Université Lumière-Lyon 2
École doctorale : Lettres, langues, linguistique, arts
Faculté des Lettres, Sciences du langage et Arts
Équipe de recherche : Passage XX-XXI
Babel au XXe siècle
Le dialogue des cultures dans l'œuvre de Michel Butor
thèse de doctorat en Lettres et Arts
sous la direction de Bruno GELAS
présentée et soutenue publiquement le 11 juin 2009
Membres du jury :
Bruno GELAS, Professeur des universités, Université Lyon 2
Pierre MASSON, Professeur émérite, Université de Nantes
Jean Pol MADOU, Professeur des universités, Université de Savoie
Michel SCHMITT, Professeur des universités, Université Lyon 2

Contrat de diffusion

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[Dédicace]

A mon pays l’Irak

A ma ville natale, Bagdad

Et à Babel – Babylone qui attend sa libération

[Remerciements]

Je tiens à exprimer ma vive gratitude à mon directeur de thèse, Monsieur Bruno GELAS pour le soutien qu’il m’a apporté durant la préparation de ce travail et pour les renseignements précieux qu’il m’a fournis. Pour son aide infinie qui dépasse toujours les frontières.

Et plus personnellement, j’adresse mes pensées les plus affectueuses et mes remerciements

à ma famille, à Bagdad, pour son soutien malgré l’éloignement,

à mes amis irakiens qui sont maintenant si dispersés,

et à tous mes amis, ici en France, pour leur aide et leurs encouragements qui m’ont été indispensables.

[Epigraphe]

Le 29 mars 2006, j'ai eu le privilège de rencontrer Michel Butor chez lui.

À celle qui préparait une thèse sur son œuvre, il a réservé le meilleur accueil et s'est soumis de bonne grâce à ses multiples questions.

À celle qui était venue d'Irak pour écrire cette thèse, il a remis un poème, paru initialement dans L'Humanité du 5 février 2004. Je tiens beaucoup, pour lui dire ma gratitude, à le reproduire au seuil de ce travail.

En attendant l’accalmie
C’est le printemps le vent de sable
gêne l’avance des armées
des nouvelles contradictoires
viennent de tous les horizons
bombardements de nuit en nuit
sur la ville des mille et une
Haroun Al Rachid écorché
croise l’ombre de Saladin
les vivres viennent à manquer
l’eau s’est tarie dans les fontaines
Très loin les administrateurs
dans leurs bureaux climatisés
rédigent des communiqués
en étudiant les statistiques
cherchant comment minimiser
les durs dégâts collatéraux
tandis que les soldats ruissellent
dans la plaine entre les deux fleuves
tremblants de peur et de fureur
en songeant à leurs bien-aimées
Pourtant c’est vraiment le printemps
par ici on est étonné
de la douceur presque l’été
quand on descend dans la vallée
les arbres sont déjà fleuris
dans mon village pas encore
ce sont les tout premiers bourgeons
dans les prés et au bord des routes
des violettes et primevères
et des crocus dans les jardins
Épidémies effondrements
des compagnies et des monnaies
on découvre des trous béants
comme des cratères de bombes
dans mainte comptabilité
il nous faut de nouveaux milliards
quémande-t-on aux assemblées
pour financer la guerre-éclair
qui se traîne dans la fumée
les fleuves sont teintés de sang
Demain tarde bien à venir
on nous parle d’après-demain
on nous exhorte à la patience
à travers le bruit des rafales
mais nous n’arrivons pas à voir
comment fleurira le printemps
dans les jardins de Babylone
pourtant sans doute une tulipe
resplendira sur un balcon
avant de perdre ses pétales
Dans quelques semaines peut-on
espérer que les hôpitaux
retrouveront quelque silence
et que les draps seront changés
pour les blessés et les fiévreux
que des infirmières souriantes
pourront leur apporter à boire
leur soulevant un peu la tête
en donnant les médicaments
capables de les soulager
Et que les soldats survivants
s’interrogeant sur destin
et tout ce qu’on leur a fait croire
et tout ce qu’on leur a fait faire
épouvantés et harassés
pourront retrouver le sommeil
et le chemin de leur famille
qu’elle soit de l’autre côté
de la mer ou tout simplement
dans un village très voisin
Où tout sera méconnaissable
où il faudra tout reconstruire
recommencer l’irrigation
et planter à nouveau des arbres
pour que dans les printemps prochains
il y ait des fleurs et des fruits
qu’il y ait des moissons l’été
et que l’on puisse de nouveau
sur la terrasse au clair de lune
chanter les amours des anciens
Et regarder à la télé
les pays au-delà des mers
les nouvelles tours de Babel
les tempêtes dans leurs déserts
la guérison de leurs blessés
leurs dialogues dans leurs jardins
espérant que de leur côté
ces soldats rentrés au pays
regarderont sur leur télé
ce que l’on devient par ici
Dans le pardon mais sans oubli
nous réveillerons-nous enfin
découvrant quel soulagement
un véritable nouveau monde
aux énergies inattendues
où les milliards circuleront
parmi tous les faubourgs des villes
pour couronner par nos voyages
les recherches qu’ont commencées
les astronomes de Chaldée
Michel Butor’