L’étude de ces phénomènes que constituent l’homosexualité et l’hermaphrodisme bénéficie des dernières avancées scientifiques. Car si « l’hermaphrodisme chez l’homme a été connu de tout temps […], l’étude approfondie de la matière et la connaissance des différentes formes d’hermaphrodisme et de sa vraie nature ne remontent qu’au XIXe siècle, surtout depuis que les inventions et perfectionnements techniques rendirent une exploration des organes génitaux plus parfaite »1626. Il faut en effet attendre le docteur Joseph Récamier (1774-1852) pour voir se répandre l’usage du spéculum vaginal, cylindre métallique permettant de voir le vagin et le col utérin. Mais outre ces avancées techniques, le discours sur les hermaphrodites est également très marqué par les théories scientifiques du temps. C’est un discours rationnel que les médecins entendent développer, loin des considérations fabuleuses des poètes antiques ou des traitements barbares autrefois infligés à ces « monstres ». « La connaissance de l’hermaphrodisme remonte à la plus haute antiquité ». C’est ce qu’affirme Charles Debierre1627, et ce que pensent tous ses confrères. Ceci étant dit, on peut distinguer différentes phases dans l’histoire de cette anomalie. On pourrait qualifier la toute première de fabuleuse : « les poètes [la chantaient] comme l’expression de l’amour le plus intime, amour allant jusqu’à la fusion de deux êtres en un seul, qui gardait la nature de l’un et de l’autre »1628. La référence emblématique de cette première période est le récit donné par Ovide des amours d’Hermaphrodite et de la nymphe Salmacis. Cette dernière, repoussée par le jeune berger, demanda à s’unir à lui d’une manière indissoluble et fut exaucée par les dieux. On pourrait objecter que cet amour si exigeant qu’il aboutit à un partage du même corps par les amants résulte… d’un amour non partagé1629 ! Ce n’est pas ce qui dérange les savants de la fin du XIXe siècle quand ils se penchent sur le mythe d’Hermaphrodite. Ainsi pour Laugier, ce qu’il faut conclure des multiples anecdotes sur le sujet, c’est que l’hermaphrodisme est alors « un emblème divinisant sous les formes les plus séduisantes les deux vices honteux que nous ont légués les civilisations antiques, la pédérastie et l’amour lesbien, qui, dans une double perversion du sens génésique, font jouer à l’homme et à la femme un rôle contre nature »1630. Le ton est donné : c’est non seulement un regard médical, mais encore un regard moralisateur qui est porté sur les hermaphrodites. Et déjà une conception positiviste du sens de l’histoire se fait jour : la conception antique de l’hermaphrodisme a ceci d’archaïque qu’elle est immorale au sens où l’entend ce XIXe siècle qui condamne avec la fermeté qu’on sait l’homosexualité, ou qui la pathologise. « Heureusement les temps changent » semble nous dire le docteur Dailliez, qui poursuit son exposé en abordant la période romaine, caractérisée par une législation qui « tout d’abord […] formulait contre eux [les hermaphrodites] la condamnation suprême, il leur fallait mourir. – Plus tard, elle leur accorda la vie sauve, tout en prévoyant leurs droits et leurs devoirs »1631. « À Rome, comme jadis à Athènes, la naissance d’un hermaphrodite était considérée comme un mauvais présage. Le Conseil des Aruspices condamnait le malformé à être précipité dans le Tibre »1632. Plus tard, la loi s’adoucit. Tous les éléments de l’âge théologique défini par Auguste Comte sont réunis1633 : c’est l’enfance de l’humanité, le temps des superstitions barbares où l’anomalie est prise pour un présage, un signe à interpréter dont il faut chercher l’origine et la destination (causes premières et causes finales) en recourant au mythe et à l’intervention d’agents surnaturels. Mais quand la barbarie s’atténue, « au temps de Néron » nous dit-on, c’est à n’en pas douter signe de perversion, comme le signale la curieuse préférence de l’empereur pour les chevaux hermaphrodites1634. On sait la mauvaise réputation qui est la sienne dans l’historiographie du XIXe siècle. Matricide, empoisonneur, débauché et incendiaire, il n’a été que tout récemment réhabilité1635. Il est donc symptomatique qu’à son époque, on s’en tienne aux « apparences […] tenues pour suffisantes : le doute subsistait et on considérait comme une base acceptable les apparences d’un sexe qui prédominait sur l’autre »1636. Une imprécision intolérable, on s’en doute, pour un médecin de la fin du XIXe siècle. « Il ne semble même pas qu’à cette époque où les médecins étaient des esclaves ou des affranchis, rarement des hommes libres, […] il ne semble même pas que les médecins aient été appelés à dégager les magistrats de cette incertitude ! »1637. Et l’on voit poindre les revendications professionnelles qui animent le corps médical depuis le milieu du siècle, et notamment l’importance accordée à la valeur d’expertise du savoir médical et à l’indépendance des médecins. En ces temps « théologiques » caractérisés par l’absence de toute réflexion scientifique, « il n’est pas étonnant que les décisions prises manquent de considérants sérieux et restent encore dans une sorte de chaos »1638, chaos que semblent révéler autant le traitement réservé aux hermaphrodites que la situation servile de la médecine… Intervient alors une troisième phase dans l’histoire de l’hermaphrodisme : celle des discussions civiles et religieuses, où l’on s’interroge : l’hermaphrodite est-il un monstre ? Peut-on le baptiser ? Quels sont ses droits civils et religieux ? « Pendant la période du moyen-âge [sic.], l’idée de la sexualité double prédomine »1639. Sur la question de la monstruosité des hermaphrodites, Gaspard Bauhin1640 tranche clairement à la fin du XVIe siècle : « Quant à l’être qui, moitié homme et moitié femme, fait injure à la nature, il doit être mis à mort »1641, ce qui n’empêche pas le docteur Dailliez de conclure que « les décisions barbares, les appréciations obscurcies par l’ignorance et le chaos de la période romaine, étaient […] définitivement closes. La voie était ouverte aux recherches et aux discussions véritablement scientifiques, comme l’exigent la vérité et la justice »1642. S’ouvre ainsi la dernière et plus brillante période, la période scientifique, amorcée par Ambroise Paré. « Les médecins et chirurgiens bien experts et avisés, dit A. Paré, déterminent ceux qui sont plus aptes à tenir et à user de l’un que de l’autre sexe, ou des deux, ou du tout rien »1643. S’ensuit la longue liste des mémoires écrits depuis lors à ce sujet1644, qui s’achève par la mention des recherches les plus récentes1645 et des progrès de l’embryologie, de l’histologie, des « laparotomies antiseptiques » qui permettent d’examiner les cas in vivo. « De même qu’il a fallu la puissance de la science moderne pour tirer l’Astronomie et la Géologie d’une Cosmogonie étroite, ignorante et égoïste, de même il faut arriver aux merveilleux progrès de l’Histoire Naturelle moderne pour voir sortir l’Anatomie et l’Organogénie de cette phase enfantine qui consistait à faire […] de la métaphysique scientifique »1646. C’est donc une conception résolument positiviste de l’histoire de la connaissance scientifique que développent les savants du temps. On imagine combien une telle conception peut assurer leurs jugements.
