1.1. Vers un espace alpin des transports ?

Ce travail part du constat selon lequel depuis quelques années les politiques concernant la gestion des transports de fret et des trafics transalpins sont devenues un volet important non seulement des politiques de transports nationales des pays autour des Alpes, mais aussi des organismes internationaux tels que l’Union européenne, la CEMT ou des instances de coopération transnationale à l’échelle alpine. L’émergence d’une nouvelle problématique, spécifique à cette région et son affirmation au sein des politiques de transports est en train de modifier le cadre politique des pays concernés par les effets des trafics alpins, tant au niveau du contenu des politiques envisagées, impliquant de nouveaux objectifs et de nouveaux moyens à mettre en place, qu’au niveau organisationnel des relations parmi les acteurs, qu’il s’agisse des gouvernements nationaux des pays, des collectivités locales ou des groupes de porteurs d’intérêt divers. Au départ de ce constat, le travail de recherche présenté dans cette thèse envisage d’analyser les trajectoires du processus politique qui, à travers la confrontation des acteurs divers concernés par les problématiques du transit alpin, a produit les changements qui nous conduisent à la situation que l’on peut observer aujourd’hui.

Ce constat ressort de manière assez nette de l’observation des politiques discutées ces dernières années au sujet de la régulation des trafics de marchandises à travers la chaîne alpine. Des mesures telles que l’introduction d’une bourse du transit alpin ou l’application des surpéages aux points de franchissement impliquent l’affirmation, au cœur de ces politiques, de principes que l’on ne retrouve pas dans les politiques de transport appliquées à d’autres espaces en Europe, en particulier concernant des flux interurbains et des trafics de marchandises. L’introduction et l’acceptation de concepts tels que le contingentement des flux ou l’internalisation des coûts externes, qui sont à la base des mesures réglementaires et tarifaires négociées par les pays alpins et l’Union européenne ce dernières années, constituent au minimum une anticipation et souvent une complète nouveauté, non seulement du point de vue des objectifs poursuivis et des mesures envisagées, mais aussi du point de vue des pratiques politiques que la définition et la mise en place de ces mesures demandent. Ainsi, le constat d’une spécificité politique alpine, en ce qui concerne les questions de transport, apparaît aussi de manière convaincante à partir de l’observation des nombreuses structures coordonnées de réflexions et/ou d’initiatives qui se mettent en place depuis plusieurs années. L’objet de ces structures est de traiter des conséquences des évolutions des trafics, de définir les mesures nécessaires pour y remédier en prenant en compte leurs implications, variables selon les échelles politico-territoriales concernées. La constitution d’organismes aux compétences élargies, comme la Convention alpine, de structures de coordination à l’échelle alpine, comme le Groupe de Zurich, ou de structures de coordination binationale, comme les quatre commissions intergouvernementales existantes dans les Alpes franco-italiennes, témoigne de cette volonté forte de traiter à une échelle spécifiquement alpine certaines problématiques de transport. Ces transformations ouvrent des prospectives inédites et soulèvent, en même temps, des questions et des problèmes nouveaux.