3.4.2.2.La place de l’accident du tunnel du Mont-Blanc dans l’avancement du projet

Cette phase de remise en cause progressive du projet au fil des années se termine assez brusquement en 1999 avec l’incendie en mars au tunnel du Mont-Blanc. A la suite de cet accident, qui a causé la mort de 39 personnes et entraîné la fermeture du tunnel pendant presque trois années, les déclarations concernant le projet se modifient. Par ailleurs, la réglementation concernant les tunnels se renforce.

À partir de ce moment, l’attention est mise sur les risques des tunnels, et le thème de la sécurité des transports devient central dans les discours politiques concernant la gestion des transports dans la région alpine. L’accident et la fermeture du tunnel permettent, en effet, de relancer les débats sur le développement du fret ferroviaire, dont on met en lumière dans les discours politiques la capacité à répondre à la fois aux problèmes de sécurité et aux risques environnementaux.

En 1999, le ministre Gayssot annonce son intention de doubler en dix ans le tonnage du fret ferroviaire au niveau national. Dans son discours, le fret ferroviaire doit devenir une priorité pour la SNCF. Il tire parti des accidents affectant les tunnels routiers pour argumenter sa position, comme l’illustre cet extrait d’interview : « Vous le savez, je plaide pour une grande politique ferroviaire en Europe ; au demeurant, les récentes catastrophes dans les tunnels routiers au Mont-Blanc et en Autriche confirment l'absolue nécessité de développer le transport ferroviaire des marchandises »23. Avec ce discours, le ministre français annonce le début d’une politique très volontariste orientée vers le report modal du fret de la route vers le fer qui aboutira à l’inscription de l’objectif de doublement du trafic fret dans les Schémas de Services Collectifs de Transports adoptés par le gouvernement français le 9 juillet 2001.

Concernant le Lyon-Turin, le discours du gouvernement s’inscrit très rapidement dans ces orientations générales. Une déclaration du Ministre des Transports du 26 Mai 1999 précise ainsi les objectifs du gouvernement :

Pour réaliser ces objectifs dans la perspective d’une « croissance de 80% du tonnage de fret franchissant les Alpes », le Ministre évoque l’augmentation à court terme de la capacité de la ligne existante, l’accélération de la réalisation du Lyon-Turin, le développement du transport combiné et du ferroutage et « une augmentation, modulée, progressive et échelonnée dans le temps, des tarifs des péages routiers, pour le franchissement des Alpes ». Dès cette date, tous les éléments qui vont désormais constituer le cadre du projet Lyon-Turin sont en place.

L’incendie du Mont-Blanc a donc participé à une redéfinition importante du projet, de ses fonctions et de sa représentation. Il consacre la place déterminante désormais occupée par l’acheminement du fret. Il entérine aussi la poursuite d’objectifs environnementaux. Il élargit la perspective géographique du projet en l’inscrivant dans l’arc alpin. Il élargit également sa perspective temporelle en lui associant des actions à mener à court terme, avant sa réalisation. Enfin, il élargit son contenu en liant la réalisation d’une infrastructure nouvelle à la mise en œuvre d’une politique de transport cohérente alliant mesures tarifaires, dispositions réglementaires et développement de l’offre de services.

La meilleure acceptation du projet dans les années suivant l’accident repose, en effet, sur cette nouvelle représentation. Dans cette représentation, la place de la grande vitesse se réduit face à la montée de la composante fret et de la grande capacité. Les considérations qui ont fait suite à l’accident, concernant la place et l’organisation du transport de fret dans des espaces particulièrement dangereux et sensibles comme le milieu alpin, ont renforcé et accéléré ce processus de transformation de la représentation publique du projet, de plus en plus tournée vers le transport de marchandises.

Notes
23.

Les Echos n°17921 du 16 Juin 1999, page 22.

24.

http://www.vie-publique.fr/cdp/993001582.html. Document consulté le 14 mai 2008.