Il faut dire que les progrès de l’embryologie permettent aux médecins de cette fin de siècle de développer une conception évolutionniste de la pathogenèse de l’hermaphrodisme. Cette science jeune, dont « l’histoire […] date des temps modernes »1647 mais à laquelle les travaux de Caspar Wolff1648 ont conféré sa première consécration scientifique, consiste dans « l’étude des transformations successives de l’œuf »1649. Essentiellement descriptive et comparative à ses débuts, l’analyse morphologique des stades embryonnaires connaît un essor considérable sous l’influence des théories transformistes qui voient dans le développement individuel une récapitulation abrégée des phases parcourues par l’espèce. En effet, on peut désormais affirmer que c’est « l’arrêt de développement qui constitue, à vrai dire, l’hermaphrodisme ».
‘« Tout fait tératologique rentre dans les lois de l’évolution : considéré dans son origine, il est le résultat de la permanence d’une phase embryonnaire »1650. ’Or, dès le dernier tiers du XIXe siècle, certaines théories affirment une androgynie originelle de « l’embryon humain de 25 à 30 jours, [chez lequel] les organes des deux sexes existent simultanément »1651. Ce n’est que « vers la sixième semaine [qu’]apparaît, à l’extrémité antérieure de la fente cloacale, le tubercule génital qui deviendra pénis ou clitoris »1652. Le docteur Dailliez précise même en note que « les Latins, comme pour attester cette unité d’origine, n’ont qu’un seul terme, Mentula, pour désigner le pénis et le clitoris ». Ajoutons sur ce point que l’appareil génital féminin est considéré comme quasiment mature à la dixième ou la onzième semaine de vie intra-utérine : « le tout reste à peu près en l’état chez la femme » nous dit le docteur Debierre1653, alors que « pour passer du type femelle au type mâle », l’évolution intra-utérine doit se poursuivre. On ne saurait dire plus explicitement où se trouvent femmes et hommes sur l’échelle de l’évolution, et fonder plus fermement la hiérarchie entre les sexes. Le médecin allemand Heinrich Waldeyer est à l’origine de cette théorie, qui combinée à celle dite « de la récapitulation » de Ernst Haeckel, selon laquelle l’ontogenèse résume la phylogenèse1654, c’est-à-dire que le développement individuel de chacun reproduit les étapes de l’évolution de l’humanité, devient explosive. Car c’est affirmer scientifiquement ce qu’Honoré de Balzac prédisait déjà dans l’avant-propos de la Comédie Humaine : « Il n’y a qu’un animal. Le créateur ne s’est servi que d’un seul et même patron pour tous les êtres organisés »1655, et ce quelle que soit leur appartenance d’espèce, de race… ou de sexe. « Tous les vertébrés commencent par être hermaphrodites. Par ce stade embryonnaire passent aussi bien les mammifères les plus élevés […]. Tous, avant d’acquérir les caractères du type mâle ou du type femelle, passent par un état d’indifférence sexuelle dans lequel les sexes sont confondus, ou plutôt dans lequel les sexes sont surajoutés »1656. Cela est également valable pour l’espèce humaine : « L’homme commence par être hermaphrodite, voilà le premier point incontestable et incontesté », affirme avec force le docteur Debierre, et ce n’est que « plus tard [que] la différenciation sexuelle vient provoquer l’atrophie d’un des deux appareils. […] Mais toujours il reste des débris de la dualité sexuelle primitive »1657. Dans cette conception de la différence sexuelle, on retrouve l’idée qu’il n’y a qu’un seul sexe et qu’entre masculin et féminin, il n’y a qu’une différence de degré1658. « Les anomalies de développement (lisez arrêts de développement) […] viennent attester l’hermaphrodisme primitif »1659. En un temps où l’on cherche par tous les moyens à fonder la différence (entre les hommes et les femmes notamment) en nature, cette théorie qui brouille la dichotomie entre les sexes, fût-ce seulement dans la phase la plus originelle de l’embryogenèse, a de quoi déranger. Cette théorie, initialement développée par le médecin allemand Heinrich Wilhelm Waldeyer1660, ne fait donc pas l’unanimité, car ce serait admettre que « tout être humain possède, pendant une partie de son existence, une partie de spermiductes et une partie d’oviductes, qui existent simultanément »1661. On voit bien le problème : il devient en effet bien difficile de plaider une différence de nature entre hommes et femmes dans ces conditions… Selon Waldeyer :
‘« la glande génitale primitive aurait à la fois et les éléments nécessaires pour devenir testicule et les éléments nécessaires pour devenir ovaire, les uns disparaissant au fur et à mesure du développement des autres ; et il y aurait juxtaposition au cas où l’ébauche de l’ovaire ne s’atrophierait pas parallèlement au développement des rudiments du testicule, et vice versa »1662. ’Si pour le docteur Dailliez « cette théorie […] paraît la moins probable »1663, elle mérite d’être signalée pour deux raisons. D’abord, elle induit une conception de la différence des sexes tout à fait novatrice. La détermination par les sciences médicales et biologiques des sites de la différence entre masculin et féminin est historique1664 : pour les anthropologues du XIXe siècle, ce sont les squelettes et les crânes (donc les cerveaux) qui portent la marque de cette différence fondamentale ; puis les organes sexuels externes, dont les néo-malthusiens diffusent en France des images explicatives à la fin du siècle dernier, prennent le relais, avant que ce soit au tour des hormones1665, bientôt identifiées, isolées et produites, puis des gènes, d’être considérés comme fondements de la différence. Autant dire que Waldeyer est nettement en avance sur son temps quand il affirme que ce n’est pas l’anatomie, fût-ce l’anatomie cérébrale, qui permet de découvrir où se loge la différence initiale entre hommes et femmes, mais l’embryologie. Par ailleurs, une telle théorie conteste directement le modèle de la différence des sexes qui a cours en cette seconde moitié de XIXe siècle. Depuis l’Antiquité et jusqu’au XVIIIe siècle, c’est le modèle du sexe unique qui domine1666 : il n’y a qu’un seul sexe, masculin bien sûr. Au plan anatomique, nulle différence d’organes entre hommes et femmes, sinon que ceux des femmes sont à l’intérieur du corps, et non pas à l’extérieur. Les femmes sont des versions imparfaites du sexe masculin, des « hommes inversés » en quelque sorte.
