Le cadre général des PPP : caractéristiques, avantages et limites

En règle générale, les PPP se caractérisent par une durée relativement longue de la relation entre l’acteur public et l’acteur privé, ce qui implique une coopération entre les deux partenaires sur différents aspects d'un projet à réaliser. En outre, le mode de financement du projet est plutôt complexe et original : il est assuré par le secteur privé, qui a recours à des montages articulés entre divers acteurs, et peut être complété par des financements publics, parfois très importants. Ce contrat vient en outre modifier le rôle et les relations respectives des deux acteurs : il accroît le rôle de l'opérateur économique, qui participe à différents stades du projet (conception, réalisation, mise en œuvre, financement), alors que le partenaire public est conforté dans son rôle de « stratège ». Ce dernier doit, en effet, se concentrer essentiellement sur la définition des objectifs à atteindre en termes d'intérêt public, de qualité des services offerts, de politique des prix, et assurer le contrôle du respect de ces objectifs. En outre, comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, les contrats de PPP modifient la répartition du risque, n’impliquant pas nécessairement que le partenaire privé assume la totalité ou la part la plus importante des risques liés à l'opération. La répartition précise des risques s'effectue au cas par cas, en fonction des capacités respectives des parties en présence à évaluer, contrôler et gérer ceux-ci.

Les avantages attendus de cette formule sont nombreux et expliquent le volontarisme des gouvernements européens dans la défense et dans la mise en place dans tous les secteurs de cas exemplaires pouvant démontrer la pertinence de ce nouveau modèle de développement des infrastructures, à l'heure de l'impératif du désendettement public et de la concurrence des territoires à l'échelle nationale, européenne et mondiale.

Le premier avantage attendu d’un PPP réside dans l’étude préalable obligatoire qui l’a justifié. En effet, en France, suite à une décision du Conseil constitutionnel59, l'ordonnance 559/2004 précise que le projet concerné doit présenter un caractère d'urgence et/ou de complexité qui justifie le recours à un partenaire privé. En Italie, il est également obligatoire d’évaluer si une proposition d’investissement privé est plus avantageuse par rapport à un financement public. Cette évaluation se fonde, comme au Royaume-Uni pour les projets de PFI, sur le CSP (comparateur du secteur public), qui est un indicateur du coût global des opérations envisagées en maîtrise d’ouvrage publique. Pour que le recours au PPP soit autorisé, il faut que le CSP démontre que le projet sera réalisé à moindre coût et à meilleure qualité en PPP. Il s’agit, en outre, d’intégrer dans l’évaluation les externalités positives que l’on attend du savoir-faire des opérateurs privés, les économies d’échelle et d’interface escomptées, et de les confronter au surcoût généré par le financement privé et les coûts de transaction importants qui caractérisent la passation de contrats globaux tels que les PFI (recours aux conseils privés, indemnisation des entreprises non retenues, notamment). Le choix de la formule du PPP repose donc, dans la plupart des pays, sur une méthode comparative du PPP avec les autres formules d’achat classiques (marché public, délégation de service public ou BEA en France). Cette comparaison doit permettre aux projets PPP de garantir un rapport prix/qualité optimal. En effet, le coût estimé pour toute la durée du projet doit être le moins élevé des coûts des projets financés par le public.

À un niveau plus général, les avantages de la formule d'un contrat de partenariat tiennent à sa flexibilité : le partenaire privé prend en charge la maîtrise d'ouvrage et le contrat est amené à évoluer au cours des années afin de s'adapter à des changements d'environnement. Cela permet une meilleure allocation des risques liés à la construction et gestion d’une infrastructure publique. Concernant les projets ferroviaires, Cl. Gressier a été amené, au cours d’une séance de débat public sur la LGV PACA, a résumer et classer les risques afférents par le tableau suivant :

Conception/
construction
Durée de réalisation, coûts de construction, liens avec les coûts et performances d’exploitation, avec les coûts d’entretien et de régénération
Exploitation Coûts d’exploitation, gestion des circulations, sécurité, interface avec le reste du réseau
Entretien/
Régénération
Coûts de maintenance et de régénération, disponibilité et performances de l’infrastructures
Trafic Circulation des trains ð Redevances
Nombre de voyageurs ð bénéfices économiques, rentabilité financière et capacité contributive des entreprises ferroviaires
Financement Coûts de financement, étalement des contributions publiques

