Les descendants de Caïn

Dans sa représentation de la descendance de Caïn, l’artiste poursuit son travail d’intertextualité biblique : on est toujours dans le quatrième chapitre de la Genèse. Le premier personnage est Yabal.

Il se situe à gauche, au dessous de « profugus in terra » en face des arcades de l’ancien marché, « assis à son métier semblable à ceux qu’avaient les tisserands de Bleston en ce temps-là, entouré de ses chèvres près de sa tente » (P. 94). Il est le père de ceux qui filent. Avec son bétail, il est aussi le père de ceux qui habitent sous des tentes « ancêtre de tous ceux qui filent, qui fabriquent et teignent des toiles » (P. 94)179.

Il s’agit ici de l’opération du tissage à partir de laquelle on crée le filet. Comme le signale Jean-Pierre Bayard, ce filet du tissage « emprisonne et retient celui qui n’est pas encore apte à recevoir le message et qui se prend les rets comme dans les couloirs du labyrinthe  180  ». Il ajoute que le rôle du tisserand est similaire, dans de nombreuses civilisations, et s’apparente souvent à celui du forgeron. Et de fait la fondatrice des arts du tissage est Naamah181, fille du patriarche Lamech, qui figure lui aussi sur le vitrail avec les sept vieillards : « représentant la lignée des patriarches depuis Enos jusqu’à Lamech, père de Noé» (P. 96).

Or, plusieurs indices montrent que Bleston est une ville de tisserands : Horace Buck travaille dans une filature de coton ; et Jacques Revel décide de porter avec lui un « talisman» en tissu : 

‘Je sentais en Bleston une puissance qui m’était hostile, mais ma visite heureuse chez les Jenkins me faisait croire qu’il était possible de l’amadouer ; c’est pourquoi je suis entré chez Phulibert’s, dans l’intention d’y acheter une sorte de talisman, un objet fait à Bleston et dans la matière de Bleston, que je pourrais porter sur moi comme signe de protecteur, un mouchoir de coton que j’ai toujours (E.T. PP. 66-67).’

On peut faire le lien avec la laine, ce produit végétal, qui, comme l’explique Claude Birman :

‘désigne l’intention d’Abel le berger, qui tond ses moutons sans les léser, c’est-à-dire qui promeut un ordre social épuré de tout arbitraire, défini à la ressemblance exacte du principe originaire de toutes souveraineté […]. Le (‘‘lin’’) rappelle le problème de Caïn l’agriculteur, qui se fait un vêtement trop terrestre de ses productions, tiré d’un sol hétérogène au soi. Le lin sera relevé, en devenant lui-même le moyen de conjurer la menace qu’il porte en lui…182 »’

Cette ville qui se présente comme une Babel moderne, ville de confusion et labyrinthe, n’a pas moins été une ville de création. Mais pour la connaître il faut faire ce « travail dangereux » (P. 249) qui consiste à essayer de filer et de renouer des fils rompus sans fin. Il est indispensable d’en construire le tissage, le filet. Jacques Revel travaille son texte depuis l’ensemencement des grains de lin jusqu’au tissage des matériaux. Il ne commence à fabriquer son cordon de phrases qu’après avoir fait sa récolte, non pas seulement à partir des événements, mais également à partir des souvenirs plus récents qui se présentent au fur et à mesure : c’est en usant du disparate qu’il parvient à créer son tissu, son texte183. Mais ce texte lui devient aussi de plus en plus encombrant et difficile. Lui qui en est à la fois le spectateur, le narrateur et le lecteur, est plongé dans l’embarras : il n’arrive plus à s’y retrouver, il s’égare à la fois dans la ville, dans ses souvenirs, dans ce qu’il écrit et dans ce qu’il a déjà écrit :

‘Le cordon de phrases qui se love dans cette pile et qui me relie directement à ce moment du 1er mai où j’ai commencé à le tresser, ce cordon de phrases est un fil d’Ariane parce que je suis dans un labyrinthe… (P. 247).’

