pas seulement un animal de nature comme l’ours ou l’alouette. C’est aussi un animal de culture dont l’espèce ne peut subsister qu’avec le développement de la société et de la civilisation. »264

Or, la destinée humaine dépasse le simple cadre temporel, car l’homme n’existe pas seulement en tant qu’être physique : « il a en lui une existence plus riche et plus noble, la surexistence spirituelle propre à la connaissance et à l’amour. »265 Pour se réaliser comme personne, il est donc appelé à vivre dans la société, c’est-à-dire, à se socialiser. Son appartenance à celle-ci tire son essence de l’idée de « personne » qui implique connaissance, amour, communication, dialogue et partage. En effet, c’est cette appartenance de l’homme à la société qui nous préoccupe. L’essentiel n’est pas d’être membre d’une communauté, pour suivre les autres de façon grégaire, mais de prendre sa place, de jouer son rôle d’être historique et d’influer sur le cours de l’histoire à travers l’éducation reçue, et le sens de créativité que procure une toute culture. Tel est l’objectif principal de cette deuxième partie. Nous allons y analyser la nécessité d’une éducation à la sagesse qui traverse les cadres institutionnels de la sphère scolaire pour s’étendre à la culture et aux traditions. Ensuite, nous passerons par une brève présentation de l’itinéraire existentiel de Jacques Maritain. Après avoir questionné la notion de l’homme dans ses dimensions biologique, psychologique, physique, sociale et spirituelle, nous aborderons la problématique du développement démocratique à la lumière de la vision de l’éducation proposée par Jacques Maritain. Au sujet de la notion de personne, il sera question de commencer par dire ce qu’elle représente. Ensuite, nous allons questionner la notion ambiguë de société démocratique. Il sera question d’en interroger les vertus, les limites, mais aussi la nécessité de la promotion des valeurs démocratiques dans la culture africaine en nous appuyant sur la pratique pédagogique. Après une remise en cause du système d’éducation en cours en Afrique aujourd’hui, suivra une analyse susceptible de parvenir à proposer les bases d’une éducation citoyenne, démocratique, libre et intégrative. Une démarche qui sollicite, non seulement la sphère scolaire traditionnelle, mais l’implication de toutes les structures concernées par la promotion d’une société offre à chaque citoyen les moyens de son épanouissement et de participation politique.

Notes
263.

ACTION DES CHRETIENS POUR L’ABOLITION DE LA TORTURE, Eduquer conformément aux Droits de l’Homme, Paris, Editions Ouvrières, 1988, p. 100.

264.

J. MARITAIN, Pour une philosophie de l’éducation, Paris, PUF, 1959, p. 25.

265.

Idem, p. 123.