4. La morgue : identifier et réformer

Son art, celui de faire parler les corps, le docteur Lacassagne l’exerce principalement à la morgue. Mandaté par la justice, le médecin expert doit se livrer à une expertise technique des cadavres pour identifier des victimes anonymes et procéder à une lecture précise des corps brutalisés, dans le cadre d’une autopsie dont François-Xavier Bichat (1771-1802) affirme la légitimité dès la fin du XVIIIe siècle, consacrant avec ces mots la méthode anatomo-clinique :

‘« Ouvrez quelques cadavres : vous verrez aussitôt disparaître l’obscurité que la seule observation n’avait pu dissiper »462.’

Cette dissection de cadavres à des fins médico-légales constitue une part importante de l’activité d’Alexandre Lacassagne : « Une autopsie dure en général une heure et demie, et quelquefois trois heures » précise le docteur Brouardel463. Et l’on en effectue régulièrement, si l’on en croit les statistiques établies par E.-M. Ogliastroni464. [Tableau 3].

Tableau 3 : Les cadavres reçus à la morgue entre 1910 et 1919,
  1910 1911 1912 1913 1914 1915 1916 1917 1918 1919 Tot.
Janvier 1 3 3 1 2 1 3 3 1 3 21
Février 3 4 4 1 2 3 2 1 1 2 23
Mars 7 9 8 6 6 2 3 3 2 4 50
Avril 6 7 5 5 5 6 4 3 5 3 49
Mai 4 7 8 4 4 3 4 2 4 6 46
Juin 6 6 6 4 4 4 4 4 5 2 45
Juillet 2 5 5 6 4 5 2 3 1 3 36
Août 6 7 9 6 5 3 4 6 2 5 53
Septembre 1 2 2 2 2 4 2 3 1 2 21
Octobre 3 3 6 3 4 5 3 2 3 3 35
Novembre 1 2 3 2 2 1 3 2 1 2 19
Décembre 2 3 3 1 3 2 3 2 1 1 21
  42 58 62 41 43 38 37 34 27 36 419

d’après le tableau dressé par E.-M. Ogliastroni, Statistique de la morgue de Lyon de 1910 à 1920, Lyon, Anciens établissements Legendre, 1920, p.11. [BML FA 139847]

Si l’on ne peut affirmer que tous les cadavres reçus à la morgue font l’objet d’une autopsie, on peut supposer que ces chiffres donnent cependant un assez bon aperçu de l’activité de la Morgue pour la période.

En vertu des articles 42 et 43 du Code d’Instruction Criminelle, promulgués le 27 novembre 1808, il est convenu que « le Procureur de la République se fera accompagner au besoin par une ou deux personnes présumées, par leur art ou profession, capables d’apprécier la nature et les circonstances du crime et du délit »465, et notamment que « s’il s’agit d’une mort violente ou d’une mort dont la cause est inconnue ou suspecte, le Procureur de la République se fera accompagner d’un ou deux officiers de santé qui feront leur rapport sur les causes de la mort, et sur l’état du cadavre »466. À la recherche des stigmates de l’attentat, le légiste relate dans un rapport des histoires de maladies ou de désespoirs, de violences et de mort. Dans quel cadre le médecin lyonnais remplit-il son office467 ? À Lyon, dans les années 1880, la morgue est flottante468. Depuis 1853, le dépôt des morts a en effet été établi sur un bateau, une « platte » en parler lyonnais, c’est-à-dire un bateau-lavoir à fond plat, retenu à la rive par des cordages et relié à la terre ferme par une passerelle, où les Lyonnaises vont laver leur linge, « amarré par de grosses chaînes sur le quai de l’Hôtel-Dieu, en face du grand Dôme de Soufflot »469, au niveau du pont de la Guillotière. Étienne Martin nous en donne une description pittoresque :

‘« Sur ce bateau était construite une petite maison ; à l’avant et à l’arrière, des lignes flottaient au fil de l’eau. Une passerelle étroite rejoignait le centre du bateau à la berge. On pénétrait dans le bâtiment par une porte à deux battants. Dans le vestibule, on était reçu par un homme à longue barbe blanche, coiffé d’un large chapeau de feutre qu’il enlevait rapidement. Son allure, sa prestance, sa situation rappelaient, dans mon imagination, Noé et son arche, d’autant plus que, si d’un côté de son établissement se trouvaient des cadavres, de l’autre le gardien Delaigue, car c’était lui, vivait dans une cabine de matelot avec de nombreuses variétés d’animaux qu’il adorait.
La salle d’exposition était meublée de plusieurs tables en pierre, sur lesquelles venait dégoutter l’eau puisée au Rhône à l’aide d’une pompe actionnée par une roue. C’était le seul système réfrigérant usité, le vent et les brouillards du Rhône se chargeaient d’absorber les miasmes.
À côté de cette salle d’exposition se trouvait une salle d’autopsie très petite dans laquelle ne pouvaient pénétrer que quelques étudiants. Telle fut, depuis des temps qu’il me serait difficile de vous fixer, l’installation mortuaire à Lyon » 470 .’

Cette installation, si elle fait l’objet de nombreuses critiques au tournant du XXe siècle, remplit pourtant dignement son office pendant plusieurs décennies. Parce qu’elle doit permettre l’identification d’éventuels cadavres anonymes, la morgue est placée dans un lieu central et passager : sa visite s’impose comme un devoir civique et moral. Car l’anonymat d’un cadavre est chose intolérable, tant socialement que psychologiquement : il faut rendre à l’inconnu son identité, ne serait-ce que pour permettre aux familles de procéder aux funérailles. Dans l’histoire de l’identité et de l’identification, la fin du XIXe siècle est l’aboutissement d’un processus de longue durée471, qui rend absolument insupportable l’impossibilité d’identifier les individus, morts ou vifs. Cette évolution des pratiques d’identification est à lire à l’aune des bouleversements politiques, économiques et sociaux que connaît la France depuis la Révolution française. Elle va de pair avec l’extension de l’autorité de l’État sur les populations. « L’avènement d’une communauté de citoyens à l’échelle du territoire national nécessite la prise en main de leur identification par l’État et la mise en place définitive – mais non sans douleur – “d’identités de papier” indispensables à l’exercice du “pouvoir infrastructurel” de l’État, de la conscription à la participation à la vie politique »472. Si la genèse de ces pratiques s’amorce dès l’époque moderne, qui « invente » les formes de certification écrite comme le passeport, la carte ou le livret ; qui initie la constitution de registres centralisés dévolus à l’identification de soldats (1716), des mendiants et des vagabonds (1724) ou des criminels et des individus suspects, le XIXe siècle est indéniablement marqué par une technicité accrue de ces procédures. Jusqu’à lors, « l’identité d’un individu repose tout entière sur les relations d’interconnaissance, les expériences et les liens partagés entre les membres de communautés emboîtées les unes dans les autres, de la cellule familiale au village et aux hameaux environnants »473. Les services de police ne sont alors pas encore parvenus à s’émanciper complètement des ancrages locaux et des contraintes du face à face : la « mine », l’apparence, sont toujours des éléments essentiels dans la perception de l’autre. En 1810, le rétablissement de la marque au fer rouge des criminels dans le Code Pénal, illustre cette tyrannie des apparences. Or voilà qu’au milieu du siècle, l’urbanisation et les mouvements de populations qui accompagnent les révolutions industrielles rompent ces liens traditionnels. Parmi les causes susceptibles d’expliquer « l’inflexible accroissement du nombre des vagabonds et des mendiants », Émile Fourquet relève notamment « la dépopulation des campagnes et l’exode des paysans venant faire concurrence aux ouvriers des villes, une émigration rurale [… qui] résulte aussi, à certains égards du service militaire obligatoire pour tous » au cours duquel les jeunes conscrits n’entreverraient de la ville, « à la faveur de la promenade du dimanche, que le côté alléchant, les distractions faciles, la vie dissipée »474. Le chemin de fer entraîne une brutale accélération de la vitesse et du nombre des déplacements individuels. Impossible désormais de suivre les individus, devenus très mobiles. L’opposition républicaine dénonce le marquage physique des criminels, qui est abandonné dans le nouveau Code Pénal (1832). Par ailleurs, à la fin du siècle, on abandonne certains modes d’identification par les « papiers », qui ne semblent plus être pleinement satisfaisants : les prostituées « en carte », c’est-à-dire inscrites auprès des administrations municipales, constituent une toute petite minorité475, le livret ouvrier « portant le certificat d’acquit de ses engagements, délivré par celui de chez qui il sort »476, instauré en 1803, est supprimé en 1890. En matière d’identification, « tout a progressé, hormis l’outillage judiciaire […et] il y a encore des magistrats qui se désintéressent de ces perfectionnements modernes ou ne veulent pas tenir compte des conquêtes de la science dont ils pourraient faire application » s’insurge Lacassagne477. À l’heure où « le repérage de l’individu s’impose d’autant plus aux autorités que, au sein de l’espace public, l’anonymat se substitue peu à peu aux relations d’interconnaissance »478, les procédures doivent évoluer, et de nouvelles techniques apparaissent : les photographies, les empreintes digitales, et un état civil fiable, doivent remplacer la parole des connaissances. Dans son laboratoire, Alexandre Lacassagne dirige un certain nombre de travaux en rapport avec cette question479 : « Une série de thèses faites pendant ces dernières années au Laboratoire de médecine légale de la Faculté de Lyon ont apporté sur un grand nombre de questions relatives à l’identité des documents nouveaux »480. Jusque vers 1880, l’individu astucieux peut changer de peau à son gré.