En ce sens, Jacques Revel est aussi Yabal : il file et fabrique des mots, pour constituer son texte ; il est à sa table de travail pour écrire peu à peu « comme une chenille qui file un coton pour sa métamorphose 184 ». Mais il file aussi pour filtrer Bleston (P. 363), pour (re)constituer le tissu et repriser les trous de sa superficie :

‘Bleston, à l’intérieur de ton tissu, un trou dans lequel tu rassembles, telle une amibe dans sa vacuole, les corps que tu n’as pas assimilés, ne pouvant pas les rejeter à l’extérieur parce que tes limites sont trop imprécises… » (P.P. 346-347). ’

Filer des phrases dans l’espoir de trouver l’harmonie et la résonance, d’en entendre les sonorités au sein d’une ville où on ne perçoit d’ordinaire que la sirène des voitures de police ou la crécelle d’un camion… Mais le fileur est filé, et il sent autour de lui les fils de la chaîne envahir la trame du texte comme une marée ; bientôt ses mains seront « prises dans cette toile, et moi, tout enfermé dans ce métier, je ne réussis pas à découvrir le levier à mouvoir qui changerait le point » (P. 288)

Yubal symbolise aussi son métier, en sa qualité de constructeur d’instruments musicaux. Il est l'« ancêtre de tous les musiciens » (P. 94), de tous ceux qui jouent de la lyre et du chalumeau185. Il figure sur le vitrail avec « les instruments à vent, l’orgue, la trompette, et la flûte, et (…) ses filles avec les instruments à cordes, la harpe, la viole, et le luth » (P. 94). Seul de toutes les autres figures qui l’entourent, il se tient debout ; il semble qu’il est en train de hurler et non pas de chanter : « la bouchegrande ouverte, comme s’il hurlait ». Pourquoi hurle-t-il ? « Bleston, ville de tisserandset de forgerons, qu’as-tu fait de tes musiciens » (P. 94) ? L’interrogation est peut être une réponse, puisque c’est pendant que Jacques Revel contemple ce vitrail qu’il entend « la profonde crécelle d’un camion ». Le vitrail représente ainsi non pas l’histoire d’une légende, mais le choix de la moderne Bleston, qui a gardé les aspects industriels des descendants de Caïn, mais a abandonné tout ce qui avait trait à l’art et à ses productions. Et puisque l’homme est à l’image de sa ville, et la cité à celle de ses habitants, on comprend avec le prêtre que les blestoniens ne s’intéressent pas à l’œuvre qu’abrite l’Ancienne Cathédrale.

D’ailleurs, l’absence de création musicale s’inscrit parfaitement dans la lignée de la construction romanesque de L’Emploi du temps. Jacques Revel, plongé dans une solitude mortelle et épuisante au cœur de cette Babel moderne, tente d’y remédier en suscitant une vibration capable de compenser l’absence d’harmonie musicale. Michel Butor lui-même a trouvé une solution à ce dilemme : il recourt à la structure du canon musical, et explique comment le livre entier est construit selon ce modèle : « J’ai étudié la forme du canon dans la musique classique et L’Emploi du temps est constitué tout entier comme une sorte d’immense canon temporel 186  ».

C'est bien cette structure dite de la « reprise inversée » qui préside à l’étrange façon dont Jacques Revel rédige son journal, selon une double ligne chronologique : celle du présent (de l’écriture, des événements), et celle, toujours décalée, de ce qui lui est arrivé quelques mois auparavant. Si bien que, le vendredi 4 juillet par exemple, il relève qu’il est « presque à la fin de cette première semaine de juillet, et il ne me reste plus que cette soirée pour entamer mon récit de décembre, afin du moins de ne pas laisser s’augmenter cette distance de sept mois que je n’ai pas encore réussi à restreindre… » (P. 184).

L’Emploi du temps comme l’explique Michel Butor187, comporte cinq parties. Dans la première, rédigée au cours du mois de mai, Jacques Revel relate aussi ce qui est lui arrivé pendant le mois d’octobre.

Dans la deuxième, écrite au mois de juin, il évoque aussi novembre. Mais puisqu’il s’est produit un fait qu’il juge important, il recourt au présent, afin de restituer ce qui lui est arrivé le jour ou la semaine même où il écrit. Ainsi, tisse-t-il les événements de novembre avec ceux de juin, et constitue-t-il deux séries temporelles parallèles.

La troisième partie correspond au mois de juillet. Jacques Revel y poursuit et y relate à la suite des événements d’octobre et novembre, donc ceux du mois de décembre, et la suite des événements de juin, donc ceux de juillet. Mais la chose se complique, car, pour mieux comprendre ce qui s’est produit au début de juin, et qui ne cesse de le perturber, il se trouve dans l’obligation de remonter en même temps en arrière. S’efforçant de se rappeler ce qui s’est produit la veille du premier juin, il remonte de façon méthodique dans le temps. S’instaure donc à côté des deux premières, une troisième voix, qui raconte le mois de mai à l’envers. En musique, comme le signale Butor, ce type de voix est appelé « voix rétrograde ». On ne saurait trouver mieux pour caractériser à la fois l’état du héros et sa relation étroite avec Bleston. Car, si rétrograde est celui qui se détourne et ne cesse de se retourner, la structure de la cité dit bien l’impossibilité qu’à Jacques Revel d’en sortir : elle ressemble à un labyrinthe dont on n’arrive pas à trouver l’issue.

