4.1.1. La mission de l’éducateur

En parlant de l’aide que l’éducateur doit apporter au jeune enfant pour qu’il tire du meilleur de lui-même la réalisation de ses actes majeurs, nous nous sommes inscrits dans la conception de Jacques Maritain et de Paulo Freire, pour qui l’enfant n’est point cette tabula rasa qui a tout à apprendre, mais porte en lui une richesse de l’esprit qu’il faut éveiller. C’est pourquoi, il est nécessaire que l’éducation soit centrée sur l’éduqué. Cela ne remet pas en question le rôle fondamental de l’éducateur, mais rappelle que le bien recherché est la croissance humaine, intellectuelle et sociale de l’éduqué. Car, il faut donner toutes ses chances à cette personne en devenir pour qu’elle réussisse sa vie et qu’elle ait la joie de vivre. En effet, le but ultime de l’éducation est de permettre à l’éduqué de donner ou de trouver un sens à sa vie, pour prétendre construire un bonheur véritable ; c’est dans cette mesure qu’il pourra devenir responsable de soi, des autres et de la nature. Le rôle de l’éducation est de favoriser le développement de la personnalité de l’enfant afin qu’il puisse assumer la responsabilité qui caractérise la personne adulte. Mais la personne humaine est un être social qui ne peut atteindre cette maturité qu’avec l’aide des autres et elle ne pourra construire sa vie qu’en l’inscrivant dans un corps social428. Les trois grands champs offerts à l’action éducative, ne sont pas exclusifs. Ils se complètent par d’autres responsabilités que l’éducation a le devoir d’assumer. Parmi ces responsabilités, nous pouvons citer celle qui consiste à : favoriser le développement de la personne humaine429 dans son intégrité physique, morale, intellectuelle et sociale en lui permettant de s’assumer de façon responsable ; favoriser la socialisation, c’est-à-dire, de donner à la personne de l’éduqué les capacités nécessaires pour s’intégrer harmonieusement dans la vie sociale ; favoriser son accession à un projet de vie qui donne un sens à celle-ci, et contribue à apporter un épanouissement, source d’un bonheur responsable pour l’éduqué et pour ses semblables. Mais pour parvenir à ces finalités, il est important de revenir sur la mission essentielle de l’éducateur430.

Tout comme l’éducateur, l’éduqué est une personne, mais une personne fragile qui a besoin de se construire. Est-il légitime d’éduquer ? La réponse est positive, car l’éducation fait partie des droits fondamentaux de la personne humaine. Aujourd’hui, l’environnement431 a une grande influence sur l’individu, que ce soit en Afrique ou en Occident. Les médias, la rue, le sport, les activités culturelles, les rencontres etc, ont une énorme influence sur l’évolution de l’éduqué. Remarquons cependant que cet environnement n’a pas forcément pour ambition de faire grandir la personne en l’aidant à devenir responsable, elle voudrait aussi lui permettre de s’insérer harmonieusement dans la société et donner un sens à sa vie. Sans avoir à ses côtés un guide bienveillant, le jeune peut devenir un assisté, un violent, un esclave ou un tyran. Il faut donc, réfléchir sur l’avenir à redonner à ces jeunes qui remplissent les rues des grandes métropoles, ces jeunes qui vendus comme esclaves ou exploités de façon inhumaine, ces jeunes enrôlés comme enfants soldats par des gens qui les ont convaincus que la seule façon de trouver le bonheur consiste à se servir de son arme pour menacer les autres. Nous ne sommes pas loin de penser qu’une société prend souvent la couleur de ses enseignants. C’est pourquoi la formation des enseignants doit être l’une des tâches essentielles des pays en développement.

Notes
428.

A ce propos, Bernard Hubert pense, que « si l’homme, naissant inachevé et ignorant mais nécessitant qu’il se cultive, il en résulte qu’il doit être élevé, guidé, accompagné, éduqué. C’est cette condition d’inachèvement qui requiert des soins et une éducation laquelle justifie, que certains aient autorité sur lui. » Cf. Idem, p. 439.

429.

Elle est considérée ici comme un absolu qui prime sur toute autre réalité. Nous convenons avec Emmanuel Mounier qu’elle doit être placée au centre de toute préoccupation éducative. Cf. E. MOUNIER, L’engagement de la foi, Paris, Seuil, 1968, p. 34.

430.

Cf. Y. BONNET, Les neuf fondamentaux de l’éducation, Paris, Presses de la Renaissance, 2002, p. 27.

431.

Effectivement, la connaissance de l’enfant et de son environnement est une condition essentielle pour l’accomplissement de la mission éducative par l’éducateur. J. Fauvet revient sur la question en soulignant que « l’éducation exige de l’éducateur une connaissance personnelle de chaque enfant. Même s’ils sont cent, mille ou dix mille dispersés dans la ville, il n’est pas question de les couler dans le même moule. » Il pense que la connaissance des élèves jusque dans le détail de leurs vies est une nécessité pour la réussite de la mission éducative. «L’éducateur doit connaître parfaitement le milieu existentiel de ses élèves, voir le nom des héros en vogue. Certains ont une influence anti-éducative… d’autres sont authentiquement éducateurs. L’influence de certains de ces leaders de masses est quelquefois considérable et entretient une grande partie de la vie psychique de l’enfant pendant longtemps. »J. FAUVET, Moyens collectifs d’éducation dans les groupes d’enfants, Paris, Fleurus, 1955, p. 15.