8.1.Les Alpes, un espace de conflits autour de la gestion des transports

Cette partie présente le point de vue initial des différents pays de l’arc alpin, en partant des caractéristiques propres qui ont façonné leur positionnement dans la durée. Elle retrace donc le contenu des politiques nationales vis-à-vis du transit alpin avant que celles-ci ne s’intègrent dans la dynamique concertée que nous allons décrire dans les chapitres suivant.

Ensemble montagneux situé au cœur du continent européen, les Alpes forment malgré l’évidence de leur désignation un espace hétérogène. Quelques images esquissées peuvent donner un rapide aperçu de cette hétérogénéité. Elles sont par exemple partagées entre de multiples pays différents : la Slovénie, l’Autriche, l’Allemagne, le Lichtenstein, la Suisse, la France et l’Italie. Elles appartiennent à des ensembles linguistiques distincts : on y parle le slovène, l’allemand, le français, l’italien, sans oublier le romanche ni les multiples dialectes encore présents dans de nombreuses vallées. Grenoble ou Innsbruck sont enchâssées entre des sommets élevés tandis que la plupart des autres grandes agglomérations, Turin ou Milan, Zürich ou Genève… sont plutôt placées aux marges du massif. Elles ne présentent encore aucune cohérence économique spécifique. Les Alpes du Sud françaises sont plutôt sèches, peu industrialisées alors que plus au Nord, l’exploitation de l’énergie hydraulique a souvent permis l’établissement d’industries lourdes. Les hautes technologies, parfois mentionnées comme très présentes sur les pourtours du massif s’y sont développées dans des logiques parfaitement autonomes et les agglomérations phares dans ce domaine, Munich et Grenoble par exemple, n’entretiennent aucun lien spécifique. Le tourisme, partout présent, connait des formes très diversifiées : industrialisé et lié presque exclusivement à la pratique du ski en Tarentaise française, plus polyvalent, plus rural dans les vallées autrichiennes. Enfin, les différents territoires alpins ont chacun une histoire, des cultures, une organisation politique qui les différencient fortement. Quoi de commun en effet, entre le fédéralisme fondateur de la nation suisse, l’héritage habsbourgeois de l’Autriche, le centralisme jacobin français et les tentations centrifuges des périphéries italiennes ? Quoi de commun encore entre une identité montagnarde essentielle pour les Suisses et les Autrichiens, alors qu’elle n’est que marginale en France et en Italie? Ces différences de points de vue expliquent que pendant longtemps, les politiques menées dans le domaine des transports par chaque pays sur la portion de l’espace alpin qu’il contrôle ont été conduites de manière largement indépendante, et parfois avec des objectifs contradictoires. Nous allons donc présenter un rapide tableau historique de ces politiques, en nous attachant aux quatre principaux pays concernés: l’Italie, la Suisse, l’Autriche et la France.