Ouvertures

On pourrait se demander si l’ensemble de ces critiques adressées à l’objectif du report modal a des répercussions sur la représentation du rôle du projet Lyon-Turin au sein de la politique des transports. À ce titre, nous pouvons observer l’engagement croissant au cours de l’histoire du projet autour du service d’autoroute ferroviaire alpine (AFA), en expérimentation depuis fin 2003 sur la ligne historique. Ainsi, par exemple, les premiers résultats des études que le groupe de travail « Report Modal » de la CIG et de LTF rend au printemps 200747 recommandent, comme premier point parmi les mesures que devraient mettre en place les gouvernements, de poursuivre et de développer le service d’autoroute ferroviaire expérimenté actuellement. Le rapport du groupe de travail détaille ensuite les conditions de fonctionnement à prendre en compte afin de garantir le succès de cette mesure. Ces conditions sont immédiatement reprises par les deux États, qui décident de lancer un appel d’offre pour voir démarrer dès la fin des travaux de mise au gabarit B du tunnel historique de Modane (2009) un nouveau service d’AFA avec 20 allers-retours par jour et de porter le trajet à environ 300 km (de la région lyonnaise à l’agglomération de Turin). Le ministère français des transports confie alors au préfet de la Région Rhône-Alpes la mission d’identifier la localisation optimale du terminal français et une vérification similaire est lancée du côté italien. De ce côté des Alpes, la nouvelle localisation viendra en complément et non pas en substitution du terminal d’Orbassano, suite aux pressions en ce sens de la Région Piémont et de la Provincia de Turin, qui conditionnent leur appui au projet à la desserte du centre intermodal situé à proximité de Turin.

Il est possible de remarquer que les autoroutes ferroviaires, qui, au sein de l’arc alpin, ne sont pas spécifiques à l’axe franco-italien, représentent une traduction originale du principe de co-modalité défendu par la Commission européenne. Avec cette solution technique de franchissement, la règle d’une utilisation de chaque mode là où il est le plus performant est appliquée non seulement géographiquement (si l’on considère que l’efficacité relative du rail et de la route s’inverse de la plaine aux traversées alpines), mais aussi fonctionnellement, laissant la logistique au secteur routier, parce que, sur cette composante de l’activité de transport, il est le plus efficace. L’engagement majeur sur l’autoroute ferroviaire permet à la fois de défendre le projet, qui serait indispensable à la mise en place d’un service fiable, efficace et de forte capacité, et de répondre aux critiques, en se focalisant sur un système qui présente une meilleure acceptabilité de la part des transporteurs par rapport à l’ensemble des autres mesures de report modal agissant sur les prix et sur la réglementation.

Cela étant, le partage géographique comme le partage fonctionnel posent problème. Le partage géographique, car il n’y a rien d’évident à l’avantage spécifique du rail pour traverser les massifs montagneux : l’avantage technique, une fois qu’une infrastructure performante est disponible, est au moins en partie compensé par l’énormité du coût et souvent la faible efficacité économique de cette infrastructure. Le partage fonctionnel pose quant à lui la question de la viabilité de l’activité ferroviaire, car il cantonne le chemin de fer sur la simple activité de traction, de déplacement physique des marchandises (obérée, qui plus est, par l’inconvénient d’avoir à déplacer aussi le camion dans le cas d’une autoroute ferroviaire). Or, cette activité est la moins rémunératrice de toutes les composantes de la chaîne de transport. Les conséquences de cette dernière remarque sont cependant atténuées par l’émergence progressive de grands groupes multimodaux de transport et logistique.

Notes
47.

Rapport du groupe de travail « Report Modal » à la CIG du 27 mars 2007. Propositions de mesures de report modal.