‘« … pour se procurer un nouvel état civil, il lui suffit de connaître la date et le lieu de naissance du camarade dont il a décidé d’usurper l’identité ; la rencontre, assez improbable, d’un témoin pourra seule déjouer le subterfuge ; encore la reconnaissance, fondée sur la seule mémoire visuelle, pourra-t-elle être aisément contestée »481.’

Mais on assiste par la suite à une mutation dans l’histoire des procédures de reconnaissance de la personne : l’identification, que l’on peut définir comme « l’opération de reconnaissance au cours de laquelle on compare des caractéristiques déterminées et connues avec la personne présente, pour s’assurer qu’un individu est bien le même d’un moment ou d’un lieu à un autre »482, relève désormais de l’intervention d’experts, et plus du public. Elle passe par « la conservation de traces écrites, soustraites au regard de l’opinion, mais soigneusement conservées par l’administration »483. Progressivement, chaque individu se voit conférer une identité invariable et facilement démontrable. « Le système de reconnaissance rend désormais impossible la substitution de personne […] ; il déjoue la falsification de l’état civil. En bref, il interdit la métamorphose »484. Mais dans la seconde moitié du XIXe siècle, ces nouveaux moyens ne sont pas encore véritablement efficaces. La méthode du « signalement » a ses limites. On est alors dans un entre-deux en matière d’histoire de l’identité qui permet l’anonymat et génère une inquiétude, en dépit des innovations criminologiques qui engagent le processus d’identification sur « les étranges chemins de la perfection »485. Certaines grandes affaires criminelles de la fin du XIXe siècle montrent bien l’angoisse que génèrent les mobilités nouvelles et les difficultés d’identification des individus486 qui en découlent. Joseph Vacher (1869-1898), surnommé « l’éventreur du Sud-Est » pour s’être rendu coupable de onze meurtres sauvages entre le 19 mai 1894 et le 4 août 1897, est un de ces « chemineaux », un « trimardeur », c’est-à-dire un vagabond travaillant ici et là comme journalier et vivant d’expédients ou de mendicité agressive. Il est même l’archétype de cet inquiétant personnage : à partir de son cas, le juge d’instruction en charge de l’affaire, Émile Fourquet, rédige ainsi une brève étude sur Les vagabonds criminels 487, préfacée par Alexandre Lacassagne. Le vagabondage488 est une question d’actualité par excellence en cette fin de siècle : « la République a […] réussi, durablement, à faire de la question du vagabondage un enjeu social et politique et a accentué la dangerosité du phénomène, au point d’en faire un fléau inacceptable »489. La grande dépression économique (1873-1896) jette un certain nombre de marginaux sur les routes. Si l’on en croit les statistiques fournies par ministère de la justice et reproduite par Bérard [Tableau 4], « l’accroissement du nombre des vagabonds est certain. […] Cet accroissement tient, à n’en pas douter, à la crise économique qui sévit depuis de longues années […], un bouleversement social causé par l’invasion toujours plus grande du machinisme privant de travail un certain nombre de bras »490.

Tableau 4 : Statistique du vagabondage (1881-1894). « Le vagabondage en France », in Archives de l’anthropologie criminelle, 13e année, n°78, 1898, p.607.
Années Nombre des affaires Nombre des prévenus
1881 12 452 12 926
1882 13 583 14 069
1883 15 076 15 534
1884 16 110 16 580
1885 18 433 19 038
1886 18 357 18 942
1887 17 626 18 210
1888 17 787 18 414
1889 19 116 19 715
1890 19 418 19 971
1891 17 437 17 887
1892 18 816 19 356
1893 18 067 18 628
1894 19 123 19 723

Mais surtout les dispositifs qui les pourchassent sont considérablement renforcés par la loi de 1885 prévoyant la déportation des vagabonds multirécidivistes, à tel point que, faisant fi des polémiques statistiques sur le nombre réel des vagabonds à la fin du siècle dernier (de 100 000 à 400 000 selon les auteurs), François Wagniart affirme que « l’ampleur du phénomène vagabond entre 1870 et 1914 apparaît […] plus étroitement tributaire de son traitement institutionnel que de la crise économique proprement dite »491. Les vagabonds cristallisent alors les peurs d'une population fragilisée par les brutales mutations économiques et sociales en cours. Pourtant, l’errance est davantage une obsession qu’une réalité, mais cette obsession est aiguë. Les nombreux discours prononcés à ce sujet à l’occasion de la rentrée solennelle des tribunaux en 1899-1900 le montrent bien492. C’est, « un danger permanent pour la sécurité publique »493, « une des manifestations de l’Anarchie », « une forme du parasitisme social » qu’on évalue tout de même à « au moins cent mille, probablement cent cinquante ou deux cent mille individus », « véritable corps d’armée, de l’armée du crime ou de la misère »494 perpétrant les attentats les plus insupportables parce qu’ils demeurent anonymes, parce que leurs auteurs sont désignés « sous le nom de : “Inconnus” dans les statistiques judiciaires »495. La question de l’identité est donc indéniablement une question vive en cette fin de XIXe siècle. On sait ainsi qu’Alexandre Lacassagne consacre son cours de médecine légale à ce sujet au cours de l’année 1888, comme l’atteste un courrier qu’il adresse alors au préfet, afin d’obtenir le droit de visiter, en compagnie de ses élèves, le service des signalements anthropométriques de la prison Saint-Paul : « J’ai l’honneur de vous informer que j’ai commencé la semaine dernière mon cours en médecine légale à la Faculté de Droit. J’expose cette année la question assez complexe de l’Identité »496. Et il reprend ce cours pendant plusieurs années consécutives497. Il en appelle à une action collective de la part des instances judiciaires. Il faut, dit-il, « réunir les dossiers de tous les crimes impunis, dont les auteurs sont inconnus, et rechercher les signalements de leurs auteurs »498.

