Introduction - Le contexte du transit alpin

Les Alpes forment au cœur de l’Europe un espace hétérogène. Elles sont partagées entre cinq pays différents, appartiennent à trois ensembles linguistiques distincts et, à leur intérieur, elles ne présentent aucune cohérence économique spécifique. Jusqu’à une période très récente, les transports dans cette région ont été gérés dans une logique non-coopérative, région par région, passage par passage, au mieux dans le cadre d’une négociation bilatérale entre deux États. Selon ce constat, les Alpes constituent un ensemble d’espaces éclatés, où les politiques publiques en matière de transport sont décidées à l’échelle nationale, voire européenne, et ne montrent pas une cohérence spécifique alpine. Pourtant, l’observation des évolutions des trafics pendant les dernières décennies et une meilleure connaissance scientifique du fonctionnement des transports ont fait émerger des préoccupations nouvelles, révélatrices d’une certaine homogénéité des problématiques et des exigences à l’échelle alpine. L’émergence et l’affirmation d’une question spécifique alpine des transports conduisent à s’interroger sur les signes éventuels d’un processus de construction d’un espace politique couvrant la totalité de la chaîne alpine, qui permettrait de dessiner une politique des transports nouvelle, capable – à travers des mesures conçues et des modalités de construction politique mises en place – d’apporter des réponses aux différentes exigences de l’ensemble des espaces dont se compose la région alpine. Cette question, qui est au cœur de la problématique de notre thèse, sera développée dans le premier chapitre. Ici, en ouverture de ce travail, nous nous attachons à fournir une description du contexte dans lequel se déroulent les processus politiques que nous envisageons d’étudier.

La question des traversées alpines a pendant longtemps été appréhendée comme un problème de fluidité de la circulation. L’image des Alpes comme barrière naturelle aux échanges commerciaux et à la mobilité des personnes a alimenté une vision de la gestion des trafics à travers la chaîne alpine en tant que problème de politique internationale, concernant les relations économiques entre les États européens et leurs marges de développement respectives. Elle a ainsi justifié une échelle de discussion essentiellement européenne et nationale. Au cours des années 1980 et pour une bonne partie de la décennie suivante, les politiques publiques en matière de transport traitant des problématiques alpines ont principalement été conçues à l’échelle internationale en Europe, par des organismes tels que la CEMT, la Communauté européenne et par les gouvernements centraux des pays concernés par le franchissement alpin. Dictés par des logiques européennes et nationales, les choix en matière de transport dans la région alpine ont privilégié à la fois l’objectif de la fluidité des trafics sur large échelle et l’objectif du développement économique régional, à atteindre par une politique de réduction des disparités d’accessibilité à travers la construction de grandes infrastructures de transport.

Toute la deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par une politique équipementière, qui, en délaissant les chemins de fer, s’est entièrement dédiée à la construction d’autoroutes et de tunnels. L’« âge de l’autoroute et des tunnels », selon l’expression consacrée dès 1968 par Chamussy dans sa périodisation de la circulation transalpine, a fortement influencé les évolutions des trafics dans la région. Les tendances des flux transalpins, que nous pouvons observer aujourd’hui, tiennent, pour une partie, aux opportunités nouvelles de franchissement offertes par les investissements publics en infrastructures de transport et, pour une autre, aux grandes évolutions et conjonctures européennes, politiques ou économiques, ainsi qu’aux innovations technologiques affectant les différents modes de transport. Ainsi, le modèle de croissance économique adopté à une échelle globale (augmentation des échanges internationaux, adoption de pratiques productives telles que les flux tendus ou la division géographique des tâches au sein de la chaîne de production), les évolutions politiques liées au processus d’intégration des États au sein de l’Union européenne et les innovations technologiques, qui ont permis de réduire le coût généralisé de transport, sont autant d’éléments qui ont façonné conjointement le développement des pratiques de transport, dans les Alpes comme ailleurs en Europe, avec néanmoins des spécificités en ce qui concerne ces traversées et les territoires qui les entourent.

