Le PPP en France

L’affirmation en France d’une forme de contrat de PPP inspirée du modèle anglais des contrats de Private Finance Initiative, remonte à 2004. Depuis l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 200456, le contrat de partenariat (CDP) s’est en effet affirmé en France en tant que nouvel outil de participation du secteur privé à la vie des services publics. L’article 1 de l'ordonnance en donne la définition suivante :

‘« Les contrats de partenariat sont des contrats administratifs par lesquels la personne publique confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements ainsi qu’à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion et, le cas échéant, à d’autres prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ».’

Cette nouvelle formule vient enrichir le cadre déjà important des contrats publics régissant l’intervention du privé dans le champ d’action de l’État ou des collectivités locales en France. Selon le groupe de projet Racines, qui a étudié les PPP en France pour le compte du Commissariat Général du Plan, elle s’inscrit à la fois dans la continuité et en rupture avec le droit de la commande publique : continuité, car leur création est le signe de la relance des investissements privés dans les projets publics, et rupture, du fait des importantes dérogations qu’ils introduisent au regard du droit de la commande et de la domanialité publiques (Maubert et al., 2005). Le contrat de partenariat s’ajoute ainsi aux contrats publics existants :

  • les marchés publics globaux sans paiement étalé (MP) ;
  • les contrats de délégations de service public (DSP) : concession, contrat d'affermage, régie intéressée ;
  • les conventions comportant une autorisation d'occupation du domaine public (AOT) ;
  • les baux emphytéotiques administratifs (BEA).

Le contrat de partenariat introduit des nouveautés importantes dans ce cadre et modifie l’organisation de ces relations entre public et privé, dans l’objectif de « faire en sorte que des projets qui correspondent à des besoins réels de la population ne tardent pas à être mis en œuvre, ne soient pas dépendants d’administrations tatillonnes et soient conduits en pleine responsabilité par des acteurs privés » (Etchegoyen, 2005)57.

Les PPP se distinguent :

  • par rapport au modèle des « marchés publics », le PPP se différencie pour ce qui concerne les choix techniques, ce qui a une influence sur le rôle des deux parties dans le contrat. Dans le modèle des marchés publics, l'entreprise privée figure en tant que simple fournisseur d'un produit ou prestataire d'un service ou, encore, une entreprise réalisant des travaux qui sont définis par l'autorité publique. Sa relation avec l’acteur public se fonde sur une logique que certains jugent insuffisamment incitative, en principe de courte durée, qui dissocie les opérations de conception, de construction et de maintenance tout en prohibant le paiement différé. Cette logique de relation génère des coûts d’interface importants pour les collectivités, tout en créant insuffisamment de gains de productivité. Au contraire, dans le cadre d’un contrat de PPP, les choix techniques reviennent au prestataire privé. Ce dernier, en devenant ainsi responsable de ses actions, est encouragé à rechercher une meilleure efficacité.
  • par rapport au modèle de la « délégation des services publics » (concession à la française), le PPP se distingue par le mode de rémunération et par la répartition des responsabilités entre l’entreprise et l’Administration. Dans le modèle de la délégation, la relation entre l’acteur public et l’acteur privé se rapproche davantage des contrats de PPP par rapport au marché public. Néanmoins, selon certains experts, la différence principale consiste dans le fait que, dans le DSP, l'entreprise privée prend en charge et a la responsabilité à ses risques et périls de l'exploitation d'un service public sous le contrôle de l'administration, alors que le PPP prévoit un partage des risques entre l’acteur public et l’acteur privé au cours de la phase de négociation commerciale (groupe Racine, 2005). La rémunération du partenaire privé, dans le cadre du PPP, n’est pas fondée sur les recettes d’exploitation de l’infrastructure, mais elle repose davantage sur des critères tels que la performance ou la disponibilité d'une installation qui ont été au préalable définis avec l’acteur public.
  • Néanmoins, on peut citer quelques exemples pour montrer que cette distinction entre PPP et DSP est en réalité moins nette. En effet, le contrat signé au début des années 1990 pour les transports urbains de Lyon entre SLTC et SYTRAL incluait déjà, sur la base d’un constat partagé concernant la réalisation du service, des garanties de recettes pour l’offre contractuelle et des bonus malus (intéressement) en fonction du résultat de l’années. De plus, la collectivité, représentée par le SYTRAL, imposait d’année en années une incitation à la productivité. De la même manière, le contrat entre la SNCF et la Région Rhône-Alpes de 1996 à 1997 pour les services de transport régionaux s’inspirait de la même logique. Ainsi, les différences entre PPP et DSP sont en réalité à nuancer, même si on peut schématiser en disant que, avec le PPP, l’opérateur privé n’est plus le seul à supporter le risque, en le partageant désormais avec l’acteur public. En outre, une autre différence concerne les possibilités de mettre en place un contrat global, comme c’est le cas dans les PPP, alors que le recours au montage d’une concession nécessite l’existence d’un service public à gestion délégable.

