4.1.1 Les Variations Goldberg BWV 988,(1741).

Cette œuvre emblématique fait appel à la méditation, à l’abstraction, à la sobriété, mais invite aussi à la légèreté et à l’extase. Se suffisant à elle-même, elle forme un cycle fermé. Elle procède d’une écriture extrêmement élaborée et d’une inépuisable imagination, émanant d’une Aria à la fois simple et complexe. Elle exige que l’instrument brille, seul, dans sa splendeur et avec toute sa force. On pourrait croire que Bach cherche dedans à y rivaliser les Essercizi de Domenico Scarlatti…

En réalité, cette œuvre représente un véritable défi pour le pianiste. Comment avec un instrument si puissant, si expressif, si parlant, rendre justice à ces moments de contemplation en évitant le plus possible tout artifice et toute vanité ? Quelle indépendance et quelle synchronisation ces variations tellement subtiles et tellement virtuoses n’exigent-elles pas, afin de donner à chaque ligne, à chaque trait la parole quand il le faut et de nettoyer l’espace de tout parasite pouvant nuire à la clarté du discours! Quelle maîtrise le dessin délicat de ces entrelacements et de ces ramifications montant en une troublante progression dramatique ne requiert-elle pas? La virtuosité de l’écriture est stupéfiante. La profondeur intellectuelle, spirituelle parfois, est prodigieuse. L’œuvre, d’une extrême difficulté reflète les préoccupations techniques et architecturales transcendantes de J.S. Bach.

Pourtant les circonstances de la composition semblent très simples, voire anecdotiques. Mais, qui peut deviner les intentions réelles du Cantor composant une œuvre destinée à bercer les nuits d’insomnie du comte Keyserlingk et devenue, finalement, l’un des plus grands chefs-d’œuvre du répertoire pianistique? Selon Johann Niklolaus Forkel, l’œuvre a été commandée par le comte, qui séjournait Leipzig au moment où Bach était Cantor à saint Thomas, et elle était destinée au claveciniste prodige Johann Gottlieb Goldberg, qui travaillala partition avec le compositeur. L’idée du comte, qui dit à Bach un jour qu’il aurait aimé qu’il lui compose des morceaux pour clavecin d’un caractère joyeux et paisible, a orienté le compositeur vers le genre des variations ; on note que l’oncle de Bach, Johann Christoph (1645-1693), avait composé deux séries de variations intitulées  Sarabanda dudecies variata et Aria Eberliniana por dormiente Camillo, variata.  « Air d’Eberlin pour Camille endormi, avec variations». Cette Aria variée et la Sarabande sont en sol majeur, comme les «Goldberg» de Jean-Sébastien. Sous l’influence de Dietrich Buxtehude, Bach semble aussi se souvenir de sa Capriciosa, partite diverse sopra un aria d’inventione. « La capricieuse, diverses partitas sur un air original », écrite également en sol majeur. Ainsi, la composition des Variations Goldberg représentait pour Bach l’occasion de renouer avec une forte tradition liée à cette forme.