Comment expliquer une telle attention à ce sujet ? Du côté des vivants, l’anonymat permet au récidiviste, « malfaiteur d’habitude », d’échapper « à la majoration de la peine qui résulte de la récidive »499. Le médecin légiste tente donc, par tous les moyens d’identifier, les criminels de tous poils, et surtout les récidivistes, par les signalements anthropométriques c’est-à-dire par « la connaissance des diverses longueurs osseuses, relevées sur le sujet examiné » ; par le tatouage500 ; par les empreintes digitales palmaires501 qui sont alors une nouveauté et intéressent particulièrement Alexandre Lacassagne et son laboratoire502 ; par les veines dorsales de la main503 ; par les dents504, etc. « “Signaler” un individu est une opération complexe , qui suppose que la description que le rédacteur de la description a relevée soit reconnue par un observateur par comparaison. Il s’agit d’encoder puis de décoder les caractéristiques physiques individuelles »505, ce qui requiert l’instauration d’un langage commun à l’ensemble des acteurs susceptibles de procéder à cette opération. Par ailleurs, même post-mortem, un individu doit avoir un nom : l’impossible identification d’un corps empêche le deuil des familles, et le règlement des successions.

Bref, l’anonymat est source de désordre, et c’est donc une véritable « révolution identitaire »506 qui se joue alors, au cœur de laquelle la médecine légale remplit un rôle majeur. « Un véritable pouvoir bureaucratique, autonome par rapport à la société civile, devient capable d’identifier les individus sans dépendre de la relation de face à face et des interactions locales. La logique juridico-bureaucratique de catégorisation/individualisation des personnes, inaugurée pendant la Révolution, achève alors de se mettre en place. Tous les individus sont désormais pris dans la toile tissée avec les fils invisibles qui les relie à leur État »507. Dans la société de la fin du XIXe siècle, on ne saurait disparaître. Services de police et milieux scientifiques collaborent efficacement pour qu’aucun individu, mort ou vif, ne demeure anonyme. L’affaire Gouffé est emblématique des efforts d’identification qui sont alors à l’œuvre. « Dans la soirée du 29 juillet 1889, un sieur Landry se présenta au commissariat de police du quartier Bonne-Nouvelle pour faire connaître la mystérieuse disparition de Gouffé, son beau-frère, huissier à Paris, qu’on n’avait revu ni à son étude, rue Montmartre, ni à son domicile, rue Rougemont, depuis la soirée du 26 »508. Alors que l’instruction piétine, et que la police, réduite à des indications trop vagues, ne parvient pas à conduire utilement l’enquête, « le cadavre d’un homme [est] trouvé sur le versant d’un glacis boisé, dans la commune de Millery, près de Lyon. Ce cadavre était dans un état complet de putréfaction ; il était placé dans un sac en toile cirée [… que] par malheur, le cantonnier Coffy avait retiré […] à l’aide d’un trident, ce qui avait encore déformé le cadavre »509. Grâce à l’autopsie, le médecin légiste rend identité et dignité au cadavre, rendu méconnaissable par les outrages. Alors qu’on a retrouvé, « la région postérieure d’une tête informe ainsi qu’une partie du tronc [… d’un] cadavre dans un état de putréfaction très avancé [… dont] les yeux et le nez ont disparu, les cheveux et la barbe se détachent, les parties molles tombent en putrillage »510, Lacassagne identifie le corps de l’huissier, à l’issue d’une autopsie qui dura 11 jours, et d’un rapport de 91 pages, en se basant sur l’âge entre 45 et 50 ans (49 en réalité), la taille511 de 178,5 cm pour le cadavre (178 cm pour Gouffé), le poids, les cheveux et la barbe, les séquelles articulaires d’une tuberculose astragalo-calcanéenne droite provoquant chez Gouffé une légère claudication et la réforme au service militaire, l’hydarthrose du genou droit, la différence de volume des deux membres inférieurs, la goutte, l’identité dentaire, les chaussures et les vêtements. La morgue, et le médecin légiste, jouent donc un rôle clé pour la requalification sociale des individus, rôle dont les populations ont pleinement conscience, ainsi qu’en témoigne en 1899 cette protestation d’un administré contre le projet d’installation de la morgue à la Guillotière. Au motif qu’elle doit être placée dans un endroit « central et passager, pour le public, afin qu’il puisse voir et reconnaître les corps exposés », le plaignant s’insurge : « les morgues sont faites pour le public, et non pour deux ou trois fonctionnaires qui ont peur de faire quelques pas de plus »512. Une telle revendication souligne, ô combien, le changement qui s’est opéré dans notre rapport à la mort. On comprend mieux, ainsi, l’importance qui est accordée au gardien de la morgue dans la presse au moment de son décès, et l’importance de son convoi funéraire. La morgue est un lieu fréquenté par le public. Son gardien est un personnage connu. Lacassagne a conservé certaines coupures nécrologiques le concernant : « figure bien lyonnaise, […] l’homme à la grande barbe […], d’une douce philosophie, d’une sérénité inébranlable [qui] s’acquittait avec un zèle que rien ne ralentissait, de ses répugnantes fonctions, alignant avec la même tranquillité sur les dalles d’exposition, aussi bien les victimes d’assassinats célèbres que les vulgaires “macchabées”, retirés du Rhône ou de la Saône ». Alexandre Lacassagne fréquente régulièrement, pendant près de trois décennies, cet homme décrit comme affable et compétent qui, outre l’entretien du bateau morgue proprement dit, est notamment chargé de la réception des corps, de leur toilette et de leur exposition. Il finit par acquérir, à force de maniement des restes humains, un « flair spécial », « un jugé d’une extraordinaire sûreté et, à première vue, il indiquait d’une façon à peu près certaine, la date de la mort ou la durée du séjour d’un corps dans l’eau »513, et Lacassagne aurait particulièrement recouru à ces compétences rares.

Cette fonction d’exposition publique des corps est cependant gênée par les difficultés d’accès à la morgue flottante, dont « les abords […] sont difficiles, non sans dangers, exposés d’ailleurs aux fluctuations nombreuses et variées du fleuve »514. Le Rhône est alors une voie fluviale très fréquentée, et le passage des bateaux perturbe le travail à la morgue. « Quelques bateaux […] marchant à toute vitesse à peu de distance du rivage donnent un grand mouvement à l’eau. Le bateau morgue, malgré son poids, se trouve lancé au sommet de la vague et retombe ensuite avec une vivacité telle qu’il est impossible de s’y tenir debout »515. Finalement, il apparaît donc que « [le bateau] Morgue n’est pas d’un confortable exquis et d’une solidité à toute épreuve, et [qu’]il fait parfois entendre des craquements inquiétants »516. L’ensemble de ces arguments, ajoutés à l’exiguïté du lieu justifient les demandes appuyées qu’exprime notamment Alexandre Lacassagne dès son arrivée à Lyon. Il paraît nécessaire de doter Lyon d’une morgue moderne, répondant à des nécessités d’assainissement dictées par des préoccupations hygiéniques d’isolement des corps, pour préserver les vivants des émanations cadavériques ; à la volonté de la part de la municipalité de mettre en place un système d’identification des cadavres cohérent ; et aux usages médico-légaux de cette institution où se pratiquent les autopsies et autres constatations médico-légales, et où doivent se dérouler les cours pratiques voulus par Lacassagne.