‘« Dans un tel cadre conceptuel, l’existence d’individus possédant des traits des deux sexes n’était pas perçue comme un événement extraordinaire, mais plutôt comme une confirmation de l’ordre naturel des choses »1667. ’Tout change au XIXe siècle, lors du passage à un autre modèle de la différence sexuelle : le modèle des deux sexes, qui s’accompagne d’une nette naturalisation de chacune des deux catégories. Si Annick Jaulin émet un certain nombre de réserves concernant les thèses de Laqueur, contestant notamment le « remplacement [un peu caricatural] d’un modèle par l’autre » et plaidant plutôt pour « une structure de coexistence des deux modèles avec dominante »1668, il n’en demeure pas moins que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, hommes et femmes sont considérés comme incommensurablement différents sur le plan de l’anatomie et de la physiologie. Soulignant combien « l’imaginaire joue un rôle essentiel, alors même qu’on se trouve dans un discours de savoir et de sciences »1669, Anne Carol montre que les représentations des organes génitaux de chacun des deux sexes et du processus de fécondation1670 confirment avec éclat l’absolue différence, la dichotomie même, qui oppose le masculin au féminin, et l’actif au passif (ce qui est lourd de conséquences, on s’en doute, en termes politiques notamment). Dans un tel cadre de pensée, l’explication des causes de l’hermaphrodisme selon Waldeyer est profondément subversive, et insupportable.
Autre conséquence de cette conception évolutionniste de la pathogenèse de l’hermaphrodisme : celui qui en est atteint n’est plus seulement une « erreur de la nature », comme il l’était précédemment, mais encore un type retardé, le vestige d’une étape du développement normalement perdue dans les ténèbres de l’évolution et de l’embryogenèse. Alors que la théorie de Ernst Haeckel commence à être connue dans les milieux savants1671, même si elle est l’objet de critiques parfois acerbes1672, considérer l’hermaphrodite comme un individu resté bloqué dans son développement embryonnaire a des conséquences majeures : c’est en faire, plus encore qu’un monstre, un « primitif » au sens premier du mot puisqu’il présente un « arrêt [du] développement rétrograde »1673.
‘« L’hermaphrodisme apparent n’est pas autre chose […] qu’un état organique antérieur normal persistant anormalement au-delà de son terme ordinaire »1674. ’Notons que l’on fait le même diagnostic d’ « arrêt du développement » chez les criminels1675. Ce n’est pas un retour atavique qui est en cause : l’individu dont le sexe est douteux est, comme le criminel, un « attardé ».
‘« Voici, dit ainsi Lacassagne, les caractères que mon ami M. Lombroso reconnaît aux criminels, caractères qui leur sont communs avec les hommes primitifs : prognatisme, des cheveux abondants et crépus, la barbe rare, la peau souvent brune ou bistrée, l’oxycéphalie1676, l’obliquité des yeux, la petitesse du crâne, le développement des mâchoires et des os malaires, le front fuyant, les oreilles volumineuses et en anse, l’analogie entre les deux sexes 1677, la faiblesse de la force musculaire »1678. ’Les hermaphrodites comme les criminels sont des primitifs, des individus dont la tare originelle s’explique par le fait qu’ils ont en quelque sorte raté le train de l’évolution, ce qui est insupportable en ces temps de positivisme triomphant où tout ne doit être que progrès.
