2.2. La personne au cœur du développement

Dans son expérience de tous les jours, l’homme découvre qu’il est un vivant avec les autres dans un univers qu’il n’a pas choisi. Il est une personne qui vit en présence d’autres personnes. Effectivement, la personne prime sur la gestion du système éducatif qui doit être à son service. Comme le dit Emmanuel Mounier : « la personne est un absolu, à l’égard de toute réalité matérielle. »317 D’abord parce qu’elle est unique et donc infiniment précieuse. Pour montrer sa valeur, Jacques de Coulon revient sur cette formule, empruntée à Rabbi Hillel qui annonce le caractère irremplaçable de la personne : « Si je ne suis pas moi, qui le sera ? »318 Ensuite, la personne est un absolu, parce qu’elle échappe à tout étiquetage, elle n’est pas réductible aux étiquettes que je lui affecte, et elle ne se laisse pas enfermer dans une cage des concepts définis une fois pour toutes. Pour Blaise Pascal, « l’homme passe infiniment homme. »319 Pour Emmanuel Kant, la dignité de la personne humaine réside dans sa capacité à se libérer des pulsions immédiates pour se déterminer selon les principes de la raison. Cette faculté d’autonomie fait qu’elle est considérée comme une fin en soi : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta propre personne que dans celle d’autrui toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen. »320 Contrairement aux objets, même aux animaux, pour Emmanuel Kant, la personne humaine n’a pas de prix. Je peux vendre ma voiture, ma maison ou mon chien, mais pas mon enfant. Parce que, mon enfant est une fin en soi qui, « par sa raison conçoit la loi naturelle. »321 De cette observation découle l’idée selon laquelle, l’école n’est pas une structure à confondre avec une entreprise. Alors que l’entreprise a pour but de préparer une marchandise à vendre, l’école n’a rien à vendre. Elle est là pour préparer les apprenants à devenir d’abord humain afin de mieux s’assumer, et assumer en plus leur responsabilité citoyenne. Par conséquent, elle ne peut pas être subordonnée à quelque idéologie que ce soit, même une idéologie pédagogique. Une manière de lui permettre de garder son indépendance. Mais pour être plus précis, essayons d’analyser la conception de la personne chez Jacques Maritain, ce qui passe d’abord par une analyse existentielle de la subjectivité.

Notes
317.

E. MOUNIER, L’engagement de la foi, Paris, Seuil, 1968, p. 34.

318.

J. de COULON, Petite philosophie de l’éducation, op. cit., p. 41.

319.

Ibidem.

320.

E. KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, Paris, Delagrave, 1979, p. 150.

321.

Idem, p. 168.