3.1.1.1.L’émergence d’une question des trafics alpins franco-italiens : la vision de la SNCF

S’il est vrai, comme nous le verrons mieux par la suite, que le projet a connu des très nombreuses transformations quant à sa forme, son signifié et sa nature et qu’à ces transformations ont contribué tant d’acteurs que « retrouver le père ou la mère du Lyon-Turin semble une entreprise périlleuse» (L’Odyssée Transalpes, 2001), le rôle de précurseur tenu par la SNCF dans la conception originaire d’une nouvelle infrastructure alpine entre la France et l’Italie reste néanmoins indéniable.

Nous pouvons fixer le début de l’histoire du Lyon-Turin en 1986, date à la quelle remontent les premières réflexions de la SNCF relatives à un projet ferroviaire transfrontalier entre la France et l’Italie dans les Alpes françaises du nord. Comme nous l’avons énoncé plus haut, le problème identifié au début par l’acteur ferroviaire consiste surtout dans un manque d’efficience technique du transport sur la liaison ferroviaire existante. G. Mathieu était l’un des acteurs de cette réflexion préliminaire des chemins de fer français concernant les opportunités d’amélioration de l’itinéraire qui relie les deux vallées d’un côté et de l’autre du massif alpin, la vallée de la Maurienne en France et le Val de Suse en Italie. Il rappelle que, pour la SNCF, les conditions particulières d’exploitation de cette ligne, imposées par les caractéristiques montagneuses du territoire traversé, ne permettaient pas la mise en place d’une offre économiquement soutenable. Les fortes pentes des rampes d’accès au tunnel ferroviaire de Modane demandent en effet, pour être gravies, une très forte consommation énergétique et le recours à plusieurs locomotives pour pouvoir monter un train jusqu’à l’entrée du tunnel. Cela est confirmé aussi par J.D. Blanchet, du Conseil Général des Ponts et des Chaussées, qui souligne que « l’intérêt d’un tunnel de base est évident en ce qui concerne la productivité dans les transports. Il évite d’avoir à monter à 1300 mètres des trains - qui ne peuvent qu’être courts et légers – à l’aide de deux ou trois locomotives situées à l’arrière et à l’avant des trains et au prix de beaucoup d’énergie »8. La redescente des trains implique également une plus grande consommation due au freinage ainsi qu’un risque plus important d’accidents. Il s’agit donc, dans le discours de la SNCF, d’un problème purement économique et de technique ferroviaire, ce qui l’amène à la recherche d’une solution en mesure de produire une amélioration des conditions économiques d’exploitation de cette ligne de montagne.

Notes
8.

Entretien filmé avec Jean-Didier Blanchet. Réalisé par le Laboratoire d’Économie des Transports (2005)