7.3.3.2.Les limites politiques

La question de la multiplicité de représentations liées à l’acte de la mesure acquiert une importance particulière, s’agissant d’outils de mesure de phénomènes dont les retombées peuvent être différentes selon les échelles territoriales et les pays d’observation. En ce qui concerne plus spécifiquement les trafics, leur mesure fait se croiser plusieurs représentations qui se distinguent par le type de trafic visé en tant que « coupable » du problème à résoudre, par les types d’impact de ce que l’on identifie comme problème et par les mesures envisagées pour lui faire face. Parmi ces conflits de représentation, un cas typique est celui porté par la rencontre d’échelles territoriales différentes, qui a lieu lorsque les trafics à gérer se déploient à longue distance alors qu’une part des retombées s’inscrit sur des espaces étroits. Dans ce contexte, les outils de mesure peuvent traduire l’affirmation, au sein du processus décisionnel, d’une certaine représentation des phénomènes au détriment des autres représentations possibles. Dès lors, dans le cadre de leur analyse, il faut distinguer entre une entrée technique et une entrée plus politique. Ainsi, pour comprendre comment un dispositif de mesure et d’observation s’affirme dans un certain contexte et devient une référence, utilisée par la plupart des acteurs concernés, l’analyse de ses caractéristiques techniques nécessite d’être complétée par la prise en compte d’autres facteurs, moins techniques, lui permettant d’être accepté par le plus grand nombre. En ce qui concerne la mesure des trafics transalpins, le défi inhérent à la construction d’un dispositif commun réside dans sa capacité à être un outil à la fois territorialisé – en mesure, donc, de prendre en compte la spécificité locale des territoires concernés – et globalisé, c'est-à-dire capable de rendre compte de problèmes communs aux Alpes. De ce point de vue, il faut remarquer que la base de données Alpinfo présente également, outre les limites techniques précédemment mises en exergue, des limites que l’on pourrait définir « politiques », dans la mesure où la représentation de la question alpine que son usage permet de construire ne correspond pas à la vision de l’ensemble des territoires concernés. En effet, il faut constater que si, d’un côté, il est vrai que cet outil permet d’affirmer une unicité du phénomène des trafics transalpins, de l’autre, il ne parvient pas à faire émerger une vision partagée concernant la nature et la définition du problème : quels sont les types de trafic qui posent problème au niveau de l’arc alpin dans son ensemble ? Et, par conséquent, quelles sont les mesures politiques « alpines » envisageables dans le cadre de la régulation des trafics ?