6. Conclusion.

Toutes ces questions ont fait couler beaucoup d’encre et déclenché des querelles interminables. Pourtant les réponses semblent assez simples et logiques, si l’on fait preuve d’ouverture d’esprit et de pragmatisme.

Prendre en compte les réalités qui conditionnent notre vie sociale, intellectuelle, économique, facilite les choix nécessaires sans faire perdre de vue l’objectif premier de la recherche. À notre avis, l’idée selon laquelle le piano serait inapte à exécuter le répertoire du XVIIIe siècle, comme celle qui en fait un instrument supérieur à tous les autres instruments à clavier, souffre d’un grave défaut : elle est trop radicale et sans nuance.

Pour avoir une vision objective et réelle, il faut se débarrasser de positionnements figés et dogmatiques, surtout s’agissant d’un art comme la musique et d’une période comme la période baroque. Plutôt que défendre un clan, une idéologie, un instrument ou une pratique, il vaut mieux s’interroger sur le résultat attendu et sur le rapport de ce résultat avec un contexte, afin de pouvoir atteindre l’harmonie indispensable entre la forme et le contenu.

Dans une grande salle de concert, le piano donne de meilleurs résultats, tandis qu’un clavecin se montre beaucoup plus efficace dans une église, par exemple. Pour un auditeur attaché à la modernité, la sonorité du piano semble plus convaincante que celle d’un pianoforte. Pour un mélomane baroque, la donnée est inverse. Pour un pianiste qui n’a que le piano comme outil, il semble naturel de pratiquer le répertoire ancien avec cet outil, quand pour un claveciniste ce qui est naturel, c’est le toucher de son clavecin. Dans le cadre d’un concert historique, notre jugement est naturellement conditionné par la considération des capacités techniques et sonores des instruments d’époque. Mais dans le cas d’un concert « moderne », nous attendons forcément d’autres choses qui sont, de même, liées aux facultés de l’instrument. Notre jugement sera certainement autre, mais toujours aussi relatif. Même si le mécanisme et la sonorité du piano diffèrent de ceux des instruments historiques, nous pouvons en attendre des résultats convaincants, servant et illustrant le répertoire baroque avec science et respect.

Kirkpatrik écrit : « Il est plus souvent possible d’imiter les sonorités d’époque avec un instrument moderne que de faire l’inverse ! », Tandis que Badura-Skoda affirme qu’ « En travaillant à affiner la technique de jeu, on peut donc produire une sonorité proche de celle des instruments anciens. »

En matière d’interprétation, nous soutenons donc l’hypothèse de la relativité en rapport à un contexte précis. Cette hypothèse là nous semble vraiment défendable. C’est à partir d’elle que notre jugement peut être objectif et juste. C’est à partir de cette idée que nous abordons les interprétations pianistiques que nous nous proposons d’étudier, tout en étant attentive à créativité et à l’éloquence des interprètes.