Du côté des invertis, les conceptions médicales changent également. Ce « vice » inquiète. « L’homosexuel devient, au cours du XIXe siècle, la figure paradigmatique du pervers masculin »1679. On en redoute la contagion. « De nos jours, la prostitution pédéraste a pris à Paris et dans tous les grands centres de population un accroissement inquiétant », indique Alexandre Lacassagne qui reprend ici l’habituel discours sur la ville corruptrice des mœurs comme de la santé. Alexandre Lacassagne nuance toutefois son propos, sans crainte du paradoxe, précisant que « rien ne prouve cependant que ce vice se répande de plus en plus »1680. Pour les médecins du temps, il y a pourtant tout lieu de s’inquiéter. Lacassagne relaie d’ailleurs personnellement cette appréhension :
‘« Actuellement, […] il semble que l’instinct génésique cherche des satisfactions dans des procédés contraires aux lois naturelles. Les cas de sodomie conjugale ne sont pas rares. Les prostituées, dans les maisons publiques, se livrent souvent au coït anal. La succion pénienne, les fellatores et le saphisme ont atteint une fréquence vraiment inouïe. Le débordement et le succès d’une littérature pornographique (et particulièrement lesbienne) semble indiquer que, dans la société actuelle, les inversions ou les anomalies de l’instinct sexuel traduisent la perturbation d’un système nerveux mal équilibré »1681.’Dans le courant du XIXe siècle, « on peut […] considérer que le pouvoir médical [qui s’accapare la « question homosexuelle »] n’est in fine que la sécularisation des préceptes religieux en matière sexuelle, plaçant le discours médical dans la continuité directe du discours ecclésiastique sur la sexualité depuis le Moyen Age »1682, ce que Michel Foucault décèle dans la psychanalyse et la psychiatrie, dont il considère qu’elles sont une continuité de l’aveu en confession. En effet, si une rhétorique du vice demeure en vogue dans les classes populaires, les milieux scientifiques tendent désormais à considérer que l’homosexualité est une maladie : le « malsain » prend ainsi le pas sur le « vicieux », et c’est tout un discours médical spécifique qui se développe sur le sujet car :
‘« bien que la question de l’homosexualité ait, de toute antiquité, préoccupé les esprits éminents, il n’en reste pas moins que son étude scientifique ne remonte pas très haut »1683.’Comme pour l’étude de l’hermaphrodisme, les médecins du temps ont conscience de vivre une époque d’innovation : ils revendiquent la nouveauté et la pertinence de leurs vues, débarrassées des scories superstitieuses caractéristiques des conceptions antérieures. Lacassagne et ses confrères ont ainsi à cœur de traiter du sujet, sans « pudeur mal placée »1684, en faisant fi « des errements du passé »1685 qui ont conduit nombre d’auteurs, « même ceux qui se croient les plus émancipés de toute idée religieuse, craign[a]nt d’être soupçonnés de pornographie ou d’inconvenance scientifique, [à se répandre] avec la fougue d’un prédicateur en épithètes variées sur un vice qu’ils qualifient d’abomination, de monstruosité, d’infamie, etc. »1686. Lacassagne n’est donc pas de ceux-là, lui qui accueille avec un « esprit large et compréhensif […] tous les genres de recherche »1687. C’est en effet d’abord la médecine légale qui s’intéresse à la « question homosexuelle ». Les médecins légistes sont à la recherche de traces physiologiques, preuves scientifiques susceptibles de confirmer qu’un individu a eu, ou non, des relations contre-nature. Alexandre Lacassagne consacre les deux-tiers de son article du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales Dechambre à ce problème, s’inscrivant bien en cela dans la tradition de Tardieu, pour lequel « la pédérastie est une école du crime »1688. Mais au contraire de ce dernier, Lacassagne ne considère pas l’homosexualité comme un vice ou un choix immoral, préférant l’envisager comme une maladie organique ou psychique.
Pourtant, le consensus n’est pas au rendez-vous : sur le sujet, « les opinions dominantes, de nos jours, sont loin d’être concordantes »1689. Il faut en effet distinguer deux grands courants : le premier, d’ordre biologique, considère l’homosexualité comme innée, un fait de nature, quoique d’une nature dégénérée ; pour le second, c’est une « perversion » acquise, résultant principalement d’une déviance psychologique initiale, le plus souvent un « excès d’imagination ou de désir », et de pratiques onanistes excessives1690. Considérer l’homosexualité comme essentielle aux invertis, comme un fait de nature, une condition qui a toujours existé, un comportement sur lequel ils n’ont donc pas de prise, doit permettre d’obtenir sa dépénalisation. C’est notamment la position adoptée par le juriste allemand Ulrichs, homosexuel déclaré, qui publie depuis 1864 des ouvrages défendant cette conception sous le nom de Numa Numantius, et présents dans la bibliothèque1691. Même si ces écrits restent sans grande influence, ils encouragent Westphal, médecin et éditeur des Archiv für Psychiatrie, et Krafft-Ebing à suivre le problème clinique de manière systématique, le premier soutenant la théorie congénitale de l’homosexualité et créant l’expression « conträre Sexualempfindung », « sensibilité sexuelle contraire » (1869), ce qui consacre la sexualité entre hommes comme une maladie mentale nécessitant une thérapeutique.
Mais la frontière entre ces deux conceptions est en réalité très ténue : elles se combinent plus souvent qu’elles ne s’opposent, notamment chez Alexandre Lacassagne. Dans l’article qu’il consacre à la question pour le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales de Dechambre, le médecin peut ainsi affirmer, à quelques paragraphes d’intervalles, que le phénomène est inné puisque « des constatations de cette inversion on été notées aux différents moments de l’histoire, dans les sociétés primitives »1692 et même chez les animaux, mais aussi que « la corruption de la tête chez les vieillards » ou « la disette des femmes […] dans les agglomérations exclusives d’hommes »1693 sont des causes occasionnelles d’une homosexualité qui peut donc s’acquérir. Il prend fermement position en faveur de cette conception essentialiste de l’homosexualité, soulignant le caractère immémorial de ces pratiques, qui semble les fonder en nature, et prend ainsi place aux côtés des théoriciens allemands les plus militants, pour lesquels la naturalisation de ces pratiques doit rimer avec leur dépénalisation. Leur existence dans le monde animal est avancée comme une autre preuve irréfutable de leur caractère naturel :
‘« Cette inversion de l’instinct génital s’observe aussi chez les animaux , dans les troupeaux de mâles par exemple. Dira-t-on que chez eux c’est un phénomène antinaturel ? »1694.’Mais dans le même temps, et parce qu’il ne considère que « les troupeaux de mâles », il reconnaît discrètement l’existence d’une homosexualité acquise, en lien avec la fréquentation d’un espace homosexué, « ainsi […] les armées, les navires, les prisons »1695. Ces tergiversations témoignent bien du « débat conflictuel qui se fit jour en cette fin de siècle autour du problème de l’inné et de l’acquis »1696.
