5.2.2.1.Le rôle du projet dans l’entrée de l’Italie dans l’espace alpin

La défense du projet engage ainsi l’Italie dans la poursuite d’autres mesures qui s’avéreront contraignantes pour sa liberté de circulation. Mais, si, d’un côté, ces mesures se révèlent indispensables pour la justification et l’existence du projet, il est vrai aussi que, de l’autre, le projet sait se rendre indispensable à la mise en place et à l’acceptation de ces mesures. L’existence du Lyon-Turin, comme l’existence du projet du tunnel de base du Brenner, est en effet déterminante pour la participation de l’Italie aux travaux menés par le Groupe de Zurich (partie 2 de la thèse). Il s’agit aussi d’un point de vue de stratégies géopolitiques et de politique commerciale. Ces projets représentent, en effet, des éléments de nature à fiabiliser les liaisons de l’Italie au reste de l’espace alpin, au moment où le trafic routier est mis en cause au point d’être économiquement et physiquement contraint par des mesures visant le contingentement. Ils constituent le point de compromis d’une collaboration de plus en plus active de ce pays aux politiques de report modal alpines. Nous avons vu, ainsi, que parallèlement aux travaux du groupe « Report Modal », la concertation publique italienne a conduit le gouvernement italien à avancer sur les mesures de report modal. Suite aux premières conclusions de l’Osservatorio Virano, le gouvernement s’est engagé à prendre de mesures concrètes : la ratification du protocole Transports de la Convention alpine, la mise en œuvre d’une partie de la directive Eurovignette 2006 (Encadré 3) et, notamment, de surpéages pour financer le Lyon-Turin, l’engagement en faveur du Lyon-Turin et du Brenner, des autoroutes de la mer et de la réalisation d’un axe performant et cohérent le long du Corridor V ont été insérés dans le document de programmation économique et financière de juin 2007. La Région Piémont s’est aussi exprimée en demandant une table de discussion sur la mise en œuvre des mesures de transfert modal. Toutes ces mesures marquent un virage important par rapport à la politique traditionnelle des transports italienne. La position italienne en la matière s’est, en effet, toujours accrochée sur une résistance « historique » au report modal. D’un côté, l’exigüité du transit en Italie n’a pas favorisé l’émergence et l’affirmation de ce problème et, de l’autre, la forte dépendance de la barrière alpine a amène le pays à se focaliser sur le problème du franchissement sans tenir compte du mode de transport. Encore en 2001, les aides au transport combiné ont été mises entre parenthèses, alors que les aides aux transporteurs routiers ont fortement augmenté. Le PGTL (Plan Général des Transports et de la Logistique), adopté en 2001, a été rapidement abandonné par le nouveau gouvernement Berlusconi et remplacé par la Legge Obiettivo, qui vise prioritairement l’accélération de la réalisation de nouvelles infrastructures de transport. Les nouvelles propositions du gouvernement Prodi en 2007, qui font suite aux analyses conduites dans le cadre de la concertation sur le projet, vont dans la direction opposée par rapport à la Legge Obietto, donc vers un point d’entente autour de la question alpine. Avec l’inscription du Lyon-Turin et du Brenner dans l’espace alpin, les objectifs italiens de la défense des franchissements alpins et du rattrapage du déficit d’investissement en infrastructures de transports semblent se concilier désormais avec les objectifs alpins. Ces projets représentent le point de rencontre entre deux visions différentes : leur existence permet à l’Italie de préserver son intérêt prioritaire, qui est la défense des franchissements alpins, et d’accepter en même temps, voire de collaborer à leur élaboration, des politiques visant le contingentement des trafics d’échange italiens sur la route.