3.5.2.3.Le resserrement du processus décisionnel en Italie : la Legge obiettivo de 2001

Six mois après les élections italiennes de 2001, en décembre, le nouveau gouvernement Berlusconi décide l’abandon du Plan Général de la Logistique et des Transports (PGTL, 2001), élaboré par le gouvernement précédent. Le PGTL, qui prévoyait un programme intégré de mesures politiques et de nouvelles infrastructures dans les transports et la logistique, est remplacé par le Programme des Infrastructures Stratégiques, comprenant à l’origine 117 ouvrages pour un coût estimé à 125,8 milliards d’euros (arrêté CIPE n.121/2001). Le nombre des grandes infrastructures prévues par le Programme du gouvernement Berlusconi a ensuite doublé en quatre ans, ainsi que, évidemment, le poids financier de la politique infrastructurelle italienne prévue au début des années 2000. L’objectif officiellement visé avec ce nouveau programme est le rattrapage du retard du pays par rapport aux autres pays occidentaux dans le domaine des grandes infrastructures, notamment de transport. En effet, dans les années 1990, l’Italie a connu un fort déficit en investissement d’infrastructures de transport : alors que le réseau routier a augmenté de 3,4% entre 1990 et 1998, le réseau ferroviaire n’a pratiquement pas évolué. Le nouveau programme d’infrastructures a été ainsi conçu et argumenté sur la base de la nécessité de supporter la compétitivité italienne et le développement économique du pays. Cependant, sa réalisation pose problème, non seulement en raison du poids financier, mais surtout, selon la Corte dei Conti, à cause du caractère polycentrique des structures de l’administration publique italienne31. Ce caractère, renforcé par la reforme de 1999 du titre V de la Constitution (concernant les compétences des régions, des provinces et des communes), réduirait excessivement, selon le nouveau gouvernement, le pouvoir d’intervention et décision de l’État tant du point de vue réglementaire qu’administratif.

La Legge obiettivo n. 443/2001, dont le nouveau programme des infrastructures fait partie, a ainsi été conçue dans « une optique de revalorisation de l’unité de la république » (Corte dei Conti). L’article 1 de la loi engage la planification du gouvernement à identifier les interventions stratégiques en matière d’infrastructures, dans une optique de rééquilibrage territorial. Ensuite, elle délègue au gouvernement (au CIPE, le comité interministériel pour la programmation économique, correspondant au CIADT français) les décisions en matière d’infrastructures et installations productives stratégiques. L’objectif visé par cette loi est l’accélération de la réalisation des nouvelles infrastructures de transport, grâce à une simplification des procédures et à une mobilisation plus forte du secteur privé pour le financement et la gestion. En effet, en évitant le recours au parlement pour chaque projet, la Legge obiettivo réduit les temps de la décision et permet de lancer plus rapidement les travaux de construction des grands ouvrages.

Le Lyon-Turin fait partie des projets soumis à l’application de la Legge obiettivo. A partir de 2001, la place des différents acteurs au sein de la growth machine se réduit. Le centre de la décision se déplace, comme dans le contexte de la section internationale, autour de la figure étatique, avec des conséquences importantes sur l’argumentation de l’ouvrage, sur la gestion des conflits, sur les choix de tracé et, au final, sur l’avancement du projet. Toutefois, du côté italien le parcours de réduction de la concertation initié par la Legge obiettivo produit un effet opposé à celui espéré. En ne s’accompagnant pas par l’introduction dans le processus décisionnel de nouveaux objectifs, ce choix, au lieu de renforcer le pouvoir du gouvernement sur la prise de décisions, ne fera que cristalliser les positions du conflit entre des opposants, mettant en avant les risques environnementaux liés à la nouvelle politique infrastructurelle et la faiblesse des contreparties locales, et le gouvernement. Il faut, néanmoins, constater que cette tentative de centralisation de la décision, s’inscrit dans une volonté générale, partagée par les deux pays, de faire avancer le projet.

Notes
31.

Corte dei Conti, Sezione centrale di controllo sulla gestione delle Amministrazioni dello Stato. Indagine sullo stato di attuazione della Legge-obiettivo (legge 21 dicembre 2001, n. 443) in materia di infrastrutture ed insediamenti strategici.