La distinction est pourtant d’importance. Quand Krafft-Ebing, s’appuyant sur la dégénérescence, théorie régnante en psychiatrie à l’époque1697, distingue une « homosexualité innée », liée à une tare héréditaire, et qui serait imputable à un cas de folie parmi les ascendants proches1698, d’une « homosexualité acquise », générée par la débauche ou la promiscuité (internats, prisons), c’est pour prôner un traitement différentiel de l’une et de l’autre. Tout en militant pour une justice moins répressive à l’égard des homosexuels, « il déplace la ligne de démarcation entre le licite et l’illicite qui passe désormais non plus entre le coït hétérosexuel et les pratiques déviantes, mais au cœur même de la déviation homosexuelle en distinguant une homosexualité congénitale […méritant la compassion et le respect] et une homosexualité volontaire, délibérément transgressive […passible de poursuites] »1699. Georges Lanteri-Laura, historien de la psychiatrie décédé en 2004, reprend cette distinction et précise ainsi qu’il y a de « bons pervers – hommes estimables et moraux, bien insérés socialement et professionnellement mais inhibés, incompris, tourmentés et coupables quant à leur penchant – et de mauvais pervers, marginaux dangereux, monstrueux, violents et sans culpabilité quant à leur mode de satisfaction »1700, un peu comme il y avait autrefois dans les hospices de bons et de mauvais pauvres. « L’homosexuel originaire [comprenez inné] est un anormal partiel, un infirme, il n’est pas responsable de cette infirmité »1701, alors que dans un cas d’homosexualité acquise, « disposition vicieuse, dépravation de l’appétit vénérien chez un hétérosexuel », on est « en présence d’un individu punissable »1702. L’homosexualité congénitale mérite d’être dépénalisée et reconsidérée socialement.
Chez Lacassagne, les choses ne sont pas si tranchées. À la suite de Julien Chevalier, il distingue trois causes explicatives de ce penchant et, conséquemment, « trois variétés de l’inversion sexuelle » :
‘« 1° une inversion acquise, par exemple, dans la prostitution pédérastique ou saphique ; 2° une inversion des agglomérations exclusives : ainsi les pensions, les internats, les armées, les prisons ; 3° une inversion native : ce sont des héréditaires ou des hermaphrodites moraux »1703.’Lacassagne semble en fait avoir une conception assez composite de l’homosexualité. Ses lectures sur le sujet le montrent d’ailleurs clairement.
‘« Il reprend très largement les catégories des perversions sexuelles de Michéa1704 […] mais considère que les causes de l’inversion congénitale et acquise viennent avant tout d’une dégénérescence du système nerveux central »1705.’Il connaît les théories les plus classiques sur le sujet, mais il a aussi les publications les plus récentes, depuis Krafft-Ebing1706, tenant de la conception innéiste de l’homosexualité, jusqu’au psychiatre Alfred Binet1707, lequel s’intéresse aux lois psychologiques présidant à l’acquisition des perversions, soulignant que l’hérédité n’explique rien car elle est impuissante à rendre compte de la forme spécifique que prend chaque perversion. Il s’intéresse également à la psychologie des homosexuels, et se range à l’injonction d’Alfred Binet, pour lequel il faut prendre en considération l’expérience individuelle et l’histoire singulière du pervers. Cette recommandation a même sans doute rencontré des échos auprès d’Alexandre Lacassagne, qui s’attache tant à recueillir le récit de vie de Georges Apitzsch, un peu comme lorsqu’il s’en remet aux criminels pour relater leurs antécédents biographiques, recueillant des données anamnestiques, fournies par le sujet interrogé sur son passé et sur l’histoire de sa maladie. Alexandre Lacassagne recommande d’ailleurs lui-même ce recours direct à des observateurs personnellement impliqués pour comprendre le phénomène homosexuel :
‘« nous recommandons [la lecture des] Mémoires du comte de Caylus cité par Casper, la pièce donnée par Tardieu sous le titre Ma confession, et surtout les observations si intéressantes sur lui-même écrites par un magistrat allemand sous le pseudonyme de Numa Numantius »1708.’La lecture approfondie de son article sur la « pédérastie » fait pièce à l’idée développée par Régis Révenin, selon lequel il y aurait une conception française de l’homosexualité, accordant peu de crédit aux explications psychologiques, reposant sur une « explication organique […] réponse française aux travaux allemands, dans un contexte de rivalités nationales en Europe, dépassant largement les seuls enjeux scientifiques »1709. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, la conception française de l’homosexualité a changé. Les travaux de Johann Casper, qui avance dès 1852 que l’homosexualité serait innée, ont été traduits1710. Lacassagne les a lus et il en recommande la lecture. Il connaît également les travaux de Westphal1711, qui défend les mêmes idées. À ce titre il ne fait pas exception parmi les médecins français : Alfred Binet reprend de même les observations rapportées par Krafft-Ebing ou Westphal, et montre qu’il y est souvent fait mention d’événements ou de scènes de la vie infantile ayant marqué la vie sexuelle des sujets. Pour lui, dans les perversions fétichistes, parmi lesquelles il faut ranger l’homosexualité, le choix du fétiche s’expliquerait par l’effet des expériences infantiles et trouve donc sens dans l’association contingente d’une excitation sexuelle et de l’objet électif. C’est bien cette théorie que l’on retrouve, à la base de la biographie sexuelle de Georges Apitzsch livre à Alexandre Lacassagne :
