3.5.La dimension alpine du Lyon-Turin

Plusieurs éléments permettent de situer entre la fin des années 1990 et le début des années 2000 le moment de la transition du projet à une nouvelle dimension. On observe, tout d’abord, qu’à cette époque les promoteurs du projet, Alpetunnel et la CIG, introduisent dans le débat qui a lieu au sein de la growth machine une nouvelle argumentation du projet. En mettant en avant les enjeux environnementaux et de sécurité liés au projet, ils visent apporter une réponse aux controverses internes à la growth machine sur la nécessité de l’ouvrage. Ce changement d’argumentation s’accompagne par un retour à une conception prioritairement fret du projet. Au début des années 2000, avec la fin des disputes autour du tracé fret en France et la conclusion du débat en Italie entre la Provincia, RFI et le gouvernement quant au tracé de la section italienne, une nouvelle configuration du Lyon-Turin en tant que projet fret et voyageurs est arrêtée.

La carte de la figure suivante et les quelques lignes descriptives qui suivent rappellent les éléments dont se compose le projet Lyon-Turin des deux côtés des Alpes au début des années 2000. On remarquera, à ce propos, les différences des deux tracés nationaux (notamment la présence de deux lignes distinctes fret/voyageurs du côté français et d’une ligne mixte sur le territoire italien) et les choix de desserte des deux agglomérations lyonnaise et turinoise faites dans les deux pays.

Fig. 17 – Le projet Lyon-Turin au début des années 2000
Fig. 17 – Le projet Lyon-Turin au début des années 2000

Source : LTF 2003

Du côté français, le nouveau projet du début des années 2000 prévoit l’adjonction d’une nouvelle ligne aux ouvrages déjà envisagés : le tunnel de base transfrontalier, le tunnel de Belledonne et la ligne à grande vitesse voyageurs « Lyon-sillon alpin », qui donne accès au réseau TGV français. Nous avons vu dans les paragraphes précédents que le tracé retenu en France en 2003 pour la nouvelle ligne gabarit fret (LGF) est celui appelé « Bas Dauphiné ». Cet itinéraire suit un axe Saint-Exupéry - Bourgoin-Jallieu – La-Tour-du-Pin – Saint-André-le-Gaz, en direction du futur tunnel sous le massif de la Chartreuse. Il court en parallèle au tracé de la nouvelle ligne à grande vitesse voyageurs entre le secteur de Saint-Exupéry et le Nord-est de Bourgoin-Jallieu, avant de rejoindre la ligne existante Lyon-Saint-André-Le-Gaz en grande partie en souterrain. Le tracé fret emprunte ensuite le tracé de la ligne existante jusqu'à Saint-Béron avant de pénétrer dans le futur tunnel sous Chartreuse. La séparation entre les lignes voyageurs et fret dans la zone préalpine, de Lyon à Chambéry, dépend du fait que « la coexistence sur une même ligne de trains qui voyagent à des vitesses très différentes est difficile. Ainsi, pour accroître la capacité de l’infrastructure et la qualité des services, il est donc souhaitable de réaliser des lignes différentes pour les voyageurs et pour le fret. Cependant, du fait de la longueur des tunnels nécessaires, la réalisation de deux lignes totalement spécialisées conduirait à des investissements inacceptables. C’est pourquoi, la ligne française sera mixte dans la traversée centrale des Alpes, entre Chambéry et Bruzolo » (Gérard Cartier, 2004)27.

Le choix français n’a pas été retenu du côté italien des Alpes. Le tracé de RFI pour la section italienne du Lyon-Turin comporte une ligne unique mixte fret et voyageurs, qui rejoint l’agglomération turinoise par le nord-ouest en grande partie en souterrain, pour se connecter au niveau de Settimo Torinese à la nouvelle ligne ferroviaire actuellement en cours de réalisation entre Turin et Milan. Le système logistique de Turin est ainsi desservi indirectement par le Lyon-Turin, à travers l’interconnexion de la gronda merci avec le passante ferroviario. Ce tracé ne prévoit pas non plus une desserte de la ville de Turin pour les voyageurs. Les trains passagers à destination de Turin sont obligés de quitter la ligne nouvelle à 40 km de la ville pour emprunter la ligne historique et rejoindre ainsi la gare de Turin.

Notes
27.

Texte de la 557ème Conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 27 octobre 2004. Gérard Cartier, responsable des projets de LTF : « Projet Lyon-Turin : la partie transfrontalière ».