3.1.1. Les vertus de la démocratie

Il est vrai que la démocratie a ses limites mais, lorsqu’on essaie de faire la comparaison entre les différents régimes politiques, on ne tarde pas à se rendre compte qu’elle est la moins mauvaise. En effet, elle permet une certaine harmonie dans la société, à travers la participation qu’elle accorde à chacun dans la contribution à la vie de la cité. Le fait que le pouvoir ne soit pas entre les mains d’une seule personne, aussi éclairée soit-elle, mais de la population, annonce déjà le début d’une gestion rigoureuse de la res publica. Parmi les multiples vertus que compte la démocratie, la transparence est un élément catalyseur de la bonne gouvernance et de la gestion rationnelle de l’Etat.

- La transparence : Elle constitue l’une des vertus cardinales de la démocratie. Elle signifie, sincérité dans les rapports interpersonnels et clarté dans l’administration des affaires. Elle est une mise à la disposition auprès du peuple concerné, de toutes les informations nécessaires, principalement relatives à la gestion des ressources humaines et financières. La transparence suppose la sincérité, la loyauté, la discipline et la fidélité vis-à-vis des règles du jeu établies démocratiquement au sein de la communauté. En conséquence, elle exclut le mensonge, la fourberie ainsi que toute tendance à confisquer pour soi-même les biens et les informations intéressantes. Dans toute entreprise commune, toute personne qui place la confiance en avant accroît le rendement, renforce la dignité, la longévité, la stabilité et le bonheur de la communauté tant nationale qu’internationale. La transparence permet aussi d’éviter les coûts d’investissements dans la recherche des voies et moyens d’éradiquer le vol, la fraude et la corruption au sein de la société : « Dans la mesure où la transparence constitue une vertu morale génératrice de confiance, elle est par le fait même un instrument de réduction des frais moraux et financiers à consentir à travers les punitions à infliger à la surveillance excessive à assurer pour éviter la fraude.»377 S’il est vrai qu’aucune organisation ne peut durablement fonctionner sans le maximum d’efficacité, sans un important capital de confiance de ses membres, il faut alors se convaincre que la transparence diminue les suspicions, mais elle exige l’écoute de l’autre.

- L’écoute de l’autre :C’est une autre vertu dans la consolidation des acquis démocratiques. L’autre est différent de moi, mais c’est dans cette différence que se conçoit la démocratie qui se réalise au sein de la confrontation des conceptions. Il ne peut y avoir de véritable confrontation que si, de part et d’autre, il existe un minimum de respect mutuel. Ecouter l’autre c’est se tenir disposé à accepter les arguments raisonnables qu’il avance. Cette disponibilité est un signe d’humilité et de tolérance politique, c’est-à-dire d’esprit de justice, de volonté de recherche de la vérité, d’acceptation du dialogue et de prise en compte de l’autre comme interlocuteur égal à soi et face à qui l’on a des obligations. La notion d’égalité proportionnelle fondée sur la justice entendue comme équité est : « celle qui convient le mieux dans une société véritablement démocratique. Un gouvernement démocratique s’efforce d’assurer l'égalité des chances, de réussite matérielle et de participation politique à tous.»378Pour cela, la justice exige que l’Etat use des moyens à sa disposition pour faire respecter le principe de l’égalité de tous devant la loi. Une société démocratique apparaît donc comme une société à haut degré de justice. Elle est un Etat de droit qui travaille avec le maximum d’efficacité dans la sanction, négative et positive à faire respecter le droit, la justice, la légalité et à assurer la prospérité sociale. Etre démocrate, c’est savoir écouter l’autre et faire preuve d’humilité et de simplicité. De ce fait, le culte du chef, célébré par la plupart des responsables africains, a certainement quelque chose à apprendre de l’humilité démocratique.

- L’exercice de la liberté et de ses droits :C’est la garantie pour donner à une société l’esprit démocratique. Gérer démocratiquement, c’est permettre aux autres d’exprimer librement leurs choix et préférences. On ne peut nullement parler de démocratie dans une société où la libre expression des idées n’existe pas. Celle-ci permet à un plus grand public de prendre part à la vie politique et d’émettre son point de vue par rapport à la marche des affaires publiques. Cette liberté d’expression donne à la société l’avantage de disposer d’un vaste éventail d’outils intellectuels au sein, desquels il est possible d’extraire les meilleurs éléments, et de réduire la fréquence des décisions inhumaines. En revanche, la où une seule voix s’exprime, il y a souvent accumulation des erreurs et une telle situation finit par tuer la société, suite au désengagement progressif des membres frustrés. La liberté d’expression, la disponibilité à l’écoute et la transparence dans la gestion des ressources, des personnes et des affaires forment ensemble un état d’esprit appelé : l’esprit démocratique. La démocratie est ainsi un état d’esprit fait de la volonté permanente de vivre les vertus d’ouverture responsable et de liberté raisonnable. Notre tâche, dira Jacques Maritain, n’est pas d’établir le monde dans un état d’où auraient disparu tout mal et toute injustice, mais elle est de maintenir et d’accroître dans le monde la tension interne et le mouvement de lente et pénible délivrance due au pouvoir de la vérité, de la justice, de la bonté et de l’amour qui perpétuellement vivifient l’énergie de l’histoire humaine, alors que les forces de dégradation agissent dans la direction opposée.»379 En cela, on peut aussi signaler l’existence inévitable des limites et défaillances de la démocratie. Il faut en être conscient pour prétendre les surmonter.

Notes
377.

P. KOSLOWSKI, Principe de l’éthique économique, Tübingen, J.C.B., 1988, p.75.

378.

J. RAWLS, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, p. 117.

379.

J. MARITAIN, Op. cit., p. 835.