‘« Je me souviens bien à [sic.] plusieurs événements qui tombent dans les premières années de ma jeunesse. […] Un de mes cousins, avec lequel j’étais souvent pour jouer, m’a excité par des petites bottes à rebord. Je l’ai chatouillé sous les bras toujours avec un désir inexplicable de posséder quelque chose de plus que cela »1712. ’Le correspondant de Lacassagne adopte, à l’instar des penseurs les plus militants une conception résolument essentialiste de son homosexualité. Il se dit unisexuel, ayant « le cœur d’une femme nécessiteuse »1713, et justifie son goût pour « l’ultra-viril ou mâle » par le fait qu’il est « [lui] même femme »1714, se rangeant à l’avis du Docteur Albert Moll qui fait de l’unisexuel un « faux homme égaré […], être hybride qui porte une âme de femme sous une enveloppe masculine »1715. De nouveau, comme pour les hermaphrodites, on met cette curiosité sur le compte d’un arrêt de l’évolution :
‘«… les caractères fréquemment efféminés des pédérastes sont souvent marqués au cachet de l’infantilisme, leurs formes arrondies, arrêtées dans leur développement, […] excitant les appétits dépravés par leur habitus féminin et se prêtant peut-être plus volontiers à ces honteuses pratiques parce qu’ils n’ont pas d’aptitudes masculines énergiques »1716.’On parle alors d’uranisme, et on explique le phénomène, supposé congénital, par une origine biologique (en lien avec l’indifférenciation sexuelle de l’embryon jusqu’à la 12e semaine). « Les homosexuels, étant restés en arrière de leur évolution, en [sont] restés au stade féminin de la sexualité »1717. Mais cette conception naturaliste et évolutionniste de l’homosexualité ne fait pas l’unanimité. Marc-André Raffalovich le clame dans les colonnes des Archives d’anthropologie criminelle :
‘« Les invertis ne se contentent pas du tout de la vieille explication de l’âme féminine dans un corps masculin »1718.’Et le docteur Ladame renchérit :
‘« Quelques auteurs, s’évertuant à trouver une base organique à l’homosexualité, voulaient que les individus atteints de cette particularité eussent des cerveaux de femmes dans des corps d’hommes et vice versa. […] Ces élucubrations fantaisistes, sous le couvert du manteau de la science, n’eurent pas de peine à éveiller la moquerie générale »1719.’Mais nous sommes à la veille de la Première Guerre mondiale lorsque le docteur Ladame s’exprime ainsi, railleur. Pendant les trois décennies précédentes, les médecins, dont Alexandre Lacassagne, ont envisagé diverses théories, et s’il reste difficile de trancher en faveur de l’une ou l’autre, il semble clair, désormais, que « le caractère extraordinaire de ces faits, dans toutes les sociétés, à toutes les époques de l’histoire, [… doit] attirer l’attention du psychologue et du médecin légiste, afin d’élucider ces complexes et savoir si les sujets qui présentent de pareilles aberrations ne seraient pas des malades, des héréditaires qui peuvent être victimes ou d’une malformation congénitale ou de certaines conditions sociales qui ont favorisé l’éclosion de cette passion, enfin des malheureux ou des aliénés qu’il faut traiter »1720. Les deux conceptions en apparence opposées de l’homosexualité, innée pour les uns, acquise pour les autres, ne le sont finalement pas tant que cela. D’abord, elles coexistent très largement, tant chronologiquement que dans les écrits mêmes des médecins, en ce dernier tiers de XIXe siècle. L’analyse de l’article « pédérastie » rédigé par Lacassagne pour le Dictionnaire Dechambre l’a bien montré. Mais surtout, quelle que soit l’explication retenue pour éclairer son origine, l’homosexualité sort du champ de la débauche pour devenir pathologique, et pour l’époque, une telle pathologisation relève du « progrès » : les homosexuels ne peuvent plus être considérés comme des criminels, ils sont désormais des malades. Ce n’est plus de la répression policière et judiciaire qu’ils relèvent désormais, mais d’une thérapeutique.
Eugène Wilhelm, « L’hermaphrodite et le droit », in Archives d’Anthropologie criminelle, 1911, p. 267.
Charles Debierre, « L’hermaphrodite devant le Code civil. L’hermaphrodisme, sa nature, son origine, ses conséquences sociales », in Archives de l’Anthropologie criminelle, 1886, p.305.
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.13. [BML FA 139520]
Rappelons le mythe, pour mémoire : le berger Hermaphrodite, fils d’Hermès et d’Aphrodite, uni contre son gré à la nymphe Salmacis dont il ne put repousser les ardeurs, se trouve frappé d’impuissance en même temps que d’indifférenciation sexuelle. À la suite de cette union forcée, Hermaphrodite se trouve comme amputé d’une partie de lui-même : « il n’est plus mâle qu’à moitié, … ses membres ont perdu leur vigueur » et sa voix « n’a plus rien de viril ». Chez Ovide, l’hermaphrodite est le résultat d’une fusion des deux sexes, mâle et femelle, ou plus précisément de l’envahissement du masculin par un féminin importun. L’indifférenciation sexuelle est la conséquence de cette union abusive.
Laugier, Article « Hermaphrodisme » in Nouveau Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques, Paris, 1873, tome XVII, p.489. [BML FA 417438]
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.13. [BML FA 39520]
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.16. [BML FA 139520]
Michel Bourdeau, Les trois états : science, théologie et métaphysique chez Auguste Comte, Paris, Éd. du Cerf, 2006, 177 p.
« Cet empereur romain se plaisait, aimant la nature, mais plus encore peut-être les choses hors nature, à faire traîner son char par quatre chevaux hermaphrodites » précise le docteur Charles Debierre, citant Pline (Histoire Naturelle, II, 49) dans son article consacré à « L’Hermaphrodisme devant le code civil », in op.cit., 1886, p.305.
C’est à Jean-Charles Pichon que l’on doit l’amorce de cette réhabilitation dans son Saint-Néron, Paris, Robert Laffont, 1962, 249 p.
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.17. [BML FA 139520]
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.18. [BML FA 139520]
Idem.
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.20. [BML FA 139520]
Médecin, né à Bâle en 1550 où il occupe une chaire de médecine.
