Alexandre Lacassagne arrive à Lyon à la faveur de cette élection à la Faculté de médecine. Nommé et titularisé en 1880, il est alors à l’orée d’une nouvelle période de sa vie. « Ses pérégrinations étaient finies. Il arrivait enfin au but poursuivi avec tant d’infatigable énergie à travers deux ans de vicissitudes qui eussent découragé de moins persistants. Il allait prouver encore qu’il n’est pas de ceux dont les efforts s’arrêtent une fois le port atteint »312. Si Lacassagne demeure médecin militaire, il consacre désormais la majeure partie de son temps à ses charges d’enseignement. Dans la ville qui l’accueille alors, et où il va passer l’essentiel de sa vie d’homme, Lacassagne se fait rapidement une place de choix. C’est à Lyon qu’il se marie et fonde sa dynastie médicale313. C’est à Lyon qu’il remplit pendant plus de trois décennies les fonctions de professeur de médecine légale. C’est de Lyon qu’il dirige les Archives d’Anthropologie criminelle, la première revue scientifique francophone dédiée à la « criminologie », entendue ici au sens large de « science du crime et du criminel », institution pivot de la première école française de criminologie, justement appelée « école lyonnaise ». Prenant acte du mouvement de rationalisation du droit pénal par l’apport des nouvelles sciences que sont la statistique – science du nombre par excellence, et l’anthropologie criminelle – science du délinquant, ces Archives veulent être l’organe francophone de discussion de cette évolution en exposant les résultats théoriques et pratiques de l’anthropologie criminelle et de la médecine légale. Comment s’est déroulée cette implantation lyonnaise, finalement si réussie alors même que les choses n’avaient pas débuté sous les meilleurs auspices ?
Gérôme Coquard, « Le Professeur Lacassagne », in La Revue du Siècle, 4e année, décembre 1890, n°43, p.727. [BML FA 140553]
Alain Corbin souligne combien il est important, « pour le bourgeois » du XIXe siècle « de créer une lignée, dont ilse doit d’inaugurer le prestige par sa réussite personnelle », Philippe Ariès et Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée, tome 4 : De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, 1987, p.392.