2.1.2.2.L’évolution de la growth machine

Malgré le faible degré d’inclusion du processus décisionnel du Lyon-Turin, la « salle des commandes » de ce projet a été assez large et composite. La growth machine s’est en effet configurée comme une coalition hétérogène et mouvante au fil du temps : hétérogène parce que composée d’acteurs qui ont eu des positions divergentes quant à la définition du problème et à l’utilité de la solution proposée, et mouvante parce que les acteurs qui en ont fait partie se sont affirmés à des moments différents, en faisant varier les regroupements et les positions. Ainsi, la première observation qu’il a été possible de dresser est que les configurations prises par cette growth machine ont été nombreuses. Chacun des acteurs illustrés dans la Figure 1 a joué un rôle prédominant dans la conduite du dossier à un moment spécifiques de l’histoire du projet. Ainsi, à partir de l’observation des rôles recouverts par les acteurs divers il est possible d’identifier les changements de configuration de la growth machine. Cela permet de reconstruire une succession chronologique de l’évolution du projet sur la base des acteurs qui se sont succédés à la direction du processus décisionnel.

Au sein de cette growth machine, le projet a fait l’objet d’un « travail d’appropriation » de la part d’acteurs divers. En France, la Région Rhône-Alpes et la SNCF peuvent revendiquer chacune la paternité du projet. A partir du moment de sa première conception, le projet a avancé à travers un processus de verrouillages successifs s’étant appuyé sur un jeu enchevêtré de relations d’acteurs. Aux institutions politiques régionales se sont ajoutés très tôt les représentants du secteur économique, réunis dans deux comités de promotion – la Transalpine en France et Transpadana en Italie. Ensuite, est intervenue l’Union européenne, qui a inséré le projet au cœur de sa politique de construction d’un réseau de transports intégré à l’échelle continentale. Les deux États ne se sont inscrits au processus que progressivement (Ch. Maisonnier)6, en décidant le regroupement des opérateurs ferroviaires nationaux dans un acteur unique responsable de l’étude technique du projet ainsi que le regroupement dans une structure permanente des deux gouvernements centraux, la Commission intergouvernementale (CIG), responsable des décisions. Force est de constater qu’à chaque changement de configuration de lagrowth machine, on peut faire correspondre une représentation particulière du projet, cette dernière étant souvent le résultat d’une controverse entre les acteurs, ainsi qu’un degré différent de « concrétisation » du projet.

Notes
6.

Entretien filmé avec Christian Maisonnier, DRE Rhône-Alpes. Réalisé par le Laboratoire d’Économie des Transports (2005)