4.3.2.3.L’origine politique du découplage

Enfin, la troisième dimension de la problématique du couplage a une origine politique. Les doutes quant aux effets positifs des infrastructures, les prévisions de forte croissance des trafics ainsi que les problèmes budgétaires que les États et l’Europe commencent à rencontrer au cours des années 1990 ont conduit à constater qu’on ne pouvait pas financer le coût de la mobilité pour une durée indéterminée. La lecture des prévisions de trafic conduisait en effet à l’époque à des besoins d’infrastructures difficilement réalisables, d’une part en raison des montants financiers à mobiliser, d’autre part en raison des contraintes imposées aux territoires. Ce discours était particulièrement vrai dans le cas de l’espace alpin, où les espaces sont limités et le milieu fragile. Il réunissait donc les questions de transport et les questions environnementales, qui ont été portées en premier ressort par des études de trafic, comme nous l’avons mentionné plus haut.

La question du couplage s’est ainsi territorialisée sur l’espace alpin et déclinée d’une manière spécifique pour ce qui concerne les passages alpins franco-italiens. Dans ce cas précis, elle a été alimentée par l’évolution contrastée des trafics qui a caractérisé la deuxième partie des années 1990. Dans le cadre de l’évaluation du projet Lyon-Turin, les questions concernant la croissance des flux sont devenues particulièrement prégnantes lorsque les données ont montré la persistance de la stagnation affectant depuis 1994 les trafics routiers et depuis 1997 les flux ferroviaires. La question s’est posée alors d’expliquer ce phénomène de stagnation en présence d’une croissance économique non nulle dans les deux pays et, surtout, très forte dans des pays comme l’Espagne ou ceux de l’Europe de l’est, réputés être des origines ou des destinations d’une partie importante des flux captés par ce corridor. Dans le cadre de la planification de cette infrastructure ainsi que des mesures politiques à mettre en œuvre afin de gérer les trafics transalpins, on s’est alors inquiété de savoir si la forte croissance des flux à l’est ou sur la relation Espagne-Italie était censée durer et combien de temps. On s’est encore demandé si la croissance économique de ces pays aurait pu changer de contenu, en allant vers un modèle différent de développement, moins générateur de transport. Autrement dit, la question était de savoir s’il était possible de retrouver dans l’évolution des trafics sur le corridor Lyon-Turin quelque facteur de découplage, qui aurait pu amener à des prévisions différentes pour l’avenir.