Autriche : le transit, un problème à la fois majeur et marginal

L’espace montagnard n’occupe pas moins de place en Autriche qu’en Suisse, d’un point de vue géographique, ni d’un point de vue symbolique. La problématique de la traversée des Alpes n’est pas non plus moins présente dans l’histoire autrichienne. Que l’on considère l’héritière d’un empire Austro-hongrois pour qui l’accès à la mer Adriatique était un enjeu stratégique majeur ou un ensemble culturel tyrolien qui s’étend sur les deux versants de la chaîne montagneuse, on ne peut que constater la prégnance des questions de franchissement.

Par rapport à cette situation établie d’état alpin, l’Autriche possède plusieurs caractéristiques importantes qui doivent être précisées. En premier lieu, l’importance de la traversée des Alpes par rapport à la cohésion du territoire national y prend une toute autre dimension. En effet, le bassin versant supérieur de la Drave, drainant la Carinthie et la Styrie d’une part, le Tyrol, correspondant à la moyenne vallée de l’Inn d’autre part, c’est-à-dire une proportion importante de la surface du pays, sont isolés d’un point de vue orographique de la Haute et de la Basse-Autriche où sont situées les plus grandes villes.

En second lieu, le point de passage le plus important, historiquement et en termes quantitatifs, non seulement à l’échelle du pays, mais à l’échelle de l’arc alpin dans son ensemble, le col du Brenner, est très excentré par rapport au territoire autrichien. Cette position induit un décalage dans le contenu de la problématique de transit. Le Brenner, frontalier, répond strictement à une logique Nord-Sud d’échange germano-italien, les autres points de franchissement autrichiens, où les trafics internes sont importants voire prépondérants, sont du point de vue du trafic de transit bien davantage inscrits dans une perspective Est-Ouest. De ce fait, le contenu des flux, les dynamiques d’évolution, le contexte politique ne sont pas les mêmes.

En troisième lieu, on peut souligner l’opposition relativement forte entre la région viennoise, industrielle, ouverte sur l’Europe centrale, de tradition politique de gauche et les territoires alpins, ruraux, touristiques et traditionnalistes. Cette opposition se traduit par des difficultés à coordonner les positions adoptées de part et d’autre. Le projet du tunnel ferroviaire du Semmering illustre cette difficulté : il est souhaité par les Länder du Sud (Styrie et Carinthie) tant pour des raisons d’accessibilité que de transfert modal alors qu’il est refusé par la Basse-Autriche pour des raisons environnementales d’insertion dans le milieu naturel.

Sous la pression principale du Land du Tyrol, l’Autriche a adopté dès le début des années 1990 plusieurs dispositions destinées à réduire le volume des flux routier en transit sur son territoire, en particulier au col du Brenner. Outre des interdictions de circulation nocturnes, la principale mesure a consisté à introduire un système de contingentement des émissions d’oxyde d’azote. L’introduction de ce système d’« écopoints » affichait l’objectif de réduire de 60% les émissions de NOx. Il était fondé sur une modulation du nombre de points nécessaires pour circuler en fonction de la norme Euro du véhicule, et donc incitatif à la modernisation du parc. Il reposait aussi sur une répartition des quotas d’écopoints par pays d’origine du véhicule. Au moment de l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne, le dispositif a été inscrit dans un protocole de l’acte d’adhésion, mais avec une date butoir fixée en décembre 2003 pour sa disparition. En 2003, l’Autriche a obtenu sa prorogation pour 3 années supplémentaires, mais assortie de dispositions introduites au prétexte de l’arrivée de nouveaux pays membre au sein de l’UE qui ont précipité son abandon par le gouvernement autrichien au profit de l’introduction d’une tarification d’usage des infrastructures, un péage. On voit ici que la première conséquence de l’entrée de l’Autriche dans l’Union européenne a été l’abandon des orientations qu’elle s’était donnée de manière unilatérale.

Le péage introduit en 2004 devait donc répondre aux exigences du droit commun européen, en particulier à celles de la Directive Eurovignette, dans sa version 99/62. Il est donc fondé sur le recouvrement du coût complet des infrastructures. Les recettes générées sont d’ailleurs dédiées au réseau routier. Cependant, le tarif appliqué au Brenner est jugé supérieur au plafond délimité par le coût complet et la Cours Européenne de Justice a condamné l’Autriche de ce fait. Toujours sur le corridor du Brenner, la même cours a statué sur un règlement du gouvernement du Tyrol, jugeant qu’il dressait une liste trop étendue des substance dont le transport routier pouvait être interdit au titre de la sécurité.

L’autre volet de la politique autrichienne des transports à travers les Alpes vise au développement d’une alternative ferroviaire. Profitant tout d’abord d’un axe ferroviaire existant par le col du Brenner dénué de tunnel de franchissement et donc des limitations de gabarit qui leur sont souvent attachées, un service de route roulante conséquent a été développé, avec plusieurs initiatives et plan d’action pour améliorer l’axe existant. Cette politique préfigure celle qui se dessine aujourd’hui sur l’axe du Fréjus, à l’autre extrémité de l’arc alpin. Ensuite, le projet d’une nouvelle liaison ferroviaire Munich-Vérone, incluant un tunnel de base de 56 km est activement poussé, conjointement par L’Italie, l’Autriche et l’Allemagne.