Géographiquement situées au carrefour des principales directrices d’échange Nord-Sud et Est-Ouest en Europe, les régions alpines se situent également au cœur d’un tissu économique particulièrement dynamique. Du fait de leur positionnement sur le continent et de l’activité économique des territoires périalpins, les Alpes se trouvent devoir faire face à des rythmes de croissance des flux en transit très élevés. Le constat est désormais fait d’une très forte augmentation des trafics à travers les Alpes ces dernières années. En l’espace de deux décennies seulement, le volume de marchandises transportées a plus que doublé, avec des valeurs passant de 71 millions de tonnes en 1986 à 159,9 en 2006 (données Alpinfo). Cette croissance n’est cependant pas homogène, ni dans le temps ni dans l’espace. En particulier, les différents points de franchissement et les différents pays alpins présentent des caractéristiques spécifiques quant aux taux de croissance, à la répartition entre modes de transport, à la composition des flux et, surtout, on constate que cette tendance à l’augmentation s’estompe sur la période plus récente, alors que les différences régionales tendraient plutôt à s’accuser. Néanmoins, le niveau des flux traversant les Alpes pose globalement problème et la dimension de ce problème ne concerne plus uniquement des préoccupations relatives à la fluidité de circulation et à la capacité de l’offre par rapport à une demande toujours croissante.

En effet, la tendance à l’accroissement du déséquilibre entre modes de transport et la concentration de ces flux sur quelques axes prioritaires soulèvent la question de la soutenabilité de ces tendances lourdes, tant de point de vue des territoires et des populations, concentrées dans les mêmes espaces contraints où sont localisés les grands axes de transit, que pour l’environnement alpin. Effectivement, si les tendances globales d’évolution sont à l’augmentation, il faut constater que le transport routier a fortement accru sa suprématie en une trentaine d’années. La répartition entre modes s’est renversée, en passant de 78% pour le fer et 22% pour la route en 1970 à 37% et 63%, respectivement, en 2006. Cette situation traduit des taux de croissance du volume des marchandises transportées à travers les Alpes de l’ordre de 2,5% par an en moyenne pour le fer et de +4.8% pour la route. Or, les camions, qui massivement traversent les vallées alpines aujourd’hui, s’avèrent particulièrement nuisibles en montagne. Les pentes obligent les moteurs à une consommation accrue et à des émissions plus importantes qu’en plaine. Ensuite, la morphologie alpine réduit les possibilités de dispersion des gaz qui, du fait de la barrière constituée par le relief, se concentrent dans les vallées où vit la majorité des habitants. A cela s’ajoutent des phénomènes climatiques, tels que l’inversion thermique, qui confinent les polluants dans un volume restreint au fond des vallées. Enfin, le bruit dû aux transports est ressenti de façon plus aiguë en raison des phénomènes d’échos qui se produisent sur les versants des montagnes. Mais la population n’est pas la seule à souffrir des nuisances liées à la pollution, puisque l’écosystème alpin, très riche, est également très sensible, notamment en raison de la courte durée du cycle végétatif de la plupart des espèces, résultant d’un climat rigoureux. Le milieu naturel supporte donc d’autant plus mal les agressions qu’il est amené à subir. A la vulnérabilité des populations locales et à la fragilité du milieu naturel, il faut ajouter une relative dépendance de certaines activités économiques importantes. Le tourisme alpin en particulier est largement assis sur la valorisation du patrimoine naturel du massif d’une part, et sur son enneigement hivernal d’autre part. De ce fait, cette activité se trouve spécifiquement confrontée aux enjeux paysagers, de pollution atmosphérique ou sonore. Elle est aussi spécifiquement vulnérable au réchauffement climatique qui réduirait l’enneigement des stations de sport d’hivers. Enfin, il faut compléter ce panorama des fragilités alpines en soulignant la valeur patrimoniale symbolique des montagnes alpines, parmi les derniers espaces « sauvages » au cœur d’un continent européen très densément habité. Plus que d’une irrationalité, telle que l’évoquent souvent aménageurs et décideurs à son propos, cette valeur symbolique ressortit d’une autre échelle de hiérarchie. À travers la sensibilité aux marées noires, qui joue aussi sur ce registre symbolique, la mer nous apprend à son corps défendant à intégrer cette dimension dans nos choix collectifs (Klein, 2005)

