4.4.3.Les changements d’approches de la problématique environnementale dans la dimension alpine du projet

Le résultat de l’augmentation globale des trafics ferroviaires sur l’ensemble des passages alpins traduit la vision qui s’est imposée à l’issue du débat français de 2003. L’affirmation du concept du report modal au cœur des politiques de transport est la conséquence d’un changement d’approche des problématiques environnementales de la durabilité. Elle traduit, en effet, le passage d’une logique de découplage entre la croissance économique et la croissance des transports à une logique de découplage de la croissance des transports et de la croissance des émissions polluantes. L’objectif politique de cette dernière logique n’est plus celui de réduire le contenu en transports de la croissance économique, en agissant sur des secteurs tels que la logistique ou la production. L’objectif devient désormais de réduire l’impact des transports sur l’environnement, sans forcément contraindre la croissance des trafics. Il s’agit en quelque sorte de la synthèse d’une vision alpine très écologiste et d’une vision française, et plus encore italienne, toujours productiviste.

Au niveau des mesures politiques, ce changement d’approche implique de s’écarter de la voie tracée par les études sur les facteurs déterminants de la demande de transport. Le nouvel objectif implique, en effet, une limitation du champ d’intervention des politiques au seul secteur des transports, plutôt que d’agir sur des systèmes complexes, tels ceux indiqués par les études sur le couplage. Les résultats de ces études, au contraire, avaient mis en lumière la nécessité, afin de réduire les besoins en transport du secteur économique, de recourir à des mesures agissant sur des secteurs tels que la localisation et l’organisation productive, où la légitimité de l’intervention politique est plus problématique. Dans cette nouvelle optique, impliquant une action limitée à l’organisation des transports, les études sur la génération des trafics perdent de l’importance.

Cependant, la fixation de ce nouvel objectif de découplage relatif ouvre deux voies différentes : non seulement celle du transfert du trafic des modes plus nuisants aux modes à moindre impact en termes d’environnement et de sécurité, mais aussi celle de l’amélioration de l’efficience technique et énergétique des moyens de transport.

Le rapport de la DATAR, le CIADT de 2003 et les études d’APR de LTF montrent, entre ces deux chemins possibles, l’affirmation du report modal. D’un côté, en effet, les progrès technologiques se sont jusqu’à présent montrés insuffisants pour compenser les effets de la forte croissance des trafics (Crozet, 2002). De l’autre, un investissement politique sur cet objectif comporte des résultats plus incertains et une moindre visibilité, en raison de la longueur de l’échelle temporelle à prendre en compte. Au sein de l’objectif du report modal, la France et l’Italie, tout comme l’Union européenne dans le Livre Blanc de 2001, identifient la politique d’infrastructure comme l’instrument principal de leur intervention. A la base de cette politique, il y a l’idée que l’offre orientera la demande et qu’en conséquence les nouveaux investissements en infrastructure sont suffisants à eux seuls à attirer une partie de la croissance des trafics sur le mode de transport privilégié.