2. Les modèles à quatre étapes

Chacune des quatre étapes se compose, en effet, de modèles différents et variables selon les contextes et les époques, mais qui enchaîne et traite séparément : la génération, le calcul du nombre total de déplacements réalisés dans un espace donné (une agglomération urbaine, par exemple) ; la distribution, la répartition spatiale de ces déplacements entre sous- zones pour aboutir à une matrice OD ; la répartition modale, le calcul pour chaque couple OD du volume de déplacements assurés par les modes de transport pris en compte ; l’affectation sur le réseau, la détermination de l’itinéraire suivis par les déplacements. La prévision des trafics consiste, à partir des données collectées et des informations résultant d’observation du passé et du le présent, à modéliser les trafics s’écoulant sur un réseau de transport dans une aire géographique déterminée et à projeter leurs évolutions aux horizons futurs.

  1. Le travail de la modélisation prévoit, non seulement dans les modèles à 4 étapes, mais dans toute démarche de modélisation, trois opérations distinctes :
  • la formalisation, consistant dans la formalisation des équations mathématiques du modèle ;
  • le calage, consistant dans l’estimation des paramètres du modèle, qui sont ajustées de manière à ce que le modèle soit en mesure de reproduire la réalité ;
  • la validation, consistant à vérifier que le modèle est apte à reproduire le système observé.
  1. La prévision : limites et critiques Les trois opérations ci-dessus sont suivies par la phase de prévision. Une fois que le modèle est calé, la prévision consiste à modifier les données d’entrée pour alimenter le modèle. Il s’agit de faire donc des prévisions concernant l’évolution des variables explicatives (généralement, le PIB ou l’IPI dans le cas du transport de fret) qui déterminent l’évolution des trafics. Cette phase peut être souvent une source d’erreur, comme de nombreuses études a posteriori l’ont démontré (CEMT, 1982 ; Quinet, 1998 ; Flyvbjerg et al., 2003, 2006). Cela explique une partie de la faiblesse des modèles, qui tient à la difficulté de prévoir les valeurs futures des variables exogènes qui expliquent les évolutions des trafics. La prévision des trafics repose ainsi sur un autre exercice de prévision concernant des variables économiques, sociales et politiques, caractérisées à leur tour par l’incertitude. En revanche, si une partie des erreurs liées à l’exercice de prévision des trafics résulte de l’incertitude des hypothèses que l’on peut faire sur l’évolution des facteurs exogènes, une autre critique fréquemment adressée aux modèles de prévision concerne la présomption de stabilité dans le temps qui est implicite dans le recours aux coefficients liant la demande de transport aux variables explicatives. Les coefficients de génération (élasticité) et de choix modal sont généralement supposés constants dans le temps parce que les analystes ont des difficultés à prévoir l’ampleur de leur variation. Cela conduit à présumer implicitement une stabilité dans les prévisions qui pourrait être source d’erreurs (Nunez, 2007).
  2. c) Les fondements théoriques des modèles de prévision de la demande de transport

Les fondements théoriques des modèles à quatre étapes s’appuient sur la théorie micro-économique du choix du consommateur. La théorie micro-économique néoclassique s’appuie sur l’analyse du comportement du consommateur d’une part et sur l’analyse du comportement de l’entreprise d’autre part.

La formalisation de la fonction d’offre de transport repose sur le concept de coût généralisé. Elle permet de déterminer le niveau de service de l’offre de transport (O), qui dépend des caractéristiques du système des transports (T) et du volume de la demande (V) : O = x (T, V)

Le coût généralisé prend normalement en compte deux éléments, le prix et le temps de parcours associé aux déplacements, même si d’autres dimensions relatives au système des transports peuvent être considérées.

La formalisation de la fonction de demande de transport repose sur la fonction d’utilité du consommateur, qui varie selon les caractéristiques des individus et des biens considérés. L’utilité du consommateur est une variable généralement difficile à connaître parce qu’elle dépend de variables qui ne sont pas forcement connues ; il est ainsi nécessaire de faire des hypothèses concernant sa forme et de réaliser des enquêtes permettant de caler les coefficients inconnus des fonctions d’utilité des biens. Pour le transport ces variables correspondent à certains attributs des déplacements, comme ceux qui servent à la formalisation du coût généralisé, et à certains traits socio-économiques des agents qui effectuent les déplacements.

Dans la théorie néoclassique du choix du consommateur, c’est l’équilibre entre l’offre et la demande qui permet de définir le niveau optimal de production pour le producteur et le niveau optimal de consommation qui maximise l’utilité des consommateurs. Dans les modèles à quatre étapes, l’offre est figée à chacun des horizons d’étude. Elle est considérée comme exogène tant dans la situation de référence que dans la situation de projet. Même si cela fait l’objet de critiques de la part de certains auteurs (Goodwin, 1998), généralement la situation de référence est considérée comme une situation d’équilibre, ce qui permet de caler le modèle. La modification des paramètres en entrée du modèle est alors censée amener à une nouvelle situation d’équilibre.

Les modèles utilisés peuvent être de deux types : agrégés ou désagrégés. L’approche agrégée considère un agent moyen, représentatif de l’ensemble des agents présents sur la zone modélisée. L’approche désagrégée prend en compte les agents sur la base de leurs caractéristiques spécifiques. Si la première méthode paraît moins pertinente en termes de perte d’information qu’elle est susceptible de déterminer, la dernière pose néanmoins un certain nombre de problèmes d’application (présentés en détail par Bonnel, 2004), qui ont de fait réduit son utilisation. Cette dernière demeure, ainsi, pour l’essentiel confinée à l’étape du choix modal, même si des modèles désagrégés ont été développés pour toutes les étapes.