La fragilité spécifique du territoire alpin est le point d’entrée privilégié des acteurs du milieu associatif alpin. Très engagées sur les questions écologiques et dans la défense du patrimoine environnemental, mais aussi particulièrement structurées et puissantes, grâce à la constitution de réseaux associatifs internationaux à l’échelle alpine et européenne, les associations transalpines prônent la reconnaissance de la spécificité de l’écorégion alpine, « seul espace en Europe occidentale dans lequel il reste une chance de préserver des grandes régions proches de la nature et d’un seul tenant » (CIPRA, 1998), et – par conséquent – une gestion radicalement différente des transports à travers le massif. Le dynamisme du milieu associatif s’accompagne d’une sensibilité particulière plutôt bien partagée au niveau des populations alpines vis-à-vis des problématiques environnementales. Les habitants montrent en effet une inquiétude et une intolérance croissantes face au trafic routier en transit et à ses nuisances qui, non seulement se caractérisent par la rapidité et la permanence de leur évolution, mais dont la maîtrise paraît toujours plus leur échapper. Les choix politiques concernant la gestion des flux de transit étant d’abord de la responsabilité des échelles nationales et internationales, les territoires locaux réclament avec insistance de faire entendre leur voix. Dans leurs revendications néanmoins, les représentants politiques de ces territoires doivent chercher à concilier les exigences souvent discordantes ressenties par les différents acteurs présents dans les régions. Ainsi, à la demande des habitants d’une meilleure protection de leur cadre de vie par rapport aux excès du trafic, le milieu économique des principaux centres économiques européens situés dans la région, le secteur touristique et les opérateurs de transport opposent des exigences différentes et, craignant la perte de compétitivité et la marginalisation que pourraient entrainer des couts des transports plus élevés qu’ailleurs, réclament des mesures politiques capables de sauvegarder leurs intérêts.

En effet, au-delà des considérations écologiques, la croissance du trafic dans un espace où les points de passage demeurent limités en nombre et en capacité induit également des problèmes de congestion et de sécurité routière. Les nombreux accidents dans les tunnels routiers alpins (aux tunnels du Mont-Blanc et du Tauern en 1999, au tunnel du Gothard en 2001 et au tunnel du Fréjus en 2005) ont mis en exergue, outre la dangerosité de ces ouvrages et les risques pour la sécurité des personnes, la vulnérabilité des ouvrages de franchissement ainsi que la fragilité du système des traversées alpines dans son ensemble, lorsque l’un de ses itinéraires transeuropéens et transrégionaux se trouve confronté à des interruptions de trafic importantes.

