3.5.1.3.Le lien entre l’image alpine et l’argumentaire écologique

La définition du Lyon-Turin en tant que projet ferroviaire alpin s’accompagne par la présentation qui est faite par les promoteurs d’un instrument indispensable de « la mise en place d’une politique des transports durables », dans l’esprit du protocole transports de la Convention alpine du 31 octobre 2000 entre les États de l’arc alpin. Ce changement d’image du Lyon-Turin, de projet franco-italien à projet alpin, ne relève pas uniquement de l’affichage de justifications politiques. Il a bien sûr permis de dégager un accord intergouvernemental en 2001 sur la réalisation de la section internationale dans un climat de forte dissension interne à la growth machine, tant en France qu’en Italie ; néanmoins l’inscription du projet dans le cadre des projets alpins repose aussi sur d’autres considérations. Ce sont notamment les débats qui commencent à avoir lieu au sein du Groupe de Zurich après 2001 (partie 2 de la thèse) sur la mise en place de mesures tarifaires et réglementaires de gestion des flux à travers l’arc alpin qui poussent la France et l’Italie à adopter une vision plus « alpine » de la question des franchissements franco-italiens. Le projet Lyon-Turin commence à se configurer pour les deux pays comme le moyen de se protéger contre les conséquences qui se répercuteraient sur leurs points de passage alpins lors de la (éventuelle) mise en place des mesures envisagées par la Suisse et l’Autriche, aboutissant finalement à une limitation du nombre de passages routiers à travers la barrière alpine. Le changement de perspective de la France et de l’Italie et l’adoption d’un cadre de réflexion alpin est donc pour partie le résultat d’une prise de conscience environnementale, pour partie aussi la prise en compte de manière pragmatique de la pression Suisse et Autrichienne. Il découle enfin d’objectifs partagés en matière de sécurité dans les tunnels et de fiabilité des itinéraires de transit. Ce changement de perspective conduit les deux États, chacun avec leurs objectifs et leurs stratégies, à porter au niveau multilatéral du « Groupe de Zürich » des problématiques de sécurité, de recueil d’informations statistiques et de régulation des trafics jusque là essentiellement traitées dans un cadre national. Du strict point de vue du projet Lyon-Turin, cette immersion dans le cadre plus large de l’arc alpin pousse les deux États sur la voie d’avancées concrètes dans l’instruction du dossier : l’accord intergouvernemental de 2001, le lancement de la dernière phase d’études définitives en 2003 et l’accord financier de 2004. Ce nouveau cadre multilatéral s’inscrit, aussi au plan local, dans un contexte de resserrement du processus décisionnel autour des deux gouvernements centraux qui entendent défendre et assumer leurs prérogatives, peser sur des décisions qui les impliquent financièrement et en termes géostratégiques et, pour l’Italie en tout cas, réduire à l’avenir la place des controverses.