A. Noms de lieu

Comme il arrive souvent à un étranger qui aborde une ville inconnue, les premiers troubles sont les difficultés d’orientation. Il doit trouver ce qui lui permettra de circuler sans tomber dans un piège et se constituer à cette fin des repères. De là vient l’importance des noms des lieux. Ils prennent une place privilégiée puisqu’ils disent la frontière de la vie de l’habitant. Et puisque ne pas les connaître mène à l’errance, ils deviennent aussi des instruments de sécurité.

À son arrivée à Bleston, Jacques Revel ne possède qu’une seule donnée : l’adresse de Matthews and Sons. C’est à partir d’elle qu’il va entrer en rapport avec la ville, un rapport qui prépare et dessine une multiplicité de liens futurs à la diversité et au discours identitaire. Bleston, qui est en fait une transposition de la ville de Manchester où Michel Butor a lui-même passé deux ans157, exige donc tout d’abord l’acquisition d’un plan. Sans ce dernier tout apparaît vague et faux, les rues, les places, les bâtiments les monuments : « Je pensais être tout près de l’Ancienne Cathédrale, le terminus de cette ligne, et je la croyais devant moi, cachée par quelque haute maison, alors qu’elle était à ma droite » (P.28).

Et c’est alors, dans un premier temps, une bonne organisation qui s’installe dans l’esprit de Jacques Revel, tout « s’agglomérant en une vague représentation générale très fausse de la ville par laquelle je m’orientais sans en prendre clairement conscience, de cette ville dont je n’avais pas encore vu de plan, et dont j’étais encore incapable d’apprécier les véritables dimensions » (P.28).

Le roman s’ouvre ainsi sur une mise en scène de l’espace, qui développera ensuite ses multiples aspects, mais où les tracés topographiques apparaissent d’emblée comme dominants.

Notes
157.

BUTOR, Michel. Improvisations sur Michel Butor. Op. cit., p. 81.