France : l’émergence récente d’une politique alpine des transports

En France, l’espace alpin occupe une place marginale. Géographiquement, la proportion du territoire qu’il représente est faible. Symboliquement, les Alpes constituent, avec les Pyrénées et le Rhin, ces « frontières naturelles » sur lesquelles la Convention entendait assoir la sécurité du pays. De fait, la question du franchissement des Alpes est restée anecdotique dans l’hexagone. En outre, dans le dispositif législatif du pays, l’espace alpin est la plupart du temps noyé dans le cadre de politiques « de montagne » qui englobent beaucoup d’autres territoires qui ont en commun l’altitude (supérieure à 500 m) mais ne partagent que peu d’autres problématiques. En France, les Alpes elles-mêmes forment un ensemble particulièrement contrasté. Le premier de ces contrastes apparaît entre les Alpes du Nord, économiquement intensément valorisées, et les Alpes du Sud, longtemps délaissées. Un second contraste est perceptible entre les fonds de vallée d’industrie ancienne en perte de vitesse et les pentes « skiables », avec une exploitation touristique industrielle qui valorise l’accessibilité (et l’équipement des fonds de vallée).

Dans ces conditions, la politique des transports menée dans les Alpes s’est longtemps limitée à une politique strictement équipementière. Elle rejoignait en ce sens la politique autoroutière nationale, avec comme seule problématique spécifique le financement d’infrastructures forcément plus coûteuses. De fait, le système de péage et de concession appliqué en France conduit à des niveaux de tarification des passages alpins très élevés par rapport à ce qu’ils sont dans les autres pays. Une première dimension spécifiquement alpine, mais marginale par rapport à notre questionnement, concerne l’équipement des fonds de vallée dans une logique d’accessibilité des stations de sports d’hivers conçues comme les outils de la modernisation des territoires montagnards. Le percement du tunnel du Mont-Blanc, dès 1965, puis du tunnel du Fréjus, en 1980, s’inscrivent dans une logique plus traditionnelle d’effacement des obstacles naturels. On a vu dans la partie précédente que le projet Lyon-Turin lui-même est né sous les mêmes auspices : sa fonction initiale était de faciliter les conditions techniques de circulation ferroviaire. Ce n’est finalement que dans la période toute récente, et en majeure partie à la faveur de ce projet, que la France développe une véritable politique alpine des transports.