2. Qu’est ce que le mouvement de retour à la musique ancienne ?

Identifier le mouvement de retour à la musique ancienne, paraît une mission à la fois complexe et réalisable, du fait même que sa dénomination nous met en contact avec de nombreuses notions.

Nous souhaitons nous arrêter aux trois termes qui nous permettent, au premier abord, d’avoir une idée partielle du sujet : mouvement, retour, musique ancienne, et nous allons commencer par le terme « retour », en tant que terme central.

Retour est un terme qui désigne un déplacement. Retourner signifie : revisiter, retracer. Ce terme implique à notre sens, le passé. Normalement, nous retournons à un lieu, à une mémoire, à un souvenir, à une chose discernable, mais lointaine. Le retour est une action qui nous permet de combler une distance, Il tend à retrouver et à tisser des liens avec ce qui s’est éloigné depuis un certain temps. Ceci, rejoint à notre sens, la notion de retour chez les fidèles du mouvement. Il semble que l’idée du retour désigne un essai pour trouver une place ailleurs, dans le passé qui est le passé de l’œuvre musicale.

Le retour peut être aussi un acte curieux, poussé par l’envie de découvrir et de redécouvrir. Cela peut aller plus loin parfois : dans le cas du retour aux origines, le retour peut avoir une signification proche du ressourcement, de la recherche des sources. Le retour chez nos fidèles touche à ces différents aspects : le passé, le lointain, les origines et les sources…

En rapprochant le terme « retour » du terme « musique ancienne », nous comprenons trouver qu’il existe évidemment un fond de signification commun aux deux.

Qu’est ce qu’une Musique ancienne ?

Voici encore un terme qui nous projette dans le passé. Mais l’ancien est très relatif. L’ancien, cela peut dater d’un an ou bien d’une dizaine de siècles ! Ce qui est sûr c’est que l’ancien appartient à une histoire déjà écoulée. L’ancien est quelque chose qui existe dans l’appartenance au temps passé.

Dans le domaine musical, le mot ancien, possède actuellement plusieurs significations. Il existe déjà une différence entre musique moderne et musique contemporaine ; une musique « moderne » est en principe plus ancienne que celle que l’on nomme « contemporaine ». Les musiques de Stravinski, de Ravel, de Webern, sont considérées aujourd’hui comme des musiques plus ou moins anciennes, dans le sens chronologique du terme, par rapport à ce qui se passe sur la scène musicale actuellement. Mais il semble que le terme « musique ancienne », pour les adeptes du retour, désigne une musique qui remonte au plus lointain, vouée à l’oubli pour un temps certain, privée de la compréhension et de la connaissance nécessaires, dont nous ignorons les particularités et les traditions, et dont la sonorité nous a échappé.

Cette musique ancienne fut pratiquée, écrite, jouée dans des conditions qui nous sont relativement méconnaissables ; c’est une musique dont la pratique a été éclipsée avec l’anéantissement de certains instruments et en raison des nombreuses modifications que le langage et la pensée musicale ont subies au fil du temps. L’idée du retour à la musique ancienne désigne donc un retour à une musique méconnue, parce que nous n’avons pas accès aux références concrètes de ses traditions d’interprétation. Donc c’est un retour à tout un répertoire, qu’un grand fossé historique sépare de notre présent, un retour aux instruments de ce répertoire, un retour au son du passé, enfin un retour à chaque détail capable de restituer cette musique dans son contexte ancien.

Prenons à présent le terme « Mouvement » : le mouvement, est une action, un changement, une animation. Un mouvement cherche à ébranler ce qui est statique, mais aussi à se déplacer, à quitter un lieu pour aller vers un autre.

Le mouvement, puisque habité par le souci du déplacement, donc par la pensée qui active et déclenche ce déplacement, le mouvement signifie cette pensée, il est son reflet, son interprétation. Un mouvement signifie le dynamisme, et le dynamisme est pourvu de la capacité de changer les données.

Ainsi, le mouvement de retour à la musique ancienne est un courant de pensée qui vise à retracer, à revisiter, à redécouvrir une musique, mais qui cherche aussi à changer des données. La recherche fondée sur l’idée du retour à l’histoire, au passé, va prendre sa propre direction, qui déplace les données inhérentes à l’interprétation de l’œuvre musicale dans le passé. Le retour vise à explorer les trésors de ce passé, à s’en imprégner, à suivre chaque détail, en essayant de trouver «  le son perdu », le « son d’origine », tentative pour recréer l’histoire d’une musique en faisant un aller et retour : l’allée vers le passé, pour découvrir, chercher, comprendre et le retour, par la restitution de l’œuvre musicale dans le présent. Les partisans de ce mouvement ne cessent d’osciller entre les deux mondes, le monde moderne et le monde ancien, et leur place au sein du monde moderne est étroitement liée à leur recherche dans le monde du passé. La restitution ou la reconstruction des œuvres anciennes sur des bases historiques nécessite une certaine « légitimation », qui implique l’adoption systématique de valeurs d’ordre moral : authenticité, objectivité, fidélité. L’œuvre musicale, l’œuvre ancienne est donc soumise à des considérations historiques, morales et enfin… musicales !

Sur ces bases, les adeptes du mouvement ont crée leur idéologie, profondément attachée à la notion de l’authenticité, à l’idée du retour.