2. L’exigence du respect dans le dialogue Nord-Sud

La seconde partie nous a donné l’occasion de placer la personne au centre de tout processus de construction sociale. Etant donné que le dialogue entre le Nord et le Sud se fonde sur des échanges commerciaux, chaque partenaire militant pour son intérêt, nous proposons une réflexion qui met au premier plan, le bien être des populations locales qui ont le droit de bénéficier des bienfaits de leur environnement. Pour être plus concrets, nous avons abordé la notion de la subjectivité chez Jacques Maritain qui comprend l’homme comme un être appelé à la responsabilité devant la société et devant l’histoire. Après avoir suggéré la démocratie comme la voie principale d’accès au développement, il fallait montrer qu’elle requiert une pratique éducative conscientisante qui tire sa force d’une problématisation permanente des pratiques traditionnelles en cours. D’où le recours à Paulo Freire dont l’itinéraire est jalonné de moments de contradiction, de souffrance et de lecture d’un monde social pluriel qu’il a eu l’occasion de rencontrer et d’observer. Un itinéraire qui lui a forgé la conviction selon laquelle, la situation de pauvreté peut être vaincue par une prise de conscience populaire. Toutefois, n’enfermons pas Paulo Freire dans la lutte des pauvres pour leur libération. Il pense que la conscientisation est aussi bénéfique pour les dominants. Beaucoup d’entre eux pérennisent leur domination, croyant faire du bien aux populations exploitées. Et, si la cause de la solidarité est au cœur de cette thèse, ce n’est pas pour que les populations africaines deviennent des perpétuelles assistées, mais pour qu’elles aient conscience de l’existence des autres nations au monde, avec lesquelles elles sont appelées à collaborer. La solidarité que nous préconisons ne se confond pas à une assistance des riches en faveur des pauvres, mais une coopération fondée sur le respect, où chaque partenaire apporte ce qu’il a et ce qu’il est. Si au bout de l’analyse, la nécessité d’un nouveau paradigme éducatif semble s’imposer pour l’Afrique contemporaine, c’est parce que, au cours de la recherche, nous avons pris conscience des difficultés à rencontrer. Nous soutenons donc l’idée d’un processus qui a besoin de s’abreuver à la source d’une espérance en l’avenir, et d’une foi dans les capacités de l’homme à transformer le cours de l’histoire. Sans tomber dans un angélisme qui voudrait trouver dans l’éducation, la réponse à la complexe question du sous-développement en Afrique, nous restons persuadés qu’une nouvelle vision de l’éducation est nécessaire, car elle ouvre une perspective susceptible de permettre à l’Afrique de se libérer de plusieurs maux qui la minent, et de surcroît, bloquent son évolution vers une société libre, juste, démocratique et solidaire. Parmi ces maux, nous pouvons noter une mentalité de dépendance qui ne peut être combattue que par une éducation fondée sur un dialogue franc qui donne à chaque citoyen la possibilité d’assumer pleinement son existence.

Aujourd’hui, l’heure n’est plus à la proposition des solutions « toutes faites » des experts internationaux. Toutefois, il est important de s’interroger sur la nécessité d’une nouvelle forme de coopération entre les pays du Nord etl'Afrique. Une nouvelle coopération qui permet à ce continent d’oser explorer d’autres processus de développement. Une sorte d’autre coopérationpour une autre forme de développement fondée sur la participation concrète des Africains à la réalisation des projets qui les concerne. Ce qui exige de part et d’autre, la mise en place d’un nouveau type de partenariat qui permet à chacun de défendre valablement les intérêts de ceux qu’il représente. Il s’agit d’une coopération qui s’appuie sur les forces décidées à opérer de véritables changements politiques, économiques, sociaux et culturels en Afrique. Sur le continent, il y a des exemples concrets où les populations prennent des initiatives, mettent en oeuvre des expériences novatrices qui constituent des réponses appropriées et parfois inouïes aux défis que leurs lancent les sociétés post-coloniales dans tous les secteurs de la vie. Dans cet ordre, la coopération internationale a la responsabilité de favoriser un développement démocratique et culturel, doublés d’un développement socio-économique, pour faciliter l’accès au bien être du plus grand nombre. Loin d’être une sorte de réponse à l’épineuse question du développement en Afrique, ce travail est une contribution au questionnement, en vue de bousculer les regards et contribuer à l’innovation des analyses. Nous sommes conscients que la question du développement et du bien être social se posera tant que l’homme sera sur terre. Mais nous restons persuadés qu’il est possible de réduire la dépendance des pays africains à l’égard des pays du Nord, si les populations africaines bénéficient d’un système scolaire qui leur donne les moyens d’interroger en permanence la gestion de leur destin par leurs dirigeants. Au delà de Jacques Maritain et de Paulo Freire, nous avons voulu problématiser une réalité considérée comme normale par certains analystes qui continuent de souligner que la situation africaine est chronique et ne pourra jamais changer. Loin de partager cette vision, nous fondons notre espérance dans le fait que toute évolution passe par des crises et que la crise africaine est une étape du processus de maturation démocratique, culturel et économique comme ce fut le cas pour tous les peuples de la terre.