2.2.1. La subjectivité selon Jacques Maritain

Le monde des sujets est un monde de nature et d’aventure, où il y a des évènements liés à la contingence humaine. Nous pouvons connaître un sujet, mais nous ne finirons jamais de le connaître. A vrai dire, nous ne le connaissons pas comme sujet, mais nous tentonsde le connaître en l’objectivant. Pourtant, l’objet n’est rien d’autre que quelque chose du sujet, « transféré dans un état d’existence immatérielle de l’intellection en acte. »322 C’est dire, que nous connaissons les sujets, non comme des sujets mais comme des objets, donc uniquement dans tel ou tel aspect de leur intelligibilité. C’est par ces perspectives intelligibles que ces sujets sont rendus présents à l’esprit et c’est par elles que nous ne finirons jamais de découvrir des éléments toujours nouveaux. Plus on évolue vers les degrés les plus élevés dans l’échelle des êtres, plus on se retrouve devant des sujets existants riches en complexité intérieure dont l’individualité est progressivement intégrée, et dont l’action manifeste une spontanéité parfaite. Aux dires de Jacques Maritain, cela se manifeste depuis « l’activité simplement transitive des corps non-vivants jusqu’à l’activité immanente-masquée de la vie végétative, franchement immanente de la vie sensitive, parfaitement immanente de la vie. »323 A ce degré, le seuil de la liberté de choix passe de l’indépendance proprement dite à la personnalité. Contrairement à l’animal, chez l’homme, la spontanéité d’autonomie devient liberté d’autonomie et le sujet devient personne : « un tout qui existe de par la subsistance et l’existence même de son âme spirituelle, et qui agit en se donnant à lui-même ses fins, un univers à soi-même, un microcosme qui, dans son existence menacée au sein de l’univers matériel a cependant une plus haute densité ontologique que tout cet univers. »324 Seule la personne humaine peut prétendre à la liberté, car elle a dispose d’une subjectivité qui traduit son autonomie par rapport à soi, à la transcendance et aux autres sujets.

Notes
322.

J. MARITAIN, Court traité de l’existence et de l’existant, Paris, Paul Hartmann, 1947,p. 111.

323.

J. MARITAIN, De Bergson à Thomas d’Aquin. Essai de Métaphysique et de Morale, Paris, Paul Hartmann, 1944, p. 245.

324.

Ibidem.