Les musiciens, dit Butor, reconnaissent cette figure qui se compose à partir de trois voix. Deux développent le même mouvement avec un léger retard qui fait que l’une commence son chant après l’autre ; et la troisième opère un mouvement de sens inverse :

‘C’est une structure en imitation, et si elle est très stricte, un canon. Une des structures fondamentales de la polyphonie, c’est le canon, avec des renversement, des miroirs 188. ’

À partir de là, Jacques Revel compose son journal à la manière d’un musicien baroque, en ne cessant d’exploiter les ressources du canon. La quatrième partie de L’Emploi du temps, écrite en août, développe ses trois voix de la manière suivante :

  • la voix 1 – contemporaine de la narration – évoque les événements survenus en août ;
  • la voix 2 – voix décalée – parcourt les événements survenus en octobre, novembre et décembre de l'année précédente ;
  • la voix 3 – voix rétrograde – poursuit sa remontée inverse dans le temps : ce qui s'est passé de la fin au début d'avril.

La dernière partie enfin, correspond au mois de septembre (voix 1). La voix décalée (voix 2) y atteint le mois de février. Et la voix rétrograde (voix 3), bouclant la boucle dans son mouvement rétrospectif, remonte de mai à mars.

Cette construction du livre, qui a évidemment suscité de très nombreuses analyses, fait en sorte que « chaque signe déploie ses harmoniques sur l’axe passé-présent- futur, jusqu’à sa transparence optimale 189  » ; mais il nous semble qu’elle vise aussi à instaurer une relation secrète entre l’écriture et la musique, et à donner à l'une et à l'autre mission de réparation.

Car, si les cloches, pourtant considérées comme l’essence de la ville, ne sonnent plus, c’est que la Cathédrale s’est tue : privée de musique, Bleston devient, dans son silence, une ville mortelle. Jacques Revel, pour y remédier, ordonne son journal comme une composition musicale. En ce sens, il est aussi un fils de Caïn.

  • Tubalcaïn

Tubalcaïn est placéà droite,au-dessous de « Caïn maçon » ; en face de la rivière, il est « l’ancêtre de tous ceux qui travaillent les métaux, les tenailles dans la main gauche, tenant une roue sur l’enclume » (P. 94). Il est donc forgeron, travaille avec le feu pour modeler les métaux qui se trouvent dans la mine.

Ce n’est pas, ici, à partir du texte biblique que nous voudrions proposer la lecture « symbolique » qu’engendre la référence à ce personnage dans l’assimilation Bleston/Babel. L’intertexte que nous sollicitons est plutôt celui du manuscrit de la Bibliothèque d’Assourbanipal, et du rituel mésopotamien qu’il assigne à ceux qui – forgeront ou potiers – ont recours au feu pour crier leur œuvre par transformation de la matière. Nous mesurons ce qu’une telle lecture a d’aléatoire, mais elle tire sa justification de notre projet même : montrer que le travail de Jacques Revel sur Bleston se laisse lire en analogie avec Babel (et, plus largement, la Mésopotamie de l’époque). Écoutons les échos du manuscrit antique, dans la traduction qu'en livre Mircea Eliade  190 :

‘- « Quand tu disposeras le plan d’un fourneau à minerais (…) tu chercheras un jour favorable dans un mois favorable, et alors tu disposera le plan du fourneau… »’

Le jour favorable que Jacques Revel a choisi est le dimanche 4 novembre. Le plan de ce fourneau est sans doute le roman policier Le Meurtre de Bleston, puisque c’est lui qui introduit Jacques Revel à la visite effective de la Cathédrale : « Une affiche de journal m’avait mené vers le roman policier de J. C. Hamilton, Le Meurtre de Bleston, et la lecture de celui-ce vers le Vitrail du Meurtrier » (P. 103).