Le PPP demande, en effet, à ce que ces risques soient au préalable identifiés, quantifiés et, ensuite, repartis entre les partenaires60. Cette étape est censée réduire l’éventualité et la portée du risque. En effet, l’un des concepts à la base du PPP est précisément celui de l’allocation du risque : si les risques sont clairement analysés et connus, les participants d’un contrat chercheront à minimiser leur risque d’insuccès. Un risque identifié doit en outre être alloué à la partie qui est la plus à même de l’assumer, en l’échange d’une contrepartie économique. La capacité à assumer un risque découle non seulement du rapport entre la fiabilité financière des partenaires et l’étendue du risque, mais surtout de la capacité de chacun d’eux à maîtriser ledit risque. Ainsi, en général, dans le partage entre public et privé, les gouvernements se chargent des risques politiques, tels que les changements normatifs, les grèves, les évolutions monétaires ou d’autres événements qui ne sont pas directement liés au projet. En revanche, les acteurs publics sont souvent peu enclins à prendre sur eux les risques commerciaux et financiers du projet sur lesquels les divers partenaires privés, en fonction de leurs compétences respectives, peuvent agir. Dès lors, ils leurs sont délégués.

Enfin, la contractualisation précise pour les différents partenaires dans les projets de PPP s’accompagne d’une bonne prévisibilité financière concernant chaque partie. Le secteur public établi les objectifs à atteindre et les standards de la prestation, en laissant au privé le projet et la gestion des services. Une fois les objectifs et les standards établis, le paiement dépendra de l’obtention de la part de la partie contractante des résultats fixés. Le secteur privé peut en outre profiter des compétences du privé et d'une vitesse de réalisation du projet souvent supérieure. Ainsi, en synthétisant les avantages basés sur l’expertise du secteur privé, les contrats de PPP sont censés permettre à la fois : le respect des délais et des coûts, des économies d’échelles et une meilleure gestion à terme de l’équipement avec des coûts de maintenance intégrés.

Néanmoins, s’il est vrai que la coopération entre public et privé peut offrir des avantages micro-économiques permettant de réaliser un projet au meilleur rapport qualité/prix, tout en préservant les objectifs d'intérêt public, le recours aux PPP ne saurait toutefois être présenté comme une solution miracle pour le secteur public faisant face à des contraintes budgétaires. Par exemple, au Royaume-Uni, une étude du National Audit Office a démontré que les projets en mode PFI comparés à ceux réalisés de manière conventionnelle ont généré des bénéfices supérieurs tant en termes de respect du prix convenu que de l’échéancier de livraison des bâtiments, mais que les conséquences d'un tel mode de gestion ne sont au final pas positives d'un point de vue financier pour le contribuable ou l'usager. Par exemple, dans le secteur hospitalier, les loyers-redevances payés par l’acteur public à l’acteur privé se révèlent sur le long terme très lourds. En outre, les nombreuses dérives mises en lumière par la presse pendant les dix années d’expérience en matière de PFI au Royaume-Uni, ont provoqué plusieurs scandales, qui ont conforté les critiques dénonçant les retours sur investissement trop élevés que s’octroie le privé (Le Monde, 26 juin 2008). C’est pour cette raison que, dans la plupart des pays européens, on évalue pour chaque projet si l'option de partenariat présente une plus-value réelle par rapport à d'autres options telle que la passation d'un marché plus classique. En outre, les risques liés au recours au PPP montrés par l’expérience étrangère ne doivent pas faire oublier que le problème principal des PPP concerne le rôle et le poids de la partie publique dans le contrat. Les exemples de la SLTC et des contrats régionaux de la SNCF démontrent que la collectivité peut garder une forte capacité de contrôle. A l’inverse, la délégation de service public dans le secteur de l’eau fournit un contre-exemple intéressant. Dans le cadre d’un montage financier public/privé, il est indispensable pour la puissance publique de disposer d’outils et de compétences performants de négociation et de suivi du projet, le risque d’asymétrie d’information qui résulte de ces contrats étant élevé. Enfin, concernant les points critiques du recours au PPP, il faut considérer, à la lumière des récents événements de l’actuelle crise financière de l’automne 2008, les risques que l’adoption de ce modèle comporte dans un moment où les États connaissent de graves difficultés budgétaires. Les engrangements financiers à long terme pris dans ce cadre n’étant pas considérés comme une dette publique par la Commission européenne, les PPP sont perçus comme un moyen de se doter de nouveau équipements sans creuser en apparence le déficit budgétaire. Comme le reporte un article de Le Monde de juin 2008, « l’artifice comptable n’est cependant pas du gout de la Cour des comptes, qui dénoncé dans son rapport 2007 la myopie budgétaire des PPP » (Le Monde, 26 juin 2008).

Notes
59.

Décision du Conseil constitutionnel n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

60.

Sur & Mauvenu Associés (2007), Service Publics 2000. Solutions juridiques et financières pour le développement des projets de transports locaux : Quelle place pour les PPP ?, GART, Paris (document en ligne : http://www.gart.org/tele/Etude%20PPP%202007.pdf . Consulté le 24 juin 2008).