Une autre nouveauté prévue par ce contrat concerne la durée du contrat et le paiement de l’acteur privé. Les modalités de rémunération prévues par les contrats de partenariat peuvent en effet être étalées sur la durée entière du contrat, qui se conclut donc pour une période longue, généralement entre 20 et 30 ans, déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues. Le fait de lisser le paiement sur la durée du contrat permet de répondre à l’objectif de rapprochement entre dépenses d’investissement et de fonctionnement prévu par la loi organique relative aux lois de finance (Lolf). En outre, le CDP prévoit la possibilité de lier la rémunération à des objectifs de performances ou de disponibilité du bien ou du service fourni, ainsi que d’intégrer des recettes annexes. Ce fait n’est pas nouveau, comme le montrent les deux exemples que nous avons mentionnés plus haut concernant les contrats SLTC/SYTRAL et SNCF/Région Rhône-Alpes, mais il renforce, dans le cadre des relations public-privé, la notion de qualité de service. Cela permet à l’État de responsabiliser le partenaire privé, qui est chargé de trouver les financements nécessaires pour un projet, de choisir ses propres partenaires, de garantir les délais et les coûts de réalisation.

Enfin, le champ d'application du contrat de partenariat est plus large que les formes traditionnelles du PPP. Il s'applique notamment à la construction de bâtiments supports de service public et les pouvoirs publics ont désormais commencé à édicter un régime juridique complet tant pour les entités étatiques (ministères, établissements publics nationaux) que pour celles relevant des collectivités locales. Le gouvernement souhaitant donner une nouvelle impulsion aux contrats de partenariat, qui disposent désormais d’un cadre juridique, budgétaire (modification de la LOLF), comptable (doctrine d’Eurostat58) et méthodologique (création d’une mission d’appui, la MAPPP, à la disposition de toutes les collectivités publiques), chaque ministère concerné a été chargé d’identifier au moins trois projets réalisables dans les meilleurs délais sous forme de contrat de partenariat. Ces projets pilotes font l’objet d’un suivi particulier. Dans le domaine des transports, huit projets majeurs ont été identifiés pour être mis sans délai à l’étude lors du comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires (Ciact) du 14 octobre 2005. Il s’agit de quatre projets routiers (Dédoublement du tronc A4/A86, aménagement de la RN 88 en Aveyron, liaison L2 Est à Marseille et liaison Est-Ouest sud d’Avignon), de deux projets ferroviaires (LGV Rhin-Rhône et Contournement Nîmes-Montpellier), d’un projet fluvial et d’un projet de nouveau système de radiocommunications basé sur la norme GSM destiné à remplacer la radio sol train qui relie le conducteur de train et le poste de commandement (GSM-R).

Notes
56.

Ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 (publié au JORF n° 141 du 19 juin 2004 page 10994) sur les contrats de partenariat et ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (Legifrance).

57.

Préface à : Baumstark L., Huge A., Marcadier C., Maubert C. (2005), Partenariats public-privé et actions locales. Paris. Commissariat général du plan.

58.

Eurostat, « Le déficit et la dette – Traitement des partenariats public-privé » du 11 février 2004 [STAT/04/18]