‘- « Pendant qu’ils construisent le fourneau, tu (les) regarderas et tu travailleras toi-même (dans la maison du fourneau) : tu apporteras les embryons (nés avant le temps) »’

Jacques Revel, par son observation, sa recherche et ses fouilles a pu saisir les embryons de la ville, son mystère :

‘Cette fouille, ce dragage qui occupe maintenant si régulièrement toutes mes soirées de semaine, doit me délivrer des eaux troubles de ce mauvais sommeil qui m’avait envahi et aveuglé, de cet enchantement morose que je subissais, doit me permettre d’agir de nouveau en homme éveillé […] d’intervenir enfin avec intelligence et efficacité, ce qui ne m’est possible » (P. 105). ’

Le mystère de la ville, son vrai visage, apparaissent alors au grand jour : Bleston est la terre du péché mortel. Le fait qu’elle porte par le vitrail l’effigie de Caïn, qui devient son emblème, dit suffisamment qu’elle contient le germe du fratricide.

‘- « Un autre, un étranger ne doit pas entrer, ni personne d’impur ne doit marcher devant eux. »’

Au cours de sa visite dans l’Ancienne Cathédrale, Jacques Revel est seul devant le vitrail. L’ecclésiastique qui lui commente l’œuvre – « je suis à la disposition de qui veut voir ; vous êtes le seul, je suis pour vous » (P. 97) – lui apprend que les blestoniens n’entrent pas dans cette église, comme si ces voûtes et ces vitres suscitaient leur peur.

‘- « Tu dois offrir les libations dues devant eux : le jour où tu déposeras le “ minerai ” dans le fourneau, tu feras devant l’embryon un sacrifice »’

Le sacrifice que fait Jacques Revel est celui de son bonheur : sa recherche et son écriture lui font perdre Ann et Rose. Le temps qu’il sacrifie à l’exploration de la ville et de son mystère est en quelque sorte dérobé aux deux jeunes filles : « j’écrivais beaucoup tous les soirs de la semaine et par conséquence j’avais beaucoup moins de temps pour voir Ann et Rose… » (P. 249).

‘- « Tu allumeras un feu sous le fourneau et tu déposeras le “minerai” dans le fourneau… »’

Bleston, « ville de Caïn », est ravagée par le feu : elle est « ville de fumées » (P. 293), dans laquelle les incendies ont toujours été fréquents, mais depuis quelque temps, ils semblent se multiplier : « celui de la foire, celui de la boutique d’(Amusements) sur la place de l’Hôtel-de-ville entre le cinéma Royal et le commissariat de police… » (P. 161).

‘- « Le bois que tu brûleras sous le fourneau sera du styrax, épais, de grosses bûches écorcées, qui n’ont pas été (exposées) en fagots, mais conservées sous des enveloppes en peau, coupées dans le mois d’Ab. Ce bois sera mis sous ton fourneau ».’

Le bois que Jacques Revel brûle est constitué de ses mots, de ses phrases, et des souvenirs qu’il a conservés, puisqu’il n’a commencé à écrire que sept mois après son arrivée.

Signalons que le mois d’Ab, en français, est le mois d’Août. Il tient un rôle important dans le roman, puisque c’est pendant ce mois que Jacques Revel se remémore plusieurs événements importants, comme le fait qu’il a détourné son regard d’Ann pour le diriger vers Rose. Et c’est aussi le mois consacré à cette dernière : le 8 août, il n’a écrit que sur elle, commençant et finissant son propos par son nom :

‘Rose que j’ai retrouvée dans cette horrible lourde soirée de samedi (…).
Rose qui restait assise sur le bord de cette table couverte d’une nappe blanche (…).
Rose qui m’a regardé de façon si touchante comme si elle regrettait quelque chose (…).
Rose avec qui j’ai déjeuné le lendemain dans la grande salle à manger du Grand Hôtel (…).
Rose qui restait près de moi, serrant son mouchoir dans sa main (…)
Rose qui compte tant sur moi pour lui parler de Lucien, pour me parler de Lucien.
Rose qui aurait dû mieux me deviner, qui aurait dû me tendre un piège. (ET. P. 270-273).’

Et à la fin :

‘Rose, ma Perséphone, ma Phèdre, ma Rose qui s’est ouverte dans ce marais de paralysie et de gaz lourds, depuis le temps des grands brouillards, hélas non point ma Rose, mais seulement Rose, l’interdite Rose, la dérobée, la réservée, la vive, la simple, la tendre, la cruelle Rose (P. 274).’