En sa qualité de professeur titulaire de la chaire de médecine légale à la Faculté de médecine de Lyon, ce dernier est directeur technique de la morgue. C’est à ce titre qu’il exprime, dès 1881, ce jugement sans appel : « Cette habitation lacustre est insuffisante et son installation des plus primitives n’est plus de notre époque »517. Il plaide pour un bouleversement complet de la géographie mortuaire lyonnaise. Alors qu’on défendait jusqu’à présent une morgue centrale et proche de l’hospice de l’Hôtel-Dieu où se trouvent les médecins inspecteurs chargés de constater les décès et de pratiquer les autopsies judiciaires, une morgue proche de l’eau aussi car les noyés y représentent presque un corps exposé sur deux518 et parce que le fleuve, grand pourvoyeur de cadavres, est aussi l’unique moyen de réfrigération dont on dispose, Lacassagne plaide quant à lui pour un rapprochement de la morgue et de la faculté. En effet, « une morgue installée convenablement pour rendre des services à la justice et à l’enseignement médico-légal demande des frais d’aménagement général, d’instruments et de collections qui, sans être considérables, viendraient cependant augmenter le budget de la ville [… alors que] ces frais seraient moins considérables si on place la morgue dans le voisinage de la Faculté de médecine »519, car elle profiterait alors de l’installation du laboratoire de médecine légale, de ses collections, instruments, livres, etc. dont l’importance a été précédemment soulignée. Il faut donc prendre exemple sur le modèle genevois, où le laboratoire de médecine légale et la morgue ont été ainsi rapprochés, et non sur le modèle parisien où l’on a dû débourser 140 000 francs520 pour créer des laboratoires d’histologie, de chimie et de moulage, installer une petite bibliothèque, une collection anatomique et un herbier, établir un chenil et une grenouillère521 en sus du réaménagement de la salle d’autopsie et de l’application du système frigorifique à la conservation des corps522. Mais si le projet lyonnais paraît modeste, il n’en est pas moins à la pointe de la technologie pour l’époque. On sait ainsi que, dès la fin des années 1880, Alexandre Lacassagne s’intéresse de près au frigorifique, afin d’améliorer la conservation des corps confiés à la morgue523. Il faut dire que la morgue lyonnaise est particulièrement défaillante en la matière : les cadavres sont simplement refroidis grâce à l’eau du Rhône, qu’un système de pompage permet de faire couler en permanence sur les tables où ils sont exposés. Le système paraît d’autant plus rudimentaire qu’on sait qu’à la morgue de Paris, « les cadavres sont placés, aussitôt qu’ils sont arrivés et qu’ils ont été nettoyés, dans un sous-sol, entouré d’une glacière, de celle qu’utilisent les brasseurs »524. Certes, on est encore bien loin du frigorifique. « Pour qu’elle fonctionne bien, il faut qu’elle soit grande, qu’elle puisse contenir deux wagons de glace au moins. Dans ce cas, il suffit de la charger au mois de mars, les derniers morceaux de glace ne sont pas encore fondus à la fin d’octobre, et on peut ne la remplir qu’une fois pas an »525, comptant sur la baisse des températures extérieures d’octobre à mars. Mais du moins les cadavres sont-ils conservés plus longtemps, par le froid. Un système plus performant est d’ailleurs installé en 1882, « et l’expérience a montré qu’il arrête la putréfaction des cadavres pendant un temps extrêmement prolongé »526. Lacassagne s’intéresse donc au procédé, envisageant très tôt l’installation de frigorifiques à la morgue de Lyon. Alphonse Marchegay, ingénieur civil des mines, lui écrit ainsi, le 25 novembre 1889 :

‘« La reconnaissance du cadavre trouvé au commencement d’août aux environs de Millery [le cadavre de l’huissier Gouffé] eut été probablement bien plus rapide et plus facile, si Lyon eut été pourvue d’une Morgue, réellement convenable, munie de tous les perfectionnements inventés ces dernières années. Au lieu en effet de garder peu de temps un cadavre, et de l’enterrer à bref délai, on eut pu le conserver par le froid, et il est alors possible qu’il eut été reconnu plus tôt pour le corps de l’huissier Gouffé, peut-être même lors du voyage de Mr. Landry à Lyon. […] C’est pourquoi j’ai pensé que le moment était venu pour refaire de l’agitation autour de la question de l’installation d’une Morgue neuve à Lyon, celle qui existe placée sur un bateau rappelant par trop les temps lacustres comme vous le dites fort bien. J’ai donc écrit à Paris à la Société de constructions mécaniques spéciales que je représente à Lyon pour la machine frigorifique Fisary, classée 1er ligne à l’Exposition, en lui demandant des indications sur les Morgues étrangères qui en sont équipées. On m’a répondu de suite en m’adressant les plans, coupe et élévation, d’une Morgue qui va être établie à Lisbonne, mais sans me donner les prix. Je viens de réclamer ce renseignement supplémentaire fort important et quand je l’aurai reçu, je serai heureux de m’aboucher avec vous, pour savoir à quelle porte frapper pour faire des propositions ayant quelque chance de succès.
J’ai reçu également des renseignements assez complets pour l’installation d’une chambre frigorifique à la Faculté de médecine pouvant contenir 40 à 50 cadavres, qu’on conserverait dans de l’air maintenu à une température voisine de 0°C. Les renseignements me permettront de dresser un petit rapport que j’adresserai à Mr le Dr Poncet et à Mr Hirsch, l’architecte de la ville »527. ’

Pour établir de telles installations, le déménagement de la morgue est nécessaire, et l’argument financier n’est pas seul en faveur d’un rapprochement avec la faculté de médecine. On dispose également, non loin de là, d’un terrain assez grand pour l’établissement mortuaire à venir, et le projet de construction d’un pont en face de la Faculté, le pont de l’Université, construit en 1899, permet de garder à la morgue son caractère public et d’en faciliter l’accès. La proximité de la mairie du 3e arrondissement, où peuvent donc être dressés permis d’inhumer et autres actes d’état civil doit aussi être soulignée. Enfin, Lacassagne précise qu’« en tant qu’hygiéniste […] on ne saurait trouver un emplacement plus favorable »528. Pourtant, malgré cette conjonction d’arguments favorables, le projet n’avance pas.

