B. Museum of Fine Arts

Restons encore sur le paradoxe qui fait que cette Babel moderne, dont le développement a tendance à abolir l’Histoire, recèle de nombreux lieux de mémoire. La série des tapisseries du Musée de Bleston fait partie de ces réserves secrètes. Elle consiste en dix huit panneaux tissés qui racontent : « L’enfance de Thésée, le meurtre de Sinnis, le meurtre de Sciron, le meurtre de Cercyon, le meurtre de Procruste, Thésée reconnu par son père, le meurtre des Pallantides, l’enlèvement d’Hélène, l’enlèvement d’Antiope, le départ pour la Crète, le meurtre du Minotaure, l’abandon d’Ariane, la mort d’Égée, Thésée roi d’Athènes, la descente aux enfers, Phèdre et Hippolyte, la rencontre d’Œdipe, l’exil de Thésée» (P. 203). Ils furent commandés à la manufacture de Beauvais par le duc de Harrey, au début du dix-huitième siècle. Le nom du peintre qui a dessiné leurs cartons est inconnu, et ces panneaux font à leur tour l’objet de séances de déchiffrement. La première visite de Jacques Revel au musée a lieu le mercredi 4 juin, et il ne prête alors aucune attention aux tapisseries. Cela change ensuite ; mais comme sa lecture n’a pas été conduite dans l’ordre chronologique (on pense à la composition complexe de L’Emploi du temps), il a besoin de temps pour comprendre ce qui lui a d’abord échappé :

‘…il me faut ressaisir, restituer au moins en gros cet examen zigzagant, par lequel je prenais lentement conscience de l’unité de toutes ces scènes en commençant à les interpréter… (P. 204).’