Conclusion partielle

Tout citoyen a la responsabilité de fonder son agir social sur la connaissance de ses obligations, mais aussi de ses droits. Pour cela, en plus des principes universels du civisme, il a besoin de connaître les lois qui prescrivent ses droits, ses libertés et ses responsabilités en tant que citoyen. Depuis 1990, année d’entrée de plusieurs pays africains dans le processus de la démocratie pluraliste, chacun de ces Etats s’affirme désormais comme une nation démocratique, qui entend assurer toutes les libertés fondamentales des citoyens. Pour atteindre cet objectif et participer efficacement au processus du développement, toute nation travaillera de manière à favoriser la participation de tous à la gestion des affaires publiques. Cette participation est un engagement est une responsabilité qui incombe à tout citoyen. Cela est aussi valable pour toute personne animée d’un sentiment de justice sociale. Les principes sur lesquels il se fonde sont : le respect des valeurs de la vie, le respect de chaque citoyen pris dans sa singularité, le respect des valeurs du sacré, la nécessité de vivre dans une société pluraliste, la considération de l’Etat comme émanation de la volonté du peuple et du respect de la loi, la promotion de l’idéal de solidarité nationale, la nécessité de la réconciliation et le principe de bonne gestion de la chose publique452. Seule une telle perspective rend possible le projet d’un développement intégral de l’homme. L’accès à cet idéal passe par une philosophie de l’éducation bien pensée. Ce qui justifie le recours à la méthode proposée par Jacques Maritain et appliquée par Paulo Freire dans un contexte différent. Voilà pourquoi, face aux limites présentées par la démarche maritainienne, limites liées à l’absence d’une vision plus africaine, et à l’absence d’un questionnement profond des pratiques en cours, nous avons été dans l’obligation de faire un recours à Paulo Freire. En réalité, face à une mondialisation à deux vitesses, il est temps d’interroger les pratiques pédagogiques en cours, afin de proposer une véritable philosophie de l’éducation qui participe dans le fond et dans la forme, à la promotion des Droits humains, à travers le respect de chaque citoyen, dans la dynamique d’une solidarité au delà de la diversité des situations453.

Le développement que nous préconisons pour l’Afrique, c’est une forme de développement qui s’appuie sur une pratique solidaire entre Africains eux-mêmes d’abord, et entre l’Afrique et les autres parties du monde par la suite. Un développement qui tient compte de toutes les dimensions de la personne humaine. Un développement non seulement matériel mais à la fois, économique, politique, social, culturel, intellectuel, moral et spirituel. Le développement des nations africaines est un développement centré sur l’homme et visant en priorité sa promotion et son émancipation. Puisqu’il s’agit d’un homme vivant dans un contexte social et historique précis, ayant ses propres aspirations, on ne peut se permettre de penser son développement en ignorant la dimension culturelle. La composante culturelle faite de valeurs morales, spirituelles et esthétiques de l’homme et de la communauté, confère à ce développement une dimension plus humaine capable de participer à l’épanouissement de toute la personne. En nous appuyant sur Jacques Maritain, nous plaidons pour un développement qui ne se limite pas seulement au besoin matériel de l’homme. Il s’agit d’un développement qui met en harmonie la tradition et la modernité, en sélectionnant les valeurs susceptibles d’amener les pays au bien-être social, à l’épanouissement de chacun et à la joie de vivre dans la liberté. Pour l’Afrique, une société démocratique est nécessaire au développement, dans la mesure où elle vise à réaliser la libération du sujet par le biais d’une éducation basée sur la reconnaissance des Droits de chaque culture d’être reconnue pour ce qu’elle est. Pour les éducateurs africains, la réalisation d’un tel objectif commence par la remise en cause du système éducatif actuel, ensuite il est nécessaire de revoir les méthodes pédagogiques fondées sur la transmission et l’endoctrinement qui restent monnaie courante. Toutefois la formation des citoyens libres, autonomes et solidaires demeure au cœur des enjeux. Son but est de contribuer à la consolidation d’une nouvelle société, et à la mise en place des bases sociales pour l’émergence des valeurs démocratiques. Il est question de participer à la mise en place d’une vision sociale qui s’inspire des sagesses locales, pour tenter de répondre aux besoins des populations locales que sont : la paix, le développement et la justice. Une posture déjà expérimentée par Paulo Freire et qui nécessite d’être revisitée dans sa dimension problématisante.

Notes
452.

Cf. L. MOSENGWO PASINYA, La conférence nationale souveraine au Zaïre, Kinshasa, Saint Paul, 1994, p. 12.

453.

Cf. J. ILUNGA MUYA, « Mondialisation, diversité culturelle et dialogue inter-religieux » in, Notes et documents, N° 3, octobre-décembre 2005, p. 34.