Cité par Dr G. Dailliez, op.cit., 1893, p.20. [BML FA 139520]
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.23. [BML FA 139520]
Cité par G. Dailliez, op.cit., 1893, p.23. [BML FA 139520] C’est Dailliez, citant Ambroise Paré, qui souligne.
« Bauhin, Duval, Riolan, Saviard, Alberti, Teichmeyer, Licetus, Méry, Morand, Ferrein, Vallisnieri, Petit (de Namur), J.L. Petit, Parson, Arnoud de Ronsil, Lepéchin, Reyerus, Mathieu, Hoin, Mœller, Wolfart, Burckard, Bodinelli, Hunter, Haller, Maret, Ruysch, Gentili, Everard, Home, Ackermann, Seiler, Wrisberg, Pinel, Hufeland Moraud, Miersina, Rudolphi, Meckel, Blumenbach, Chevreuil, Desgenettes, Renauldin, Marc, Hento, Beclard, Worbe, Pierquin, Dugès, Castel, Bouillaud, Larrey, Tourtual, Martini, Follin, Ricci, Simpson, Homes, Luigi de Crecchio, Laugier, Ambroise Tardieu, Geoffroy-Saint-Hilaire » in Dr G. Dailliez, op.cit., 1893, p.23. [BML 139520]
« M. le prof. Brouardel a réuni les éléments d’un diagnostic qui permet le plus souvent d’arriver à la constatation du sexe » in Dr G. Dailliez, op.cit., 1893, p.23. [BML 139520]
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.307.
A. Kölliker, Embryologie ou Traité complet du développement de l’homme et des animaux supérieurs [Entwickelungsgeschichte des Menschen und höheren Thiere], Paris, Reinwald, 1882, p.5.
Caspar Friedrich Wolff (1733-1794) est l’un des fondateurs de l’embryologie. En 1759, il décroche son doctorat en médecine à l’Université de Halle grâce à sa thèse intitulée Theoria Generationis dans laquelle il remet au goût du jour et soutient la théorie de l’épigenèse, déjà avancée auparavant par Aristote et William Harvey (1578-1657). Selon cette thèse, les organes seraient formés dans des couches différenciées elles-mêmes formées à partir de cellules indifférenciées. Auparavant, les scientifiques pensaient que l’organisme vivant était déjà complètement constitué dans le germe (théorie de la préformation), autrement dit, que l’homme existait déjà en version miniature dans le sperme. Ces découvertes ne suscitent pas un grand enthousiasme. Parmi les scientifiques opposés à sa théorie, on trouve notamment Albrecht von Haller (1708-1777).
J. Lagman, Embryologie médicale, Paris, Masson, 2003 (7e édition française), p.V.
Basile Poppesco, op.cit., 1874, p.8. [BML FA 139512]
Dr Saint-Cyr, « Recension de l’ouvrage de Charles Debierre, L’hermaphrodisme, Paris, Baillière, 1891, 160 p. », in Archives d’Anthropologie criminelle, 1892, p.104.
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.9. [BML 139520]
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.331.
Sur la théorie de la récapitulation et ses conséquences (en ces temps d’évolutionnisme, c’est considérer qu’il y a un singe en chaque homme), on renvoie à Stephen Jay Gould, La mal-mesure de l’homme, Paris, Odile Jacob, 1997 (nouvelle édition), chapitre III : La mesure des corps. Deux thèses sur le caractère simiesque des indésirables, p.149-182.
Honoré de Balzac, La Comédie humaine, Paris, Gallimard, 1976 (1842), p.7.
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.307.
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.309.
Thomas Laqueur, La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1992, 355 p.
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.310.
Heinrich Wilhelm Waldeyer (1836-1921), qui enseigna l’anatomie successivement à l’université de Strasbourg puis à celle de Berlin, peut être considéré comme un des pionniers de l’embryologie.
Recension de Charles Debierre, 1891, in Archives de l’Anthropologie criminelle et des sciences pénales, 1892, p.104.
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.8-9. [BML 139520]
G. Dailliez, op.cit., 1893, p.9. [BML 139520]
Sur ce point, voir :
- l’introduction de Delphine Gardey & Ilana Löwy, L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2000, 277 p.
- Delphine Gardey, « Les sciences et la construction des identités sexuées. Une revue critique », Annales Histoire Sciences Sociales, n°3, mai-juin 2006, p.649-673.
- Catherine Louveau et Anaïs Bohuon, « Le test de féminité, analyseur du procès de virilisation fait aux sportives », in Sport et Genre, Volume 1 : « La conquête d’une citadelle masculine », Paris, L’Harmattan, 2005, p. 87-117.
Les premiers travaux sur le rôle des hormones dans la différenciation des sexes datent de la fin du XIXe siècle : citons notamment ceux de Brown-Séquard (1891) et ceux de Starling (1895). Sur l’histoire de l’endocrinologie, voir Nelly Oudshoorn, Beyond the natural body : an archeology of sex hormones, New York / London, Routledge, 1994, XI-195 p.
C’est la théorie développée par Thomas Laqueur que l’on reprend ici, et l’on renvoie donc à son ouvrage : Thomas Laqueur, op.cit., 1992, 355 p.
Catherine Marry et Ilana Löwy, op.cit., 2007, p.150.
Annick Jaulin, « La fabrique du sexe : Thomas Laqueur et Aristote », in Clio. Histoire, femmes et sociétés, n°14, 2001, p.200.
Anne Carol, « Esquisse d’une topographie des organes génitaux féminins : grandeur et décadence des trompes (XVIIe-XIXe siècles) », in Clio. Histoire, femmes et sociétés, n°17, 2003, p.203.
Sur ce point, les démonstrations d’Evelyn Fox Keller sont également éclairantes. On renvoie notamment à Evelyn Fox Keller, Le rôle des métaphores dans les progrès de la biologie, Paris, Synthélabo, 1999, 157 p.
