Le choix modal

La troisième étape est celle du choix modal, qui consiste à répartir la demande de transport évaluée lors de deux étapes précédentes entre chacun des modes de transport pris en compte.

Les modèles de répartition modale ont connu un développement tardif par rapport aux autres, notamment en France. Ici, en effet, jusqu’au milieu des années 1980 l’approche dominante était celle des modèles monomodaux, qui consistaient à utiliser des techniques de modélisation séparées pour chaque mode de transport envisagé. Par exemple, nous avons vu que dans l’histoire des études réalisées pour le projet Lyon-Turin, il a fallu attendre le milieu des années 1990 pour que, avec la nouvelle phase d’études lancée par Alpetunnel en collaboration avec le bureau d’études SETEC, un modèle de choix modal fasse son apparition dans les prévisions pour le projet.

L’attention portée à la répartition modale est pour une part le résultat d’une prise en considération de la concurrence entre les modes de transport. Cette prise de conscience précoce pour le TGV vis-à-vis de l’avion explique le développement et l’usage, dès la fin des années 1960 d’un modèle « prix-temps » calculant, pour chaque situation d’offre, la part de marché de ces deux modes. En comparaison, dans les outils utilisés par la SNCF jusqu’à la fin des années 1980, le trafic reporté de la voiture vers le TGV était représenté comme un trafic « induit », généré par les seules performances du TGV, sans prise en compte d’une réelle compétition.

La diffusion de ces modèles répond par ailleurs aux nouveaux défis qui se présentent dans le domaine de la planification des transports. Le ralentissement de la croissance et la crise énergétique au milieu des années 1970, notamment, marquent un tournant dans la conception d’une politique des transports précédemment envisagée prioritairement dans le but d’accompagner et soutenir la croissance des trafics par le mode routier. La nouvelle phase qui s’ouvre à la fin des années 1970 se caractérise par une triple crise. Aux problèmes de déficit public, qui rendent difficile la reponse aux besoins d’infrastructures auxquels conduit la lecture des prévisions de trafic, s’ajoutent ceux de la congestion et de la pollution (Raux, Tabourin, 1991, in : Bonnel, 2004). Ces deux derniers problèmes conduisent à des réflexions sur la réduction de la place du mode routier dans l’ensemble de l’organisation des transports afin de limiter à la fois les pertes d’efficacité engendrées par l’accroissement du temps perdu dans la congestion et les nuisances environnementales. En France, cette évolution des problématiques est marquée en milieu urbain par les nouveaux Plans de Déplacements Urbains, qui deviennent obligatoires en 1996 pour les agglomérations de plus de 100000 habitants et engendrent une forte demande d’expertise pendant la période 1995-2000 en ce qui concerne la modélisation des trafics urbains.

L’affirmation des préoccupations environnementales joue alors un rôle déterminant dans le développement des outils de modélisation des choix modaux. Inversement, l’évolution de ces derniers, en permettant de mieux connaître les interconnexions entre le phénomène de la pollution et le secteur des transports, participe de l’enracinement de ces questions en matière de politiques de transport. Les modèles de choix modal traduisent, en effet, une volonté politique grandissante de maitriser les évolutions des moyens de transport routiers au profit des autres modes. Les modèles de choix modal s’enrichissent et se complexifient avec le développement des modèles désagrégés, qui tentent de décrire le comportement de l’individu qui se déplace en traduisant les comportements en probabilité de choisir l’un des différents modes de transport en fonction de ses caractéristiques propres et de son univers de choix. A travers ces modèles, il a été possible de tester des mesures politiques différentes (hausse des prix des carburants, réalisation de nouvelles infrastructures, variation tarifaires…) et d’évaluer les reports modaux induits.