4.2.1 Caractères généraux.

  • Les romantiques se veulent universels, mais nous pouvons aussi dire que l’évolution de la musique romantique s’accomplit au sein de courants nationalistes. Les compositeurs romantiques étaient les premiers à vouloir développer un langage propre à leur nation. On peut à cet égard penser aussi bien à Weber ou Wagner, deux figures allemandes, qu’à Berlioz, profondément français, à l’italien Rossini ou au russe Tchaïkovski.
  • Dans le même courant et au sein de la même pensée nous retrouvons une très grande divergence concernant l’usage de la matière, de l’aspect sonore, de la structuration de la forme et du traitement orchestral. La philosophie romantique, nonobstant l’impacte de ses grandes idées, a engendré tout de même une grande diversité de tendances que nous pouvons remarquer en constatant les différences qui distinguent la recherche de Brahms de celle de Wagner, ou de celle du Franz Liszt. « Chez Wagner, l’accent était mis sur le drame musical ; l’opéra était pour lui la mesure de toutes choses. Liszt commença comme virtuose ; par la suite, il s’intéressa davantage à la composition et écrivit de la musique descriptive, dans laquelle la forme musicale était influencée par un contenu poétique […] »1 5 .Tandis que l’orchestration de Brahms : «  Est tempérée et austère, et bien éloignée de l’éclatante splendeur que l’on trouve dans les compositions de Berlioz ou de Wagner. »1 6
  • Malgré le caractère indépendant de la philosophie romantique, les compositeurs romantiques oscillaient entre l’invention de nouvelles formes et l’attachement aux formes anciennes : Brahms avec un travail d’élaboration rappelant Bach ou Beethoven. Schumann avec un emploi plus original. Mendelssohn avec une attitude musicale dépeinte de la rigueur classique et Wagner qui va libérer complètement la forme avec un usage tonal complètement audacieux. « Tout comme Wagner, Liszt possédait un grand talent littéraire ; tous deux le mirent au service de leurs idées, dont les principes étaient : « Loin du passé » et « réforme ». On ne retrouve aucun de ces traits chez Brahms. »1 7
  • L’attitude variable par rapport aux œuvres du passé, est une autre caractéristique de cette contradiction romantique. Prenons des exemples très significatifs : Schumann considérait les préludes et les fugues du Clavier bien tempéré comme son pain quotidien, Mendelssohn vénérait l’œuvre du Cantor et, suite à sa redécouverte de La Passion selon St Matthieu, il la donna en concert, en ajoutant même quelques modifications, signe de son estime. Pour Wagner en revanche, la question du passé ne se posait pas ainsi dans sa quête d’innovation, et Berlioz avait, semble-t-il, beaucoup moins de sympathie à l’égard des œuvres et des compositeurs du passé.

« Le romantisme musical, c’est à dire en fait le XIXe siècle, nous apparaît donc peuplé d’une galerie de types plus variés et aux profils plus tranchés que ceux de tous les siècles précédents, d’où la difficulté accrue de tracer nettement la courbe de son évolution. »1 8. Les influences multiples, les différentes tendances, les paradoxes régissant l’attitude romantique pourraient rendre complexe notre étude du rapport au passé. Mais pour plus de commodité, nous allons étudier ce rapport sous deux angles : d’une part, le rapport entre le compositeur romantique et l’œuvre ancienne, rapport qui apparaît très personnel, et d’autre part, le rapport des individus et des institutions avec la musique ancienne, constitué et modulé sous l’influence des recherches musicologiques ou des mouvements politiques et sociaux, et qui nous semble complètement différent.

Notes
1.

5 GEIRINGER, Karl, Brahms sa vie, son œuvre, Paris, édition critique de Buchet/ Chastel, 1982, p. 288.

1.

6 Ibid., p. 289.

1.

7 Ibid., p. 288.

1.

8 EINSTEIN, Alfred, La musique Romantique, Paris, Gallimard, 1959, p. 27.