Les gouvernements centraux des pays alpins sont appelés à répondre à l’ensemble de ces exigences divergentes et aux problématiques de différentes natures qui sont impliquées par la définition des politiques de transport envisagées dans la région. Dans ce cadre, ils cherchent donc à tenir compte à la fois des intérêts économiques (échanges internationaux, financement d’infrastructures,…), des préoccupations environnementales (respect du bien-être et de la santé des populations, préservation du milieu naturel) et des contraintes de sécurité (limitation du trafic dans les passages alpins). La difficulté à composer entre ces différents objectifs s’inscrit, en outre, dans un contexte déjà caractérisé par de fortes divergences d’intérêt ou de point de vue à propos du dossier du transit alpin à l’échelle internationale. A ce niveau, en effet, la question des traversées alpines représente des enjeux différents selon les pays, qui, en raison de leurs positions géographiques respectives par rapport à la chaîne des Alpes et à des degrés de dépendance différents de leurs systèmes économiques du transit, cherchent à poursuivre – à travers la régulation des trafics – des objectifs parfois opposés. Ainsi, l’histoire des politiques de transport alpines montre que les mesures mises en place pour répondre à ces objectifs ont poursuivi des logiques qui ont varié dans le temps, en ce qui concerne l’ordre des priorités affichées, les problématiques visées, le type de moyens mobilisés, en fonction de l’histoire, de la situation particulière, du fonctionnement institutionnel de chacun des États. Dans la plupart des cas, les politiques de régulation des trafics mises en place tout d’abord par chaque pays pour son propre compte ont exacerbé les sources de conflits entre les pays. Même lorsque les réponses politiques ont pris la forme d’un projet d’infrastructure, elles n’ont pas manqué de poser problème. Tout d’abord, à des degrés très différents pour chaque projet, les percées alpines ont été contestées à l’intérieur des pays. Elles l’ont été par les populations locales opposées à la réalisation de nouvelles infrastructures sur des espaces réduits et déjà suréquipés en infrastructures, opposées aussi à des politiques publiques uniquement orientées par des logiques économiques d’accompagnement de la croissance largement extérieures à leur territoire. Les projets de traversées alpines ont également été contestés par les administrations étatiques, en raison du coût particulièrement élevé de leur réalisation et d’une rentabilité économique souvent faible. Ensuite, les quatre grands projets ferroviaires alpins, aujourd’hui en phase de réalisation ou de lancement des travaux, ont été souvent gérés – durant les longues périodes sur lesquelles se sont étalées leur élaboration et leur discussion – dans une optique de concurrence entre passages et entre projets. Les trafics virtuellement soustraits, dans les études de prévision, à l’itinéraire d’un autre projet ont constitué un élément central de la représentation de leur utilité et viabilité économique, alors même que les discours politiques les accompagnant faisaient preuve d’arguments différents, essentiellement tournés vers le caractère écologique de ces projets et leur capacité à résoudre ou, plutôt à réduire, les problèmes posés par la circulation des flux de marchandises à travers la région alpine dans son ensemble. Dans le problème du transit alpin, coexistent donc une concurrence entre les projets pour attirer du trafic et une concurrence entre les vallées pour repousser les trafics routiers. Les différentes exigences et problématiques sous-jacentes à ces deux tensions qui peuvent paraître paradoxales mettent en évidence l’existence d’un problème de gouvernance de la question du transit alpin. Ainsi, la gestion du trafic dans les Alpes implique désormais un nombre considérable d’acteurs et pose donc la question de leur coordination. Dans ce cadre complexe, l’Union européenne elle-même vient à considérer de plus en plus souvent les spécificités alpines dans les dispositifs législatifs et réglementaires qu’elle met en place. Davantage qu’ailleurs, son intervention y est légitimée par plusieurs spécificités. Celle-ci tient d’abord au caractère multinational de la problématique et à la nécessité de concilier entre les positions potentiellement conflictuelles des pays alpins. A cela s’ajoute ensuite la nécessité de défendre les grands principes structurants de sa constitution, la liberté de circulation et la non-discrimination, qui sont parfois remis en question par les mesures de régulation des trafics alpines. L’intervention européenne tient aussi à la lourdeur des investissements nécessaires pour réaliser les projets ferroviaires de nouvelles percées alpines, qui représentent de son point de vue un élément à la portée symbolique importante de la construction d’un réseau infrastructurel d’échelle européenne. Enfin, la logique d’action européenne sur la question du transit alpin est également déterminée par des objectifs qui restent propres à cette institution, comme par exemple la volonté de légitimer une intervention dans le secteur des transports qui a longtemps fait défaut. La présence européenne dans ce cadre ne simplifie pas cependant toujours la recherche de compromis et d’équilibres à l’intérieur de la gouvernance du transit alpin, en érigeant parfois des barrières à l’émergence d’initiatives spécifiques alpines.

Les conflits engendrés par les intérêts divergents autour de la mise en œuvre des mesures politiques de régulation des trafics alpins ont été à l’origine de longues et nombreuses tentatives de négociation, à la recherche d’un point d’entente fédérateur autour du quel construire des politiques sur des bases partagées. Ce parcours de « convergence » semble arriver aujourd’hui à un tournant important. Cette thèse se donne l’objectif d’étudier l’émergence et l’évolution d’une dimension alpine de la politique des transports et ses impacts en termes de mesures politiques envisagées, de la capacité de ces mesures à apporter des réponses partagées à l’échelle territoriale de l’arc alpin dans son ensemble et en termes d’implications géopolitiques des changements en cours. Cette analyse s’organise autour de deux études de cas. La première porte sur une analyse du processus décisionnel du projet ferroviaire Lyon-Turin, l’une des quatre percées alpines qui constituent un volet majeur des politiques de transport à travers les Alpes. La deuxième étude s’intéresse à l’émergence d’un espace de coopération politique en matière de transport à l’échelle alpine à partir de l’analyse des dispositifs techniques et institutionnels construits afin de mesurer et discuter les problématiques inhérentes aux évolutions et à la gestion des flux à travers les Alpes. Ces deux études de cas sont traitées respectivement dans les parties 1 et 2 de la thèse. Les deux parties font l’objet d’une présentation commune dans un premier chapitre introductif.