On s’accorde à reconnaître en Tubalcaïn celui qui a inventé la technique de fabrication des armes. Il incarne le penchant au mal et répand l’hostilité à travers le monde pour que les hommes aient besoin d’armes afin de se combattre les uns les autres. Son nom, Tubalcaïn, est d'ailleurs composé de ceux des frères ennemis : Abel (Tubal) et Caïn191. Mais là encore, comme précisément pour Caïn et Abel, les signes peuvent s'inverser, et on peut aussi dire qu’il est l’instigateur des armes de bronze et de fer parce les hommes en avaient besoin pour se défendre contre les animaux. Ainsi Jacques Revel a besoin de se défendre contre les agressions que lui fait subir la ville, et c’est par l’écriture qu’il devient un « forgeron domptant la matière de sa mémoire et de la mémoire urbaine192».

Mais comment peut-on commenter seul un vitrail qui appartient à un diptyque ? Comment le comprendre sans avoir sous les yeux sa deuxième partie, qui raconte la légende d’Abel ? « La verrière qui est derrière nous, tout en vitres blanches au travers desquelles on aperçoit la découpure des pignons des vieilles maisons sur le ciel qui baisse et s’obscurcit, contait autrefois l’histoire d’Abel et de Seth » (ET. P. 95), précise l’ecclésiastique. Pourquoi l’avoir éliminée et remplacée par des vitres blanches ? Cela tient-il à la signification du nom Abel : « souffle », « vanité» », « chagrin»193 ? S’agit-il d'un choix de la part de l’artiste, ou comme l’affirme le prêtre, d’une contingence liée à l’époque de la fabrication de ces vitraux, le seizième siècle, lorsque l’Angleterre devint anglicane ? On ne le saura pas. Reste que cet inachèvement de l’œuvre empêche le visiteur de s'en construire une vision exacte :

‘ces deux grandes verrières faisaient partie d’un vaste ensemble qui n’a jamais été terminé et dans lequel toutes les fenêtres devaient jouer leur rôle ; ainsi, sur celle de l’abside, se serait déroulé le Jugement dernier (P.P. 69-97). ’

Cet inachèvement, cette attente d'une ultime interprétation qui n’adviendra qu’avec le Jugement dernier, laisse l’œuvre dans un état indéfini : ouverte, comme il en va de toute œuvre. Chacun peut en donner sa lecture, et le fait que le travail n’a pas été achevé ne peut qu’enrichir l’œuvre.

Notes
179.

Voir aussi V. Hugo. « […] Jabel, père de ceux qui vont / Sous des tentes de poils dans le désert profond » (« La Conscience » in La Légende des siècles).

180.

BAYARD, Jean-Pierre. Symbolique du labyrinthe. Sur le thème de l’errance. Paris: Huitième jour, 2003. p. 36.

181.

(Naamah est la sœur de Tubalcaïn, qui est aussi représenté sur le vitrail et que nous allons évoquer plus tard).

182.

BIRMAN, Claude. Caïn et Abel. Paris : Grasset, 1980. P.P. 58-59.

183.

Quoi de plus commun entre l’expression « texte» et « tissu » ? Celui qui dit littérature pense au texte, et celui qui dit texte entend « textus », mot d’origine latine qui signifie « trame », « tissu ».

184.

BUTOR, Michel. Improvisations sur Michel Butor. Op. cit., p. 81.

185.

Victor Hugo dans le même poème La Conscience, lui attribue plutôt les cuivres et les percussions : « Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs, / Soufflant dans les clairons et frappant des tambours ».

186.

CHARBONNIER, George. Entretiens avec Michel Butor. Op. cit., p.106.

187.

BUTOR, Michel. Improvisations sur Michel Butor. Op. cit., p.p. 81-84.

188.

Ibid., p. 83.

189.

SKIMANO et TEULON-NOUAILLES, Bernard. Michel Butor, Qui êtes-vous ?. Lyon : La Manufacture, 1988. P. 38

190.

ELIADE, Mircea. Forgerons et alchimiste. Paris : Flammarion, 1977. (Coll. Champs). P.64.

191.

JOSEPH DE, Hamadan, Fragment d’un commentaire sur la Genèse, MOPSIK, Charles (trad.), France : Verdier, 1998. (Coll. Les Dix Paroles). P. 98.

192.

SKIMANO et TEULON-NOUAILLES, Bernard, Michel Butor, Qui êtes-vous ?. Op. cit., p. 38.

193.

GRAVES, Robert et PATAI, Raphael. Les Mythes Hébreux. Op. cit., p. 100