4.4.2.2.Le cadre du débat : la réaction à l’Audit et la réaffirmation de l’objectif du report modal

Le rapport de la DATAR de 2003 alimente, en complément de l’Audit, le débat parlementaire français sur la politique d’infrastructures de transport qui se poursuit la même année avec le rapport des sénateurs Gerbaud et Haenel sur le fret ferroviaire et celui du sénateur De Richemont sur le pavillon français et le cabotage maritime. Élaboré en partie en réponse à l’Audit, il développe une vision générale de l’organisation du système des transports et réaffirme une vision européenne (Livre Blanc de 2001) de la politique d’infrastructures orientée vers le transfert modal de la route vers les autres modes dans une optique de réduction de l’impact environnemental des transports. La justification de la politique de report modal est, en effet, de limiter les nuisances (accidents, dégradation de l’environnement) des transports, notamment de la route qui est aujourd’hui le mode de déplacement largement dominant. Ce rapport réaffirme ainsi la place de l’objectif de transfert modal qui avait été remis en question par le rapport d’Audit. Il place le transport de marchandises non routier au premier rang des priorités de la politique des transports nationale et recommande la constitution de quelques axes ferroviaires dédiés ou à forte priorité fret au débouché des ports ou dans les grands corridors de transit, ainsi que la connexion de ce réseau avec ceux des pays voisins. Le rapport préconise également l'extension du réseau à grande vitesse qui devrait s'attacher à l'irrigation des espaces transfrontaliers de coopération et privilégier, parmi ces lignes à grande vitesse, celles qui permettraient de dégager des sillons en faveur du fret sur des itinéraires intéressants. Il formule aussi une réponse au niveau des problèmes financiers qu’une telle solution est censée soulever, en proposant, entre les deux solutions du financement public et du financement privé, le recours à la troisième voie d’un partenariat public-privé (PPP) : « la principale piste d'amélioration que l'on peut concevoir consiste à laisser plus de marge de manœuvre aux acteurs privés dans la mise au point des projets » (DATAR, 2003). Par ailleurs, la logique d’appel d’offre et de mise en concurrence des opérateurs dans les transports est voulue au niveau européen et a profondément transformé le système de concession de maîtrise d’ouvrage antérieur, en conduisant à l’introduction de partenaires privés.

Le CIADT de décembre 2003 conclut cette phase de débat. En s’inspirant du rapport de la DATAR dont les diverses conclusions ont été largement reprises dans le débat parlementaire de l’automne, il définit les choix d’infrastructures des prochaines années, qui portent sur des enjeux de plusieurs dizaines de milliards d’euros et comprennent principalement des projets ferroviaires. Avec la réaffirmation forte de la centralité de l’objectif du report modal dans la politique des transports français, le projet Lyon-Turin s’installe stablement dans la dimension alpine, qui correspond à l’affirmation de l’argumentaire écologique. L’approbation de la première phase d’études de LTF (APS) et la décision de passer à une étape ultérieure d’étude et de réalisation s’insèrent dans ce moment de reconstruction du consensus à l’intérieur de la growth machine française, qui se développe autour de l’objectif du report modal.