Le premier chapitre constitue une introduction au travail développé au cours de la thèse. Il est consacré à présenter le choix des terrains enquêtés et à poser la problématique et les questionnements qui guident nos recherches dans les deux études de cas. Dans ce chapitre, nous explicitons les hypothèses sur lesquelles s’appuie le travail, en présentant les cadres théoriques des concepts et des outils que nous empruntons à des disciplines diverses. Le caractère hétérogène des problématiques abordées et des questions que nous nous posons nous amène, en effet, à mobiliser des compétences dans des domaines variés, qu’il est nécessaire d’expliciter en ouverture du travail, pour pouvoir préciser l’approche interdisciplinaire de cette thèse. Situé à la croisée de l’analyse des politiques publiques et de l’économie des transports, ce travail nous demande à la fois des connaissances spécifiques des outils de l’économie des transports et de leur fonctionnement dans les processus décisionnels et d’approfondir des aspects et des notions de la science politique et de la géographie/géopolitique. Leur présentation synthétique dans le premier chapitre est conçue dans l’optique de définir et d’expliquer les questions à la base de la recherche, de mieux éclairer, en conséquence, la problématique de travail et d’expliquer la démarche méthodologique de l’analyse. Une description plus approfondie sera néanmoins développée au cours des deux parties suivantes du travail. Les outils et les aspects théoriques seront à nouveau présentés, en abordant des questions nouvelles ou en spécifiant certains aspects, à fur et à mesure que nous nous en servirons au cours des parties 1 et 2, dans le cadre de l’analyse de nos études de cas. Ce choix repose sur une exigence de synthèse en ouverture tenant à la nature interdisciplinaire de notre approche et à la nécessité d’introduire des domaines disciplinaires et des démarches de travail différents. Le chapitre se conclut par une présentation de la méthodologie de travail. Nous présentons l’organisation de l’analyse, les méthodes d’observation adoptées et précisons notre posture scientifique dans le cadre de l’observation.

La première partie de la thèse est consacrée au développement de l’étude de cas du projet Lyon-Turin. L’organisation de la présentation et le plan de travail sont expliqués en ouverture de cette partie, qui s’attache à étudier le processus décisionnel d’une politique alpine des transports spécifique, dans le but de comprendre comment l’évolution des objectifs associés à ce projet dans le cadre du débat et de l’évaluation qui l’ont accompagné pendant les 20 années de son histoire ont finalement participé de l’affirmation d’une dimension alpine de la politique des transports. L’hypothèse de départ est que le Lyon-Turin est porteur d’enjeux géopolitiques importants et que, par conséquent, bien que né sur la base d’objectifs et de considérations différents, l’analyse de son parcours de « construction » au fil du temps offre des explications intéressantes quant à la montée d’une question alpine des transports et à la diffusion des objectifs « alpins », principalement défendus par la Suisse et l’Autriche, au sein des politiques de transport discutées par la France et l’Italie par rapport à cette région.

Dans la deuxième partie nous présentons la deuxième étude de cas, qui s’intéresse aux dispositifs de la concertation alpine avec l’objectif de reconstruire l’évolution de la représentation de la question des trafics transalpins et son impact sur l’élaboration des politiques de transport dans cette région. En particulier, nous tenterons de mettre en relation le processus d’« alpinisation » observé au niveau des objectifs politiques associés au Lyon-Turin avec l’évolution des modalités d’élaboration et de concertation politiques de l’espace alpin dans le domaine des transports. L’objectif final est de comprendre la mesure dans laquelle on assiste à l’émergence d’un espace politique alpin qui s’organise autour de la gestion des problématiques de transport et de transit alpin. Cette deuxième partie est précédée par une introduction, qui précise les objectifs et l’organisation du travail.

Les deux parties sont suivies par une conclusion générale portant sur les résultats de la thèse. Nous chercherons à présenter une lecture croisée des principales observations et réflexions issues des deux études de cas. En réfléchissant sur les évolutions de la gouvernance de la question du transit alpin et de l’avancée des débats sur le projet Lyon-Turin, nous ouvrirons le débat sur la pérennité des solutions adoptées et sur les défis auxquels devront répondre à l’avenir les actuelles politiques de transport alpines.