En 1891, soit dix ans après le premier rapport et les premières suggestions faites par Lacassagne à la mairie de Lyon, l’architecte Comte établit un projet de construction, « sur les indications de M. le Dr Lacassagne » ainsi que le précise son sous-titre529. Alexandre Lacassagne en rédige la préface, manifestant une certaine impatience : « la disparition de la morgue actuelle s’impose de plus en plus » dit-il, car « une ville de quatre cent mille habitants devrait se hâter de se débarrasser d’une morgue qui est indigne d’elle sous tous les rapports »530. Il faut dire que l’architecte reprend point par point l’argumentation développée par Lacassagne en 1881 sur la nécessité de créer une nouvelle morgue. Les choses n’ont donc pas avancé d’un iota en une décennie. Finalement, ce n’est qu’en 1898 que la municipalité donne des instructions au service de l’architecture afin de dresser un projet en vue de l’établissement d’une nouvelle morgue, rue de Béarn, derrière la Faculté de Médecine. Les réclamations du docteur Lacassagne ont-elles finalement été entendues ? Hélas non. Le projet initial, trop onéreux531, n’aboutit pas. Finalement, la ville consent à une dépense de 50 000 francs qui permet l’installation d’un institut médico-légal encore bien modeste, mais cependant novateur. La salle d’exposition, qui doit être vitrée, est modernisée. Elle « est au centre […], s’ouvre directement sur la rue, et comme à Paris l’entrée de la morgue peut être disposée de telle façon que les passants ne voient pas ce qui se passe à l’intérieur, bien que la porte reste ouverte »532. Les six tables de marbre qui l’équipent sont légèrement inclinées vers l’avant, afin d’accroître la visibilité des corps et de favoriser leur identification. L’exposition des vêtements, placés « au-dessus des tables et à une hauteur convenable, [sur] une tige de fer transversale »533 va dans le même sens. Carrée, cette salle est dotée « aux quatre angles des tuyaux d’appels qui établissent une ventilation convenable au moyen de becs de gaz »534. Ainsi, malgré l’avènement de la photographie et le développement de nouvelles techniques d’identification, le principe de l’exposition publique n’est pas remis en cause. Pourtant, à Paris, on commence déjà à déplorer le goût du public pour cette macabre exhibition : « le spectacle qu’offre la morgue est malheureusement entré dans les habitudes du peuple de Paris, [et] beaucoup de visiteurs n’obéissent qu’à une curiosité de mauvais aloi »535. Ce sont « [d]es ouvriers qui ont quitté leur atelier, [d]es femmes avec leur nourrisson sur les bras, [d]es enfants qui ont fait l’école buissonnière, [d]es demoiselles de magasin en bandes joyeuses, le gamin de Paris, féroce et gouailleur, le souteneur à l’œil farouche, se bousculant devant la verrière en poussant des cris sauvages et jouant des coudes pour arriver au premier rang »536, toute une population dont on craint qu’elle ne se démoralise encore davantage à ce spectacle, qu’elle y prenne le goût du sang et l’habitude du crime. Le 15 mars 1907, l’exposition publique cesse donc à Paris, et seules les personnes justifiant qu’elles peuvent aider à l’identification d’un corps exposé y ont désormais accès537. On n’observe rien de tel à Lyon, et l’exposition publique des corps se poursuit. « Le lieu a ses habitués, et attire une foule énorme lors des crimes défrayant la chronique »538, comme en février 1901 : les diverses parties du cadavre dépecé d’une femme sont retrouvées en plusieurs endroit du Rhône et transportées à la morgue. Il s’ensuit une véritable marée humaine dès l’ouverture des portes, et l’après-midi vire quasiment à l’émeute. Il faut mobiliser jusqu’à 40 gardiens de la paix pour canaliser les curieux : « À chaque instant, les agents étaient obligés de charger la foule qui toujours approchait, menaçait d’envahir la passerelle, de prendre d’assaut la morgue. Des femmes ont été jetées à terre, un jeune enfant foulé aux pieds a été pris d’une violente crise de nerfs »539. Pourtant l’exposition publique des cadavres n’est pas remise en question. Le règlement stipule que « le cadavre de toute personne inconnue apporté à la Morgue restera exposé aux regards du public tant que son état de conservation le permettra »540. L’établissement est ouvert « tous les jours, de 8 heures du matin à 6 heures du soir en été, et en hiver de 8 heures du matin à la nuit tombante »541. Seule restriction à cet accès : « les enfants au-dessous de 15 ans »542 sont interdits d’entrée.

Toutefois, dans la nouvelle morgue dont on projette la construction, c’est surtout l’espace dévolu à la pratique médico-légale qui est accru, plutôt que les infrastructures permettant l’accueil du public. Progressivement, c’est donc bien le regard de l’expert qui s’impose, plutôt que celui de tout un chacun, cependant que le spectacle de la mort est dissimulé. « La mort, si présente autrefois, tant elle était familière, va s’effacer et disparaître. Elle devient honteuse et objet d’interdit »543, possiblement dangereuse en tout cas, susceptible de susciter chez ceux qui l’observeraient avec trop de complaisance une dégradation morale. Le spectacle des cadavres est désormais réservé à un seul public d’initiés, dont l’intérêt pour la chose est sain, puisque justifié par des obligations professionnelles. D’ailleurs, afin de former de futurs initiés, la nouvelle morgue doit être pourvue d’une véritable salle d’autopsie et d’un amphithéâtre. Ces espaces doivent être vastes, aérés, et bien éclairés, car « lorsqu’il [l’expert] doit faire plusieurs autopsies ou l’ouverture d’un cadavre putréfié, l’odeur, la saleté rendent difficile ou très pénible un séjour prolongé à la Morgue »544. Il s’agit d’opérer à l’aise, et éventuellement en public. La présence des étudiants lors des autopsies fait débat, mais le déficit de la formation des médecins en la matière ne fait aucun doute : « les internes et les externes des hôpitaux ont seuls eu l’occasion, avant de se livrer à la pratique de la médecine, de faire des autopsies […] et peu d’entre ces médecins les plus instruits sont en état de distinguer toutes les lésions développées sous l’influence de la maladie, de celles qui auraient pu être provoquées par une intoxication. D’ailleurs le parquet choisit pour médecin expert qui lui plaît, et s’adresse souvent à des médecins qui n’ont jamais eu l’occasion de faire une autopsie »545. La nécessité de pratiquer les autopsies médico-légales devant un public d’étudiants à des fins de formation ne fait donc pas de doute, mais nécessite la prise d’un certain nombre de précautions préalables. Dans un courrier qu’il adresse à Lacassagne, Paul Brouardel explique : « Je leur déclare au commencement de chaque série de leçons que tout ce qu’ils voient à la morgue est secret, jusqu’à présent il n’y a pas eu d’indiscrétions. Exceptionnellement, l’an dernier, sept fois sur 123 autopsies médico-légales, le juge m’a prié ou j’ai cru bon de ne pas faire l’autopsie devant les élèves »546. Or l’exiguïté est un des principaux défauts du bateau morgue : « la salle d’autopsie actuelle peut contenir à peu près, outre le professeur et ses aides, une trentaine d’auditeurs. Or, cent quatre élèves sont astreints à suivre les travaux pratiques de médecine légale. Ceci se passe de commentaire »547, précise froidement Alexandre Lacassagne quand il préface le mémoire de l’architecte Frédéric Comte pour la construction d’une nouvelle morgue à Lyon. « L’espace et l’éclairage font défaut, les sièges n’existent pas et ne pourraient d’ailleurs trouver leur place, c’est debout, entassés les uns sur les autres, que professeurs et élèves doivent séjourner pendant le temps nécessaire à la démonstration dans une atmosphère malsaine »548. Dans la nouvelle morgue, ce ne doit plus être un problème. On pense au confort des étudiants qui assistent à l’autopsie, ainsi qu’à celui du professeur qui y procède : « il faut les placer dans des conditions qui leur permettent de voir sans entourer le professeur »549, faute de quoi ce dernier « comprimé comme eux, sort exténué d’une séance pendant laquelle il est resté forcément debout, cherchant les lésions, en discutant la valeur, et soumis à une pression excusable mais fatigante »550. Par conséquent, « la partie occupée par les élèves doit être séparée de l’opérateur et de ses aides par une balustrade à hauteur d’appui. D’ailleurs la disposition en amphithéâtre permet de voir de tous les points de la salle ce qui se passe sur la table [de dissection]. Celle-ci est située en face d’une large fenêtre qui se continue avec le vitrage du toit, de manière à donner autant de lumière que possible »551. La lumière du jour est préférable et la salle d’autopsie doit donc être dotée de larges baies vitrées et d’un « plafond lumineux »552. On envisage également l’installation de laboratoires annexes, qui doivent permettre les examens au microscope ou au spectroscope, et les analyses chimiques, ainsi que d’un atelier de moulage. La morgue doit devenir un espace de formation pour les étudiants en médecine légale. Dès 1881, Lacassagne espère ainsi : «  que bientôt une morgue convenable, véritable morgue d’enseignement, sera construite »553. En outre, cette présence des élèves est considérée comme une garantie supplémentaire de la qualité de l’expertise : « À l’hôpital […], l’élève est la sauvegarde du malade. On pourrait appliquer cette phrase aux expertises médico-légales. La présence d’un témoin, même peu compétent, mais qui vous contrôle, force à préciser et à réviser constamment, avec les progrès de la science, la détermination des signes sur lesquels on s’appuie »554.

En 1900, l’affaire semble bien engagée. Le 30 avril le conseil municipal adopte, sur les conseils de M. Beauvisage, un projet relatif à la reconstruction de la morgue, qui doit être installée à l’intérieur de la Faculté de médecine, pour un montant de 55 200 francs555. Mais des élections municipales ont lieu le mois suivant, et le nouveau maire, Victor Augagneur, ne donne pas suite à cette délibération. Ainsi, la morgue reste flottante, en dépit du constat alarmant dressé par Gailleton dans une lettre adressée au professeur Lacassagne le 12 mars 1900 : « Le bateau morgue est dans un état de vétusté tel que son remplacement s’impose à bref délai »556.

