3.4.1.3.La réorganisation des compétences techniques suite à la création d’Alpetunnel

La création d’Alpetunnel en 1996 s’accompagne par la création de la structure partenariale du GIP Transalpes entre la Région et le SNCF, qui marque la phase descendante du rôle de la Région au sein de la growth machine du Lyon-Turin. Le groupement Transalpes a eu un rôle plus marginal par rapport au centre du processus décisionnel, à partir de ce moment constitué par la CIG et Alpetunnel. La création du GIP s’est accompagnée aussi par un changement dans la nature des études réalisées par les deux acteurs, qui ont consisté depuis sa création dans l’accompagnement des deux États français et italien dans la prise la prise de décisions à travers la réalisation d’analyses et recherches sur l’insertion et l’acceptation de la nouvelle ligne sur le territoire français. Depuis la création d’Alpetunnel, toute étude technique concernant la section transfrontalière du projet devient monopole de cet acteur.

En outre, la collaboration entre la SNCF et la Région connaît un affaiblissement ultérieur en 1997, lors de l’application de la directive européenne 91-440, relative à l’introduction de la concurrence dans le secteur des transports ferroviaires en Europe et à la séparation de la gestion de l'infrastructure ferroviaire de celle de l'exploitation des services de transport. Celle-ci se traduit par la création d’un nouvel acteur, Réseau Ferré de France (RFF), qui devient propriétaire de l’infrastructure nationale et responsable de la conduite des études techniques relatives aux projets. La SNCF après 1997 n’est plus l’acteur de la société qui à la fin des années 1980 traversait une phase euphorique et de grands succès liés aux premiers projets TGV. Désormais les infrastructures ne lui appartiennent plus et « la création de RFF casse la dynamique antérieure mise en place au sein de Transalpes entre la SNCF, les Piémontais et les sociétés d’autoroutes » (M. Rivoire)20. Cette séparation a aussi des conséquences concrètes sur les études de trafic. En effet, la SNCF, comme exploitant, connaissait mieux que quiconque le trafic ferroviaire et, comme planificateur du TGV, elle disposait d’outils reconnus de prévision du trafic voyageur. Après 1997, son attitude par rapport au projet devient plus attentiste qu’active et la fourniture de ses données commerciales à des acteurs extérieurs pour un projet dont bénéficieront aussi ses concurrents, plus circonspecte. Pour Alpetunnel, la compétence d’analyse et de prévision de trafic est entièrement à construire. Cette construction s’accompagne aussi du recours à des outils de bureaux d’étude, donc davantage ouverts sur l’extérieur.

Notes
20.

Entretien filmé avec Michel Rivoire, membre fondateur du Comité pour la liaison Transalpine. Réalisé par le Laboratoire d’Économie des Transports (2005).