7.1.2.3.L’Union européenne

Malgré la réticence montrée par l’Union européenne au cours du processus d’élaboration de la Convention alpine à accepter l’affirmation de l’idée d’une spécificité alpine, l’Europe vient à considérer de plus en plus souvent les spécificités alpines dans les dispositifs législatifs et réglementaires qu’elle met en place. En effet, cet espace se configure, du point de vue européen, comme un terrain d’investissement privilégié dans des domaines divers. Les Alpes jouent ainsi un rôle dans le cadre à la fois de l’élaboration d’une politique européenne de la montagne (qui devrait alimenter le Schéma de Développement de l'Espace Communautaire, SDEC, pivot dans l’élaboration d’une politique territoriale européenne), de la mise en place d’une politique des transports d’échelle européenne et de la construction d’une politique environnementale européenne.

Dans le cadre spécifique de la question du transit alpin davantage qu’ailleurs, son intervention y est légitimée par plusieurs spécificités. Il y a d’abord le caractère multinational de la problématique : non seulement les problèmes à gérer présentent une grande similitude du Karawanken à Vintimille, mais surtout ils concernent des trafics à portée continentale (en provenance ou à destination de la plus part des pays membres de l’UE). L’intervention de l’Union européenne sur cette question est alors faite au nom de l’ensemble des pays européens, non seulement des pays alpins. La présence au cœur du massif d’un État non-membre de l’Union est un second élément qui vient légitimer l’intervention de Bruxelles. Un autre argument majeur de l’intervention européenne dans ce dossier concerne plus spécifiquement les pays alpins. Il s’agit de la dissymétrie de fait qui existe entre les pays spécifiquement alpins (la Suisse et l’Autriche), globalement concernés par la problématique du transit, les grands pays frontaliers des Alpes (la France et l’Allemagne), pour qui la question est forcément diluée, et l’Italie qui est complètement dépendante de la traversée des Alpes pour ses échanges terrestres avec le reste de l’Union. Dans ce contexte, l’Europe vient garantir le respect des grands principes de libre circulation, de non-discrimination… et réaffirmer ses grandes options politiques de régulation par le marché, de préservation environnementale, de construction d’un marché unique. L’engagement européen sur le thème des transports repose alors sur une logique politique qui comprend à la fois l’objectif de construction et renforcement du marché unique, en permettant à travers des transports efficients des économies d’échelles au système productif européen dans son ensemble, et un objectif socio-politique de « paix et diversité culturelle sous un même toit européen » (Perlik, 2007, p.94). Un dernier argument, et non le moindre, de l’intervention européenne tient à la lourdeur des investissements nécessaires pour réaliser les projets ferroviaires de nouvelles percées alpines. En incluant tant le Lyon-Turin que le tunnel de base du Brenner dans la liste des projets prioritaires du RTE-T et en concentrant ses moyens sur les tronçons transfrontaliers, l’Europe s’est mise en situation d’être l’un des principaux financeurs de ces projets. Les décisions de l’été 2007 concernant les engagements du budget européen au titre de l’exercice courant jusqu’en 2013 confirment cette implication83. De par la symbolique et les enjeux environnementaux majeurs des territoires alpins, de par la dynamique de renouvellement des réflexions impulsée par la Confédération Helvétique, de par aussi la volonté de l’Europe de mettre en œuvre une politique européenne des transports, la question du transit alpin s’érige peu à peu comme un espace d’innovation et d’expérimentation d’une maîtrise collective de la circulation des marchandises.

Notes
83.

Le 20 novembre 2007, la DG-TREN communique les financements prévus dans le cadre de la programmation financière 2007-2013 pour les projets du réseau transeuropéen. Sur un budget total de 5,7 milliards d’Euros, 1,4 sont alloués aux projets transfrontaliers de franchissement alpin : 672 millions pour le Lyon-Turin, 644 pour le Brenner et 75 millions pour la Trieste-Divaccia, en Slovénie. Source : La Stampa, 20/11/2007.