Le projet ne voit véritablement le jour qu’en 1907. Le 30 mai de cette année, le Conseil de Faculté se prononce en sa faveur en ces termes :

‘« considérant que depuis quelques années les matériaux de l’enseignement pratique de la médecine légale ne sont plus mis à la disposition du professeur de médecine légale et de son chef de travaux ; qu’il est indispensable de considérer la morgue comme un établissement d’instruction ; que l’état de délabrement de la morgue actuelle ne permet pas d’y conduire sans danger les élèves ; qu’il est obligatoire pour la présence au cours qui précèdent ou qui suivent les exercices pratiques de médecine légale que cette morgue soit près de la Faculté ou incluse dans celle-ci ; qu’il existe dans celle-ci à côté du laboratoire de médecine légale un local servant actuellement au service antirabique, ayant l’eau et le gaz, et pouvant avec une dépense de 5 000 francs, être aménagé en morgue d’exposition, salle d’autopsie pour les médecins requis par la justice et logement du gardien, c’est-à-dire l’ensemble des locaux qui se trouvent dans la morgue actuelle ; que ce local sera libre à la fin d’octobre de cette année, émet le vœu que la morgue, à la fois établissement municipal et d’enseignement, soit installée à la Faculté de médecine, et prie Monsieur le Maire de vouloir bien décider que cette installation soit effectuée pour la prochaine année universitaire »557.’

Le maire ne peut pas refuser une telle proposition, d’autant que l’on apprend alors tout juste le déplacement de la morgue de Paris et la construction d’un institut médico-légal moderne dans la capitale. Le retard de Lyon n’en est que plus criant. Dans le mémoire qu’il remet à la municipalité en cette année 1907, Alexandre Lacassagne précise : « L’on veut favoriser l’enseignement de la médecine légale et permettre aux experts de procéder aux expertises judiciaires avec la rigueur et la sécurité exigées par les connaissances scientifiques actuelles. Pour atteindre ce but, il a été fait un devis qui s’élève à la somme de 2 500 000 francs. À Lyon, en profitant des conditions spéciales dont nous venons de parler [le rapprochement avec la Faculté de médecine], on pourrait avoir une installation suffisante et répondant aux besoins de la ville avec une dépense de 5 000 francs »558. Mais ce n’est pas cet argument financier qui emporte la décision : finalement, c’est le Rhône qui a raison des dernières résistances qui s’opposent au projet.

‘« Le bateau était atteint par l’usure ; une nuit [de janvier 1910], sous l’effort du fleuve grossi et impétueux, les amarres étaient rompues. La morgue venait s’éventrer contre une arche du pont de la Guillotière et ses débris s’en allaient jusqu’aux îles Robinson. Les Lyonnais apprenaient le matin, par le journal, que leur vieille morgue avait vécu. Il fallait la remplacer […] La morgue […] fut bâtie dans l’enceinte de la Faculté de Médecine, à côté du laboratoire primitivement installé. Elle a été dotée d’une salle d’exposition moderne, d’appareils frigorifiques, d’un amphithéâtre pour l’enseignement »559. ’

Les choses ne se firent cependant pas aussi promptement : alors que l’épave du bateau est vendue aux enchères pour 150 francs560, les travaux de la nouvelle morgue tardent à s’achever. Le projet de l’architecte Curny est accepté par le conseil municipal le 5 octobre 1908 : c’est une entreprise bien modeste mais, « malgré ses dimensions un peu restreintes, la morgue projetée paraît bien conçue et suffisante pour les besoins de la ville de Lyon et de l’agglomération lyonnaise, [… pouvant] satisfaire aux exigences de la police municipales, de la médecine légale, de la police judiciaire et de l’enseignement universitaire »561. Les travaux commencent en 1909, mais ils tardent, et le 31 juillet 1910, un article du Progrès dénonce avec virulence l’imprévoyance de la municipalité :

‘« Sans morgue ! L’ancienne morgue s’est perdue corps et biens, et la nouvelle s’achève lentement. Par ces chaleurs, les questions réfrigérantes sont d’actualité. Si nous parlions un peu de la morgue. Aussi bien, depuis quelques six mois qu’elle est partie, le besoin commence à s’en faire sentir. On se souvient qu’en janvier dernier, par une nuit d’inondations, le Rhône, las à la fin de porter le funèbre ponton, l’arracha à ses amarres du quai de l’Hôpital. […] Quelques six mois à l’avance nous avions prédit ce naufrage, mais il paraît bien plus ardu de prévoir l’achèvement de la morgue nouvelle. […] Il y aura bientôt un an qu’on a entrepris la construction. Rien n’est encore terminé. En attendant, les corps sont déposés sous un hangar, derrière un mur de l’enceinte de la Faculté, à la place même où l’on logeait les lapins de l’Institut antirabique. […] Cela manque à la fois de décence et d’hygiène »562. ’

Quand cette situation cesse enfin, les services mortuaires disposent d’une morgue nouvelle comprenant une salle d’exposition réfrigérée et séparée de la salle du public par un double vitrage, dont les murs sont habillés de faïence. Le juge d’instruction y a un cabinet, le gardien un bureau et un logement. Un vestiaire permet de déposer les vêtements et objets des décédés, afin d’en faciliter l’identification. Les cadavres sont déposés au sous-sol, où se trouvent également stockés les cercueils. Un amphithéâtre permet d’accueillir 45 étudiants. Au total, si le bâtiment est de dimensions restreintes, il n’en réunit pas moins l’ensemble des fonctions que Lacassagne appelait de ses vœux. Pendant quelque trente années, il a exercé sur le bateau morgue, tout en élaborant des projets pour un nouvel établissement mortuaire, véritablement représentatif des avancées de la médecine légale, utilisant le frigorifique et remplissant pleinement ses fonctions d’enseignement. La documentation qu’il a rassemblée sur la question en témoigne563 : la création d’une morgue digne de ce nom, susceptible d’être à la fois un espace d’enseignement et de recherche, et de jouer pleinement son rôle d’identification des individus lui tient particulièrement à cœur. C’est une institution clé de cet « âge du contrôle », qui succède à l’« âge de la surveillance », et sans aucun doute un lieu essentiel de la vie professionnelle d’Alexandre Lacassagne.

Notes
462.

François-Xavier Bichat, Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, Paris, chez Brosson et Gabon, 1801. Cité par Laurent Mucchielli, « Introduction générale. Naissance de la criminologie », in Laurent Mucchielli (dir.), Histoire de la criminologie française, Paris, L’Harmattan, 1995, p.8.

463.

Paul Brouardel, op.cit., 1878, p.9.

464.

E.-M. Ogliastroni, Statistique de la morgue de Lyon de 1910 à 1920, Lyon, Anciens établissements Legendre, 1920, p.11. BML FA 139847

465.

Article 42 du Code d’Instruction Criminelle.

466.

Article 43 du Code d’Instruction Criminelle.

467.

À ce sujet, voir notamment Bertrand Roux, La médecine légale à Lyon au milieu du XIXe siècle (1847-1863), Lyon, Maîtrise d’histoire sous la direction d’Olivier Faure, 1999, 106 p.

468.

À ce sujet, voir notamment Julien Bonnot, Le bateau morgue. La morgue de Lyon (1850-1910), Lyon, Maîtrise d’histoire sous la direction d’Olivier Faure, 2003, 137 p.

469.

Étienne Martin, op.cit., 1913, p.11-12.

470.

Étienne Martin, op.cit., 1913, p.11-12.

471.

Sur le sujet, voir Vincent Denis, Une histoire de l’identité. France (1715-1815), Seyssel, Champ Vallon, 2008, 462 p.

