6.3.1.3.L’échelon transnational du programme Interreg IIIb Alpine Space

Le nom d’« Espace alpin » naît lors du démarrage des nouveaux projets d’initiative communautaire pour la promotion de la coopération entre les régions de l’Union. En 2000, l’Union européenne lance Interreg IIIb Alpine Space, un programme de coopération territoriale entre les régions (NUTS 2) faisant partie de la chaîne des Alpes ou situé autour de cette dernière dans six pays : en Autriche (ensemble du pays), en France (Alsace, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Franche-Comté, Rhône-Alpes), en Allemagne (Freiburg, Schwaben, Tübingen, Oberbayern), en Italie (Valle d’Aosta, Liguria, Friuli Venezia Giulia, Piemonte, Lombardia, Veneto, Trentino Alto Adige), en Suisse (ensemble du pays), le Liechtenstein (ensemble du pays) et la Slovénie (ensemble du pays).

Fig. 41– Interreg IIIb Alpine Space

Source : www.alpinespace.org

Le lancement des programmes Interreg IIIb instaure un échelon de coopération transnationale à l’échelle alpine fondé sur la création de nouvelles relations et d’actions communes au niveau des régions. Dans le cadre de ses grandes orientations thématiques, l’Union européenne alloue avec ce programme en deux temps (2000-2006 et 2007-2013) des fonds à des projets de coopération alpins. Elle a aidé ainsi à créer des réseaux de coopération à travers les Alpes qui ont acquis une compétence grandissante en matière de collaboration et d’échange d’expériences sur un nombre considérable de questions63. Le succès de cette approche à l’échelle des Alpes est mesurable en termes de compétence acquise en matière de coopération. Comparé à d’autres zones de coopération en Europe, l’engagement des acteurs alpins sollicités dans cette démarche est important. Il témoigne de l’étendue du potentiel qui existe en matière de coopération au niveau de l’espace alpin (Schleicher-Tappeser, 2006).

Cette coopération participe à modifier le statut des Alpes au sein des États des pays alpins. En effet, exception faite de la Suisse et de l’Autriche, les Alpes ont longtemps occupé dans les autres pays le statut de périphérie au regard de la construction économique et politique des États (Granet-Abisset, 2004). Au contraire, leur localisation les place au centre de la nouvelle reconfiguration territoriale définie par la coopération transnationale. L’arc alpin devient l’élément de référence des actions menées dans le cadre des projets de coopération Interreg, en fonction duquel on définit les caractéristiques similaires et d’identités rapprochant les régions concernées par les politiques transfrontalières. A travers cette démarche, non seulement les Alpes acquièrent une place plus importante au sein des différents États, mais leur image se modifie aussi au sein de l’espace européen, où les régions alpines tendent à s’affirmer comme un modèle de régionalisation, grâce justement à leur position périphérique par rapport aux États nationaux qui les installe dans une position transfrontalière favorable à de possibles recompositions territoriales à travers les actions de coopération.

L’image des Alpes qui s’affirme dans le cadre de ce processus de réorganisation politique en Europe n’est plus celle d’une fracture du territoire européen, mais plutôt celle d’un « gigantesque commutateur qui agit sur les connexions et les circuits », selon l’expression de Raffestin (1999). L’espace alpin des programmes Interreg est censé jouer un rôle de charnière par rapport à l’objectif de la cohésion de la politique territoriale européenne, comme l’indique le rapport de la DG Transports de la Commission européenne de 1995, portant sur la perméabilité de la chaîne des Alpes, comme charnière entre le Nord et le Sud de l'Europe (Coleman, 1995). Dans ce cadre, sa représentation connaît une évolution intéressante, qui contraste avec les images de barrière que portent habituellement les Alpes. La coopération transnationale européenne vient donc bouleverser, tant du point de vue politique qu’opérationnel, un schéma historique. La fonction unificatrice des Alpes comme « charnière de l’espace européen » répond à un objectif précis de structuration de l’Europe et de définition des règles de gouvernance qui doivent discipliner les interventions sur le territoire. Ainsi, l’affirmation d’une unité de la région alpine se joue en premier lieu dans la redéfinition des identités locales et nationales qui se produit dans le cadre du processus de construction d’une identité européenne. Il est intéressant d’observer comment, dans le cadre de la définition des politiques destinées à cette région, le rôle de la montagne se modifie substantiellement au fil du temps. La montagne s’affirme comme un élément de première importance pour la description et la construction de cet espace ainsi que dans la définition des politiques qui le concernant. Néanmoins sa fonction et son image varient selon les usages et les exigences politiques des acteurs qui s’inscrivent, au cours de l’histoire, dans le système de gouvernance des politiques alpines.

Notes
63.

Dans le domaine, par exemple, de la gestion des ressources naturelles, des paysages et du patrimoine culturel, de la préservation de l'environnement et dans la prévention des risques naturels, avec des projets tels que : WALSER ALPS, VIA ALPINA, SISMOVALP, Meteorisk, CulturALP, CatchRisk, AlpNaTour, AlpEnergyWood… Mais aussi dans le domaine du développement de systèmes de transport durables, dans un souci d'efficacité, d'inter-modalité et d'amélioration de l'accessibilité, comme le montrent les nombreux projet de coopération mis en place dans ce cadre : AlpenCorS, AlpFRail, ALPNAP, ALPS MOBILITY II, MOBILALP, MONITRAF...