Selon Lucien Vialleton, c’est « en 1866 [que] Haeckel commence à publier la série de ses ouvrages qui ont si puissamment aidé à la vulgarisation de la théorie de la récapitulation », in Janlac, « Recension de l’ouvrage de Lucien Vialleton, Un problème de l’Évolution », in Archives d’anthropologie criminelle, 1908, p.877.
Voir notamment ce qu’en dit Von Baer : « Il y a évidemment quelque concordance entre les étapes embryonnaires de certains animaux et l’état définitif d’autres animaux [mais] cela est tout à fait nécessaire et n’a pas la signification qu’on a voulu lui donner » ou encore « l’embryon des animaux supérieurs [i.e. les êtres humains] à ses différents stades ne devrait pas coïncider avec les formes inférieures seulement par quelques particularités mais par son ensemble. Mais cela n’est pas ». Cité par Janlac, op.cit., 1908, p.877.
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.330. C’est moi qui souligne.
Charles Debierre, op.cit., 1886, p.331.
Cesare Lombroso recherche notamment cet « arrêt du développement » quand il cherche à définir son « criminel-né » (voir la 1ere partie du Tome premier de L’homme criminel : « Embryologie du crime » [BML FA 434607]
Au sujet spécifiquement de la comparaison entre criminels et « sauvages », voir Alexandre Lacassagne, « L’homme criminel comparé à l’homme primitif ». Conférence publique faite dans le grand amphithéâtre de la Faculté de médecine, le 27 janvier 1882, in Bulletin du Lyon Médical, 1882, p.210-217 et p.244-255.
Il s’agit d’une malformation congénitale du crâne, qui présente un très fort développement en hauteur et des côtés aplatis. Le sommet du crâne peut être plat ou pointu. L’oxycéphalie peut être associée à d’autres malformations, et entraîne parfois un retard mental. Dans ce cas, le front est haut et le crâne en forme de tour.
C’est moi qui souligne.
Alexandre Lacassagne, « L’homme criminel comparé à l’homme primitif », op.cit., 1882, p.252.
Régis Révenin, op.cit, 2007, p.25.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.97.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.98.
Régis Révenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris (1870-1918), Paris, L’Harmattan, 2005, p.10.
Charles Ladame, « Homosexualité originaire et homosexualité acquise », in Archives d’anthropologie criminelle, 1914, p.262.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.92.
Charles Ladame, op.cit., 1914, p.262.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.92.
Jean Arrufat, Introduction, op.cit., Lyon, Storck, 1892, p.1. [BML FA 135494]
Ambroise Tardieu, Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, Paris, Baillière, 1867 (5e édition), p.120. [BML FA 428376]
Idem.
En opposant ainsi une homosexualité « biologiquement justifiée » et une homosexualité acquise, résultat d’une vie dépravée, les médecins distinguent la « perversion », qui est d’ordre biologique, de la « perversité
Numa Numantiuspseud. d’UlrichsMannmännliche Liebe, Leipzig, 1864, 2 vol. [BML FA 427785]
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.94.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.98-99.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.94.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.99.
Jean-Pierre Kamieniak, op.cit., 2003, p.257.
Systématisée par Benedict Morel (1809-1873) dans son Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine (1857).
43 cas sur les 47 mentionnés dans la septième édition de la Psychopathia Sexualis (1892) sont ainsi rapportés à une tare héréditaire, les autres relèvent d’une homosexualité acquise. Cf. Jean-Pierre Kamieniak, op.cit., 2003, p.256.
Jean-Pierre Kamieniak, op.cit., 2003, p.256.
Idem.
Charles Ladame, op.cit., 1914, p.286.
Charles Ladame, op.cit., 1914, p.265.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.98.
Claude-François Michéa, « Des déviations de l’appétit vénérien », in Union médicale, n°3, 1849, p.338-339.
Pour ce médecin, la cause de l’homosexualité est à rechercher dans des troubles physiologiques : « le comportement pervers ne serait ainsi que le résultat d’un fonctionnement organique perturbé : le cerveau ne serait donc plus atteint à la suite d’actes sexuels pervers, comme on le croyait dans le cas de la mastrubation par exemple, mais au contraire les actes sexuels pervers seraient bien la conséquence d’un cerveau qui ne fonctionne pas normalement » (Régis Révenin, op.cit, n°17, vol.2, 2007, p.29.)
Régis Révenin, op.cit, n°17, vol.2, 2007, p.34.
Richard von Kraft-Ebing, op.cit., 1894, 39 p. [BML FA 136063]
Richard von Krafft-Ebing, op.cit., 1894. [BML FA 136046]
Richard von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, avec Recherches spéciales sur l’Inversion sexuelle, Paris, Carré, 1895, VIII-595 p. [BML FA 135319]
Alfred Binet, « Le fétichisme dans l’amour », in Revue philosophique, Août 1887, p.143-274. [BML FA 136023]
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.101.
Régis Révenin, op.cit, n°17, vol.2, 2007, p.28.
Johan Casper, « Über Nothzucht und Päderastie und deren Ermittelung Seitens des Gerichtsartzes », in Vierteljarsschrift für gerichtliche und öffentliche Medicin, vol.1, 1852, p.21-78.
Karl Westphal, « Die conträre Sexualempfindung. Symptom eines neuropatischen (psychopathischen) Zustandes », in Archiv für Neurologie, 1869, vol.2, p.73-108.
Lettre n°5, Georges Apitzsch,op.cit., 2006, p. 30.
Lettre n°3, Georges Apitzsch,op.cit., 2006, p.27.
Lettre n°5, Georges Apitzsch,op.cit., 2006, p.41.
Émile Laurent, « Compte-rendu sur Les Perversions de l’instinct génital du Docteur Albert Moll », in Archives d’anthropologie criminelle, 1896, p.678.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.98-99.
Charles Ladame, op.cit., 1914, p.263.
Marc-André Raffalovich, op.cit., 1894, p.216
Charles Ladame, op.cit., 1914, p.263.
Alexandre Lacassagne, Article « Pédérastie », op.cit, 2006, p.92.