Gérard Noiriel propose un bilan récent sur ces questions : Gérard Noiriel (éd.), L’identification. Genèse d’un travail d’État, Paris, Belin, 2007, 271 p.

472.

Vincent Denis, op.cit., Seyssel, Champ Vallon, 2008, p.11.

473.

Vincent Denis, op.cit., 2008, p.9.

474.

Émile Fourquet, « Les vagabonds criminels », in Revue des Deux Mondes, 15 mars 1899, p.401.

475.

Alain Corbin, Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution aux XIXe et XXe siècles, Paris, Aubier, 1978, p.128-sq.

476.

Article 12 de la loi du 22 germinal an XI (12 avril 1803).

Sur le sujet, voir : Jean-Pierre Le Crom, « Le livret ouvrier au XIXe siècle, entre assujettissement et reconnaissance de soi », in Yvon Le Gall, Dominique Gaurier & Pierre-Yannick Legal (ed.), Du droit du travail aux droits de l'humanité. Etudes offertes à Philippe-Jean Hesse, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p.91-100. Article en ligne sur HAL : http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00194551/en/ [Article consulté le 1er juillet 2008]

P. Delsalle, « Du billet de congé au carnet d’apprentissage : les archives des livrets d’employés et d’ouvriers (XVIe-XIXe siècle) », in Revue du Nord, t.LXXV, n°300, avril-juin 1993, p.285-302.

I. Baudelet, « La survie du livret ouvrier au début du XXe siècle », in Revue du Nord, t.LXXV, n°300, avril-juin 1993, p.303-318.

Steven L. Kaplan, « Réflexions sur la police du monde du travail (1700-1815) », in Revue historique, janvier-mars 1979, p.17-77.

477.

Préface d’Alexandre Lacassagne à Émile Fourquet, « Les vagabonds criminels », in Revue des Deux Mondes, 15 mars 1899, p.6.

478.

Alain Corbin, op.cit., 1987, p.396.

479.

R. Forgeot, Des empreintes digitales étudiées au point de vue médico-judiciaire, Lyon, Storck, 1892, 98 p. BML FA 135488

L. Tourtarel, De l’identité établie par l’étude du squelette, Lyon, Storck, 1892, 88 p. BLM FA 135492

480.

Dr L. Tourtarel, op.cit., 1892, p.1. BLM FA 135492

481.

Alain Corbin, op.cit., 1987, p.399.

482.

Gérard Noiriel, « Les pratiques policières d’identification des migrants et leurs enjeux pour l’histoire des relations de pouvoir. Contribution à une réflexion en longue durée », Art. repris dans État, nation, immigration : vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, 2001, p.337.

483.

Gérard Noiriel, « Introduction », in Gérard Noiriel (éd.), op.cit., 2007, p.17.

484.

Alain Corbin, op.cit., 1987, p.400.

485.

Peter Becker, « Les étranges chemins de la perfection. L’innovation criminologique en Allemagne et en Autriche au XIXe siècle », in Gérard Noiriel (éd.), op.cit., 2007, p.97-123.

Ces chemins passent par la loi du 16 juillet 1912, qui impose aux nomades et aux itinérants la possession d’un « carnet anthropométrique d’identité » sur lequel fingurent le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance, la filiation, le signalement, les empreintes et la photo d’identité, ancêtre de notre carte d’identité.

486.

Sur ce point, on peut souligner aussi le succès de ce thème en littérature, avec les personnages de Jacques Colin, Jean Valjean ou Edmond Dantès, dont le changement d’identité est volontaire et stratégique, ou celui du colonel Chabert, qui peine à faire reconnaître la sienne.

487.

Émile Fourquet, « Les vagabonds criminels », in Revue des Deux Mondes, 15 mars 1899, p.399-437.

488.

Sur le sujet, voir :

José Cubero, Histoire du vagabondage : du Moyen âge à nos jours, Paris, Imago, 1998, 294 p.

François Wagniart, Le vagabond à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 1999, 349 p.

489.

François Wagniart, op.cit., 1999, p.312.

490.

A. Bérard , « Le vagabondage en France », Archives de l’anthropologie criminelle, 13e année, n°78, 1898, p.607-608.

491.

François Wagniart, op.cit., 1999, p.311.

492.

Paul Pasteau, Considérations sur les délits de vagabondage et de mendicité. Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée le 16 octobre 1899, Bordeaux, Impr. G. Gounouilhou, 1899, 51 p. BML FA 136944

Fernand Pennellier, Du Vagabondage et de la Mendicité accidentels. Moyens de les prévenir. Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée du 16 octobre 1899, Amiens, Impr. du Progrès de la Somme, 1899, 38 p. BML FA 136945

Henri Bonne, La Répression du Vagabondage. Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée du 16 octobre 1900, Besançon, Impr. Millot Frères et Cie, 1900, 61 p. BML FA 136945

M. Leroux de Lajonkaire, Les mendiants et les vagabonds et la maison de travail.Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée du 16 octobre 1902, Douai, Impr. Max Marlot & H. Demarquette,1902, 46 p. BML FA 136947

493.

Pour cerner l’importance de la question du vagabondage, on peut signaler, à titre d’exemple, les quelques titres suivants, tous référencés dans le fonds Lacassagne :

Alexandre Bérard, « Le vagabondage en France », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1898, p. 601-614 .

Émile Fourquet, « Le problème du vagabondage », Revue Politique et Parlementaire, décembre 1899, p.3-35. BML FA 136939

P. Consiglio, « Il Vagabondo e il Vagabondaggio. Studi di psico-sociologia applicati alla vita russa », Italia Moderna, Fasc. 25-26, novembre 1906, p.3-36. BML FA 136940

René Beck, Contribution à l’étude des rapports du vagabondage et de la folie, Thèse à la Faculté de Médecine de Lyon, Lyon, 1902, 80 p. BML FA 136949

On en dénombre 22 autres dans le catalogue à l’entrée « Vagabondage ».

494.

Préface d’Alexandre Lacassagne à Émile Fourquet, op.cit., 15 mars 1899, p.5-6.

495.

Idem.

496.

Courrier d’Alexandre Lacassagne au Préfet du Rhône en date du 28 mai 1888. [ADR 1Y22] C’est Lacassagne qui souligne.

497.

En date du 27 février 1891, il adresse le courrier suivant au préfet : « J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien m’accorder, comme les années précédentes, l’autorisation de conduire mes élèves à la prison St Paul pour leur montrer le fonctionnement du service anthropométrique ». [ADR 1Y22]

498.

Préface d’Alexandre Lacassagne à Émile Fourquet, op.cit., 15 mars 1899, p.6.

499.

Alphonse Bertillon, « De l’identification par les signalements anthropométriques. Conférence fait le 22 novembre au congrès pénitentiaire de Rome », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1886, p.193.

500.

Christian Geill, « Identification par le tatouage », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1902, p.267-277.

501.

Edmond Locard, « L’identification par les empreintes digitales. L’emploi de la dactyloscopie en Amérique du Sud », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1903, p.578-592.

502.

Alexandre Lacassagne dirige ainsi dès 1889 une thèse sur le sujet : André Frécon, Des empreintes en général et leur application dans la pratique médico-légale, Lyon, Storck, 1889, 97 p. [BML FA 135463]

Voir aussi, dans ce même laboratoire : Albert Yvert, L’identification par les empreintes digitales palmaires, thèse au Laboratoire de médecine légale de Lyon, Lyon, Storck, 1904, 96 p. BML FA 132245

503.

Le docteur Arrigo Tamassia plaide ainsi pour la reconnaissance de « l’individualité absolue de la configuration de ce qu’on appelle l’arc veineux du dos de la main ». Arrigo Tamassia, « Les veines dorsales de la main comme moyen d’identification », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1908, p.833-837.

504.

Carlo-Castro Ruiz, « Sur un cas de fausse identité d’un cadavre. Identification par l’examen des dents », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1909, p.654-655.

505.

Vincent Denis, op.cit., 2008, p.44.

506.

Gérard Noiriel, « Introduction », in Gérard Noiriel (éd.), op.cit., 2007, p.18.

507.

Idem.

508.

Alexandre Lacassagne, « L’affaire Gouffé. Acte d’accusation. Rapports de MM. les docteurs Paul Bernard, Lacassagne, Brouardel, Motet, Ballet », in Archives de l’anthropologie criminelle, 1902, p.642.

509.

Alexandre Lacassagne, op.cit., 1902, p.643.

510.

Alexandre Lacassagne, L’affaire Gouffé, Lyon, Storck, 1891, p.15-17. BML FA 132163

511.

Les recherches anthroplogiques et médico-légales sur « la formule de reconstitution de la taille d’après les os longs » occupent particulièrement les savants en cette seconde moitié de XIXe siècle. Orfila, Paul Topinard, l’Anglais Beddoe, puis Léonce Manouvrier, Alexandre Lacassagne et, enfin, Étienne Rollet, s’attachent à mettre au point méthodes de calculs et tables de coefficients permettant, « un os long étant donné, [de] déterminer la taille de l’individu auquel il a appartenu ». (Étienne Rollet, « Détermination de la taille d’après les os longs des membres », in Bulletin de la Société d’anthropologie de Lyon, Lyon, Rey, 1892, p.4. BML FA 137721)

512.

Lettre d’un administré, M. Martin, au maire de Lyon, le 2 octobre 1899. [AML 0473WP016]

513.

Journal non identifié, 1910. [BML FA Ms5174]

514.

Alexandre Lacassagne, De la nécessité de créer à Lyon une morgue et de créer dans cette gille un établissement public servant d’obitoire ou maison mortuaire, Lyon, Assoc. typographique, 1881, 35 p. [BML FA 427583]

515.

Rapport au Maire de Lyon par l’architecte Dardel, juillet 1850. [AML 0473WP016]

516.

Dr Boyer, in Souvenir du Professeur Lacassagne. À ses amis, à ses élèves, Lyon, 1901, p.22. [BML FA 454246]

517.

Alexandre Lacassagne, op.cit., 1881, p.2.

518.

Cette statistique peut être établie d’après les documents conservés à la morgue, aujourd’hui disparus, mais dont Lacassagne fait usage pour la rédaction de son mémoire en 1881. Alexandre Lacassagne, op.cit., 1881, p.20.

519.

Alexandre Lacassagne, op.cit., 1881, p.9.

520.

Bruno Bertherat, op.cit., 2002, « L’effort d’équipement », p. 620.

521.

Chenil et grenouillère doivent comprendre « trois ou quatre loges à chiens, … autant pour des lapins et … un petit aquarium pouvant contenir une vingtaine de grenouilles ». Ces animaux permettent de procéder à des expériences, en cas d’expertises relatives à des intoxications ou des empoisonnements. Voir Paul Brouardel, op.cit., 1878, p.12.

522.

Paul Brouardel, op.cit., 1879, p.11-sq.

523.

Il possède notamment, dans sa bibliothèque, un rapport présenté par le docteur Brouardel à la commission spéciale instituée le 6 octobre 1879 pour l’examen des divers systèmes relatifs à l’installation d’appareils frigorifiques à la morgue de Paris, qui compare du double point de vue médical et économique les différents procédés alors existants : Paul Brouardel, Installation d’appareils frigorifiques à la morgue, 1880, 16 p. BML FA 139842

524.

Paul Brouardel, op.cit., 1878, p.7.

525.

Idem.

526.

Paul Brouardel, Rapport sur l’organisation de l’Enseignement et de la Pratique de la Médecine légale en France. Présenté à l’occasion du projet de création de la Nouvelle Morgue à Paris, 1883, p.1. [BML FA 139853]

527.

Courrier d’Alphonse Marchegay, Ingénieur civil des mines (11 quai des Célestins, Lyon) au docteur Alexandre Lacassagne. Lyon, le 25 novembre 1889. [BML FA Ms 5174]

528.

Alexandre Lacassagne, op.cit., 1881, p.29.

529.

Frédéric Comte, Mémoire sur le projet de construction d’une nouvelle morgue à Lyon, Lyon, Pitrat, 1891, 22 p. [BML FA 139848]

530.

Alexandre Lacassagne, Préface de Frédéric Comte, op.cit., 1891, p.6.

531.

Un premier devis, d’un montant de 98 000 francs, est établi en 1899. Rapport de l’architecte en chef [AML 0473WP016]

532.

Alexandre Lacassagne, op.cit., 1881, p.31.

533.

Idem.

534.

Idem.

535.

« Revue des livres », in Revue d’Hygiène et de police sanitaire, 1888. Cité par Françoise Guilbert, Le pouvoir sanitaire. Essai sur la normalisation hygiénique, Thèse d’histoire du droit, Strasbourg, 1992, p.23.

536.

Idem.

537.

Bruno Bertherat, op.cit., 2002, p.256.

538.

Philippe Artières et Gérard Corneloup, op.cit., 2004, p.174.

539.

Lyon Républicain, 26 février 1901. Cité par Philippe Artières et Gérard Corneloup, op.cit., 2004, p.174.

540.

Article 9 du règlement du service intérieur de la Morgue promulgué par Antoine Gailleton, 1895. Cité par Philippe Artières et Gérard Corneloup, op.cit., 2004, p.175.

541.

Article 20 du règlement du service intérieur de la Morgue promulgué par Antoine Gailleton, 1895. Cité par Philippe Artières et Gérard Corneloup, op.cit., 2004, p.175.

542.

Idem.

543.

Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident, Paris, Seuil, 1975, p.61.

Voir aussi Philippe Ariès, « La mort inversée », in Archives européennes de sociologie, vol. VIII, 1967, p.169-196.

544.

Paul Brouardel, op.cit., 1878, p.1.

545.

Paul Brouardel, Op.cit, 1883, p.8.

546.

Courrier manuscrit de Paul Brouardel à Alexandre Lacassagne, 30 janvier 1881. BML FA 139788

547.

Alexandre Lacassagne, Préface de Frédéric Comte, op.cit., 1891, p.6.

548.

E. Clément, Préface aux Conférences pratiques de médecine légale, Paris, Baillière, 1880, p.VI. [BML FA 136345]

549.

Paul Brouardel, op.cit., 1878, p.10.

550.

Idem.

551.

Alexandre Lacassagne, op.cit., 1881, p.32.

552.

Dossier « Nouvelle morgue, approbation du projet. Rapport de l’architecte en chef au Maire, 30 juillet 1908 ». [AML 0473WP016]

553.

Alexandre Lacassagne, Marche de la criminalité en France de 1825 à 1880 : du criminel devant la science contemporaine, Paris, 1881, 1881, p.3. [BML FA 135385]

554.

Paul Brouardel, , op.cit., 1878, p.5.

555.

Julien Bonnot, op.cit., 2003, p.109.

556.

Lettre de M. Gailleton au professeur Lacassagne, 12 mars 1900. [AML 0473WP015]

557.

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal. [AM 0473WP010]

558.

Alexandre Lacassagne, « Mémoire sur la nécessité de placer la morgue à l’intérieur de la Faculté, 22 juin 1907 ». [AML 0473WP016]

559.

Étienne Martin, op.cit., 1913, p.13.

560.

Épave du bateau morgue. [AML 1012WP10]

561.

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 5 octobre 1908. [AML 0473WP010]

562.

« Sans morgue », in Le Progrès, 31 juillet 1900.

563.

Le catalogue du fonds Lacassagne référence 24 ouvrages sur le sujet, auxquels il faut ajouter un important dossier de pièces imprimées et manuscrites.